Des dizaines de manifestants pro-démocratie jusqu'au-boutistes restaient retranchés jeudi sur un campus de Hong Kong assiégé par la police, alors que l'adoption aux Etats-Unis d'une résolution de soutien aux protestataires menace d'enflammer les relations sino-américaines.
L'Université polytechnique (PolyU) est le théâtre depuis cinq jours de la plus longue confrontation entre manifestants et forces de l'ordre depuis le début de la contestation en juin. La présence policière a cependant été nettement réduite.
Pékin n'avait pas réagi dans l'immédiat à l'adoption mercredi par le Congrès américain d'une résolution soutenant les "droits de l'homme et la démocratie" à Hong Kong. Un clair soutien aux protestataires de l'ex-colonie britannique, qui réclament le suffrage universel.
La Chine a agité la menace de représailles si le texte était transformé en loi. Avant d'être promulguée, elle doit encore être signée par Donald Trump. Le président américain devrait l'approuver, selon une source proche du dossier.
"Certains espèrent que cela dissuadera Pékin d'agir. C'est faire preuve de naïveté", a prévenu le tabloïd chinois Global Times, réputé proche du pouvoir et connu pour son ton nationaliste.
"Si nous prenons ce projet de loi américain au sérieux et si nous reculons face aux émeutes, Hong Kong subira un effondrement accéléré de l'État de droit et sera effacé du monde moderne".
Jeudi, la Bourse de Hong Kong chutait de 1,56% en cours de séance, les investisseurs étant inquiets que l'initiative du Congrès ne vienne torpiller les efforts de la Chine et des Etats-Unis pour finaliser un accord sur leur différend commercial.
- Cocktails Molotov -
La situation sur le campus de la PolyU était très calme jeudi. Un groupe d'irréductibles se cuisinait un déjeuner dans une cantine, à partir des rares provisions qu'ils leur restaient.
Des pancartes avertissaient les passants de ne pas fumer près des endroits où sont entreposés les cocktails Molotov, prêts à être utilisés contre la police.
Sur le millier de manifestants occupant l'établissement au départ, il n'en restait que quelques dizaines, selon un décompte de journalistes de l'AFP présents sur place.
Un certain nombre ont pris la fuite, déjouant les barrages policiers ou s'échappant par les égouts. Mais la majorité se sont rendus ou ont été interpellés par les forces de l'ordre à leur sortie.
Le siège du campus avait commencé dans la violence dimanche, avec des protestataires jetant des cocktails Molotov et des briques aux policiers voulant les déloger. La police avait notamment répondu par des tirs de gaz lacrymogènes.
Un total de 700 personnes ont déjà été arrêtées en lien avec l'occupation de l'université, a déclaré mercredi soir à la presse un responsable de la police.
A l'extérieur du campus jeudi, des agents d'entretien avaient effacé une grande partie des stigmates des affrontements, déblayant débris, ordures et éclats de verre des cocktails Molotov.
Le mouvement de protestation avait débuté en juin contre un projet de loi visant à autoriser les extraditions vers la Chine continentale -- où la justice n'est pas indépendante du pouvoir.
- "Grave provocation" -
Ce texte a depuis été retiré, mais les manifestants ont élargi leurs revendications au suffrage universel complet et à une enquête indépendante sur ce qu'ils présentent comme des violences policières.
Les troubles refroidissent les investisseurs et font fuir les touristes, ce qui a pour conséquence d'étrangler les petits commerces et l'économie hongkongaise -- désormais en récession.
Hong Kong est une région du sud de la Chine qui jouit d'une grande autonomie, de la liberté d'expression, et d'une justice indépendante.
Les Etats-Unis accordent à ce titre au territoire un statut économique particulier, qui le met à l'abri des droits de douane punitifs imposés par l'administration Trump contre Pékin.
"Si le projet de loi (du Congrès) devient une loi effective, les investisseurs y réfléchiront à deux fois avant de prendre le risque" d'investir à Hong Kong, a averti Hao Hong, analyste du cabinet Bocom International, cité par l'agence Bloomberg.
La Chine a maintes fois accusé Washington et les élus américains d'encourager la violence des manifestants à travers leurs déclarations.
Et le Quotidien du peuple, le journal officiel du Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir en Chine continentale, a dénoncé le projet de loi du Congrès comme une nouvelle "grave provocation".
"Si les Etats-Unis persistent sur ce chemin, la Chine prendra des mesures fortes et s'y opposera avec résolution, et il conviendra aux Etats-Unis d'en assumer toutes les conséquences".
AFP