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La Mauritanie : Utopie, chimères…et réalité

Samedi 28 Mai 2022 - 23:41

La Mauritanie : Utopie, chimères…et réalité

Acte I : Vers l’année 2012, la SNIM révélait, à grand renfort d’une coûteuse campagne de communication, son fameux projet « Nouhoud » qui ambitionnait d’atteindre la production de 40 millions de tonnes par an de minerai de Fer àl’horizon 2025, et de pouvoir ainsi figurer dans le top 5 mondial. Ceci est pour l’effet d’annonce.

Pour la partie chimère, c’est qu’au moment de cette annonce, le 5ème producteur mondial de minerai de fer produisait déjà…100 millions de tonnes !

Toutes choses étant égales par ailleurs – et le ridicule ayant perdu son effet depuis belle lurette sous nos cieux – on aura beau se tarabiscoter les méninges qu’on ne saura jamais par quelle miraculeuse contorsion économico-industrialo-financière une telle ambition aurait pu se concrétiser. Depuis, le peuple a ingurgité l’entourloupe et la SNIM a avalé sa cravate.

Acte II : Petit bond dans le temps et nous découvrons – tardivement - l’hydrogène vert…le temps de comprendre de quoi il retourne et nous voilà déjà projetés caracolant parmi les futurs grands producteurs d’hydrogène vert au monde avec le meilleur rapport coût/production d’électricité. Nous nous voyions déjà en acteur majeur d’un monde décarboné et récipiendaires des futurs lauriers de la transition énergétique. Et les « Communicants » officiels de s’emballer, et les caisses de résonnance de suivre…et la douche froide aussi.

Pour la partie utopie, c’est qu’au moment de notre « découverte » de l’hydrogène vert, le mondeplanchait déjà depuis plusieurs années sur cette nouvelle opportunité porteuse de tant de promesses pour un monde plus « propre ».Ragaillardi déjà par notre rapport supra avec le ridicule, nous n’avons pas même remarqué que les experts de la planète s’accordent tous à dire que la production de l’hydrogène vert recèle encore de tant d’incertitudes et d’inconnues qu’il n’est pas envisageable d’en produire à court-moyen termes.

A l’annonce de nos tarifs si précipitamment compétitifs, on ignorait que les spécialistes les plus optimistes plaçaient les coûts de production-transport de l’hydrogène vert dans une fourchette de prix assez prohibitive pour l’instant. Ce qui a le propre de brider un brin l’enthousiasme ambiant.  

Acte III : Plus contemporain encore, nous venons de nous doter – enfin – d’une agence pour la promotion des investissements qui se « targue » d’être la dernière-née du genre dans la sous-région et qui – avant la fin de son sevrage – a déjà « l’objectif sous-jacent (…) de hisser l’APIM au rang des meilleures agences de promotion des investissements. » sic. Et de continuer : « Sur la base des performances réalisées par les meilleures API de la région, nous pouvons proposer des objectifs à atteindre en 5 ans pour l’APIM » sic. 

 

L’utopie ici réside dans une prétendue feuille de route déclinée en 15 programmes aussi confus qu’alambiqués où se côtoient des vœux pieux avec des vessies prises pour des lanternes.    

 

Nous, les mauritaniens, avons développé une telle faculté de lévitation carburant au tapis volant des mythes et légendes anciens que seule la réalité persistante engluée dans une misère sourdement criante aura le pouvoir de tempérer. 

 

Au lieu de tirer profit de ce que nous avons déjà entre les mains, nous privilégions rêveusement ce que nous souhaitons avoir ou être. Concomitamment, nous avons élevé le paraitre à des sommets où l’être s’en est trouvé auto-consumé dans le même effort. Une sublimation du semblant se nourrissant d’une hypocrisie intrinsèquement gravée dans nos gènes et pathologiquement atavique.  

La raison de ce manque de faculté d’ancrage dans la réalité résiderait - peut-être – dans une sorte de fuite en avant dont, ensemble, nous nous délectons le temps éphémère d’une autosatisfaction tant paroxystique que pathétiquement factice.

Mais, semble-t-il, nous préférons avoir la tête dans les étoiles que la main à la pâte…

Chez nous, Développement et utopie ont été des termes corrélés, voire synonymes. Et l’aventure mauritanienne de l’utopie en a été d’autant plus accidentée. Mais bientôt, soit que l’utopie ne tiendra pas ses promesses, soit que son insertion dans son programme l’arrachera à ses références conceptuelles.

Il est grand temps d’établir une distinction raisonnable entre la possibilité de l’utopie et l’impossibilité des chimères. Quoique les plus pessimistes parmi nous n’ont même jamais cru au tracé de cette ligne de démarcation. A ces ambitions utopiques se sont attachées des considérations économiques, sociales et politiques. L’utopie a été le moteur de l’histoire de ces dernières années dans la mesure où elle a dégagé des horizons inattendus ou tout simplement un sentiment diffus et paralysant qui s’est contenté d’alimenter notre complaisance vis-à-vis de nous-mêmes. Aujourd’hui, nous payons péniblement le prix exorbitant de notre confiance en l’avenir et les perspectives se sont croisées.

Nous avions si bien gonflé notre ego et suralimenté notre imaginaire social que nous nous sommes ensuite croisés les bras : nous étions si convaincus d’être un pays du futur que nous avons oublié d’être un pays du présent. 

L’incontournable mauvaise conscience ne s’est pas refusée à être le masque illustré de l’utopie. Je conçois que pour certains l’utopie est un mode de programmation gouvernementale efficace ; mais quand le pouvoir actuel nous fait ingurgiter ce concept compact qui promettait d’être totalisant, il s’est vite révélé totalitaire. Et dans l’effritement de cette totalité, l’utopie a laissé se déséquilibrer notre futur. Mais à ce moment-là, la multitude ne savait pas que la fragilité de l’utopie réside dans la supposition d’une préséance du futur sur le présent !

Il n’est que temps de cesser les discours de célébration et de commencer à révéler les effets pervers de l’utopie. Ainsi, l’une des tâches urgentes est de restaurer le futur ; notre futur à la confiscation duquel nous assistons à travers l’expansion fulgurante de la précarité en plus de l’état de tension sociale redevenu extrêmement prégnant. Sans trop s’encombrer l’esprit de préjugés et a fortiori de fantasmes, l’opportunité nous est encore offerte de redresser la barre et de changer de cap avec sérénité, apaisement et surtout clairvoyance.

Chez nous, le croisement de l’entropie et de l’impéritie a pondu un avatar ectoplasmique au pouvoir annihilant qui a fini par avoir raison des reliefs fossilisés de nos grandes valeurs humaines qui nous paraissent aujourd’hui si lointaines, pour ne pas dire antédiluviennes.

Ne réalisons-nous pas que c’est l’accumulation de « petits riens » qui engendre la formation de révoltes ou révolutions qui ont soufflé plus d’un pouvoir sous d’autres cieux ?

L’avènement d’une Mauritanie unie, réconciliée et prospère ne se réalisera qu’en rompant définitivement avec cette façon de gouverner héritée des temps anciens.

Hassana Mbeirick

Citoyen mauritanien lambda

mauriweb.info

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