Depuis son indépendance, la répartition des hautes responsabilités de l’Etat entre communautés avait été tacitement réglée. Sans verser dans une politique de quota institutionnalisée, les dirigeants du pays, de Ould Daddah à Ould Cheikh Abdallahi avaient tenu à accorder une bonne visibilité à toutes les composantes nationales du pays, les haratines exclus !
Ainsi, durant le premier régime civil (1960-1978), des cadres de la composante Négro-mauritanienne avaient assumé de hautes responsabilités qui reflétaient leurs compétences, mais aussi leur représentativité de la deuxième communauté démographique du pays. Feu Moktar Ould Daddah avait tenu à se faire seconder, protocolairement, par un originaire du sud du pays. Cheikh Sâad Bouh Kane, Bâ Mamoudou Samba Boly, Sidi Mohamed Diagana et Sall Abdel Aziz (paix à leurs âmes) et d’autres jouaient toujours de grands rôles aux côtés du Père de la Nation. Certains parmi ces personnes cités ont assumé les charges de président de l’Assemblée nationale, protocolairement second personnalité de la République. D’autres hauts cadres ont assumé toutes les responsabilités à la tête de ministères de souveraineté, sans aucune gêne, ni complexe !
Après le coup d’Etat, la situation a légèrement changé. Nonobstant, certains officiers supérieurs comme Yall Abdoulaye, Dia Mamadou Amadou, Soumaré Silmane, Anne Amadou Babaly et d’autres ont toujours joué d’importants rôles dans la constellation de la junte. Sous le régime de Mohamed Khouna Ould Haidalla, de jeunes officiers noirs joueront un rôle déterminant dans la stabilisation du régime. Diop Moustapha, Athié Hamath, Diop Amadou et d’autres seront les ‘’vedettes’ de ce régime aux côtés d’un certain Breika Ould M’Bareck, premier haut gradé haratine à prendre un envol assez tonitruant au sein de la grande muette.
Le putsch de 1984 qui emmènera Ould Taya au pouvoir mettra fin à cette présence remarquée des officiers noirs. La prédominance des idéologies nationalistes arabes, notamment bâathiste, conduira aux purges des années 86-87-89 et 90-92. Parallèlement, une denégrification des services civils de l’Etat est opérée. Les déportations massives de cadres, fonctionnaires et intellectuels noirs feront le vide que cherchaient les nationalistes arabes. Pourtant, avec le tournant démocratique de 1991, Ould Taya imposera un noir à la tête du Sénat. Ainsi, Dieng Boubou Farba, sera le président du Sénat depuis sa création jusqu’à la chute du régime, en août 2005. Après le rétablissement des institutions démocratiques, en 2007, Bâ Mamadou dit M’Baré sera élu à la tête de cette chambre. Il décèdera en 2012 après avoir assumé les charges de Président par intérim, en 2009. Autre rayonnant chapitre sous Sidioca, la nomination de Messaoud Ould Boulkheir à la tête de l’Assemblée nationale. La Mauritanie apparaissait ainsi dans ses meilleurs jours de compromis. Un Beidane à la tête de l’Etat, un Négro-mauritanien à la tête du Sénat et un Haratine au perchoir de l’Assemblée nationale.
Très vite après le coup d’Etat de 2008, l’on assiste à une radicalisation du régime qui remettra en cause toutes les avancées enregistrées sur la question de la cohabitation. Il réduira presque à néant la représentativité des Négro-Mauritaniens qu’il masquera par la mise en avant d’une plus grande représentativité des haratines. Ces derniers occuperont l’Assemblée nationale, le Conseil Constitutionnel, la Cour des Comptes et le Conseil économique et social. Par contre, on purgera les structures de leurs têtes Négro-Mauritaniennes, à l’instar de la Commission nationale des droits de l’homme, d’où Bamariem Koita sera débarqué à la fin d’un mandat pourtant assez glorieux pour l’institution.
Le pire se produira au Sénat. Après la mort de M’Baré, son premier adjoint, Mohcen Ould El Hadj assumera la charge à titre d’intérim. Le régime refusera, mordicus, de renouveler les deux tiers échus afin d’éviter un renouvellement du bureau qui allait consacrer l’émergence d’un nouvel élu noir à la tête de la chambre. Il en restera ainsi jusqu’à la dissolution tumultueuse de la chambre !
En perspective des élections législatives de la semaine prochaine, on semble vouloir imposer une tête d’affiche à la tête de l’Assemblée. D’aucuns parlent du très controversé maire de Zouerate, Cheikh Ould Baya et d’autres de la très nassériste Mati mint Hamadi, pressentis par Aziz pour assurer la présidence de cette assemblée qu’il convoite tant pour assouvir ses desseins encore inavoués…
Bizarrement, personne ne pense au déséquilibre que ceci induit en termes de représentativité des communautés dans la gestion des affaires. Les Négro-Mauritaniens, fatigués de s’offusquer des orientations racistes du régime, n’auront que leurs lamentations et leurs complaintes. A moins de sanctionner massivement le parti au pouvoir….