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un grain de sable pour secouer la poussière...

Des migrants Marocains réduits à l'esclavage en Libye

Jeudi 23 Novembre 2017 - 08:35

Le rêve de l'Eldorado européen a viré en véritable cauchemar pour près de 200 Marocains bernés par les réseaux d'immigration clandestine et actuellement détenus en Libye. Témoignages exclusifs rapportés par Telquel Arabi.


Quand nous avons contacté les familles des Marocains retenus en Libye, elles nous ont déclaré que leurs proches ont versé une moyenne de 40.000 dirhams à des intermédiaires censés les faire passer en Italie.

 

Les entremetteurs marocains répondent aux noms de Haj Saleh, Anas et Fatima… et sont en contact permanent avec les chefs des réseaux d'immigration clandestine en Libye. "Il s'agit de pseudonymes", nous explique Ismaïl Semlali, le père de Mehdi, jeune Marocain retenu au centre de "Tarik Assikah" à Tripoli.

Bring back our sons!

Ibtissam. A. est la sœur de l'une des victimes marocaines, originaire de Fkih Bensaleh. Elle nous révèle que son frère était parti en Libye, via l'Algérie, avec deux autres proches dans l'espoir de rejoindre l'Italie. En fin de compte, les trois Marocains se sont retrouvés otages de réseaux de traite d'êtres humains.

Notre interlocutrice ajoute que ces mêmes réseaux ont contacté sa famille pour demander une rançon, faute de quoi l'otage allait être assassiné. La famille n'a alors pas eu d'autre choix que de mettre la main à la poche et de remettre l'argent aux intermédiaires.

La version d'Ibtissam. A. est corroborée par l'un des Marocains retenus en Libye. Sous le sceau de l'anonymat, il nous révèle qu'il a dû lui aussi verser 40.000 dirhams pour atterrir en Italie. Manque de chance, il finit comme otage en Libye.

"Un gang nous avait séquestrés et pris contact avec le chef d'un réseau d'immigration clandestine pour nous vendre. La transaction a eu lieu. Notre acquéreur nous a obligés à payer le double de la somme qu'il a déboursée pour nous acheter. L'armée a fini par donner l'assaut contre les maisons que nous habitions à Sabratha (nord-ouest de la Libye, NDLR) et nous avons fini dans un centre de rétention", témoigne notre interlocuteur.

"Quand vous arrivez en Libye et que vous tombez entre les mains des réseaux d'immigration clandestine, vous mettez de côté votre dignité et vous devenez un esclave qui doit faire tout ce qu'on lui demande. Vous pourrez être tué sans que personne ne soit au courant", ajoute un autre Marocain, originaire de Sidi Bennour qui a fait des pieds et des mains pour nous joindre depuis un centre de rétention libyen.

Il ajoute que sept Marocains ont été sévèrement torturés après avoir fait fuiter une vidéo qui rend compte des souffrances que subissent les otages.

"Nous n'avons pas de médicaments, pas de produits d'hygiène, et les puces nous pourrissent davantage la vie. Nous voulons que le roi Mohammed VI intervienne pour trouver une solution et nous permettre de regagner notre pays", poursuit le jeune homme.



La faute à Rabat?

Après plusieurs mois passés dans les centres de rétention, les Marocains ont commencé à enregistrer des vidéos et à les diffuser sur le site officiel de l'instance officielle libyenne chargée de la lutte contre l'immigration clandestine pour accélérer une intervention des autorités marocaines. Ils ont même entamé des grèves de la faim pour protester contre la sourde oreille du gouvernement El Othmani.

Anouar Abou Dib, directeur du centre de rétention de Zouara, a accepté de répondre à nos questions. Il a confirmé que 200 Marocains se trouvaient dans ce centre, mais que les autorités de Rabat ne faisaient rien pour leur rapatriement, sachant que peu d'entre eux disposent d'un passeport.

"Le centre est ouvert à toutes les instances et ONG. Si une ONG marocaine veut visiter le centre, elle est la bienvenue. Nous n'avons rien à cacher", ajoute Abou Dib qui réfute les accusations de maltraitance contre les personnes retenues dans son centre.

Le responsable libyen fait plus que répondre à nos questions. Il propose de nous mettre en contact téléphonique avec les Marocains retenus dans le centre de Zouara.

Le premier à s'emparer du combiné est Mostafa Lakhdar, originaire de la région de Khouribga. "Nous voulons seulement rentrer au pays comme les Algériens, les Égyptiens et les Nigérians. Nous attendons toujours une intervention royale pour mettre fin à nos souffrances et à celles de nos familles", nous déclare ce père de sept enfants.

"Cela fait longtemps que nous vivons dans ce centre et quand nous posons la question aux Libyens, ils nous répondent que c'est la faute aux autorités marocaines", renchérit Mohamed Aâch, originaire de Khouribga, et père de quatre enfants.

Mohamed Aâch a déboursé 50.000 dirhams dans l'espoir de rallier l'Italie via la Libye. "J'ai passé trois mois en otage dans des réseaux d'immigration clandestine. C'était les pires moments de ma vie", affirme-t-il.

Ahmed Hamza est le rapporteur du Comité national des droits humains en Libye. Lors d'un contact avec Telquel Arabi, il contredit la version des responsables du centre de rétention de Zouara. Il qualifie les conditions de détentions des Marocains de "misérables" en l'absence de soins et de nourriture adéquate.

"Les autorités libyennes ont préparé tous les documents relatifs aux détenus marocains et nous n'attendons que la réponse des autorités marocaines", nous déclare Jamal Al Mabrouk, président de l'Organisation de la coopération et du secours international.

"Rappelez plus tard, je déjeune!"

Nous avons essayé de joindre Abdelkrim Benatiq, ministre chargé des Marocains de la diaspora. Quand il a répondu à nos appels, samedi dernier, il avait demandé qu'on le rappelle puisqu'il était occupé à prendre son… déjeuner. Depuis, aucune suite n'a été donnée à nos sollicitations.

Vendredi dernier, le département de Benatiq avait diffusé un communiqué affirmant suivre avec beaucoup d'attention le dossier des Marocains retenus en Libye et que, avec la coopération des autres départements concernés, ces Marocains seraient bientôt rapatriés.

Une source gouvernementale nous révèle que Nasser Bourita, chef de la diplomatie marocaine, suit de très près ce dossier et que les autorités ont fait du rapatriement des Marocains retenus en Libye l'une de ses priorités du moment.

(Cherki Lahrech pour TelQuel Arabi, Editing: Mohammed Boudarham)

source telquel.ma

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