Des centaines de manifestants hongkongais retranchés dans un campus étaient lundi après-midi cernés de toutes parts par la police qui multipliait les arrestations, après avoir menacé de répondre avec des "balles réelles" aux "armes létales" des protestataires.
La mobilisation en cours dans l'ex-colonie britannique depuis plus de cinq mois a basculé la semaine dernière dans une phase beaucoup plus radicale et violente, qui a entraîné notamment la fermeture des écoles.
L'exécutif hongkongais, qui est aligné sur Pékin, s'est refusé à accéder aux revendications des manifestants, qui demandent notamment l'avènement du suffrage universel dans la mégapole de 7,5 millions d'habitants, et une enquête sur les violences policières.
Au contraire, la Chine a maintes fois averti qu'elle ne tolérerait pas la dissidence, et l'inquiétude monte face à la possibilité d'une intervention chinoise pour régler cette crise politique inédite.
Lundi après-midi, la police continuait d'assiéger l'Université polytechnique de Hong Kong (PolyU), sur la péninsule de Kowloon, depuis la veille "tenue" par plusieurs centaines de manifestants.
- "Eclore partout" -
En fin de nuit, ils ont incendié la principale entrée de ce campus, après avoir repoussé un assaut de la police. La lumière du jour n'a donné lieu à aucune amélioration dans ce face-à-face, le plus tendu depuis le début du mouvement en juin.
Toute tentative de fuite était repoussée par des volées de grenades lacrymogènes, contraignant les protestataires vêtus pour la plupart de noir à se replier dans le campus. Des dizaines de personnes ont été arrêtées, parfois très violemment.
La contestation était montée d'un cran lundi dernier avec une nouvelle stratégie baptisée "Eclore partout" ("Blossom Everywhere"), qui consiste à multiplier les actions -- blocages, affrontements, vandalisme -- pour éprouver au maximum les capacités de la police.
Conséquence: un blocage quasi général des transports en commun la semaine dernière pendant cinq jours. Lundi, les écoles n'ont pas rouvert.
Cette stratégie a eu pour effet d'ancrer la contestation dans plusieurs lieux comme les campus, alors que les manifestants préconisaient au cours des mois précédents d'être insaisissables et fluides "comme l'eau".
Et cette nouvelle phase a été marquée par une aggravation de la violence des deux camps, comme l'ont montré les images d'un policier blessé à la jambe dimanche par une flèche tirée par un manifestant près de la PolyU.
- "Certains pleuraient" -
Un blindé a par ailleurs été incendié non loin dans la nuit par des cocktails Molotov alors que les forces de l'ordre tentaient de reprendre le contrôle d'un pont-passerelle proche de l'entrée du Cross Harbour Tunnel -- un des trois tunnels routiers desservant l'île de Hong Kong, qui est bloqué depuis mardi.
La police a dit avoir tiré trois balles au petit matin près de l'université en précisant que personne ne semblait avoir été blessé.
La police a qualifié le campus de "zone d'émeute". La participation à une émeute est passible de dix ans de prison.
"Je demande ici aux émeutiers de ne pas utiliser de cocktails Molotov, de flèches, de voitures ou d'armes létales pour attaquer les policiers", a déclaré le porte-parole de la police Louis Lau.
"S'ils poursuivaient des actions aussi dangereuses, nous n'aurions pas d'autre choix que d'utiliser la force minimale nécessaire, y compris les balles réelles, pour riposter", a-t-il ajouté.
Les policiers hongkongais ne se sont servis que lors d'incidents isolés de leur arme de service, sans faire de mort.
Face aux groupes de protestataires jetant briques et cocktails Molotov, la police a privilégié lacrymogènes, balles en caoutchouc ou canons à eau notamment.
Lundi, une jeune femme de 19 ans se faisant appeler "K" faisait part du désespoir des manifestants retranchés dans la PolyU, dont elle a estimé le nombre à 200.
"Certains pleuraient, certains étaient furieux (...) parce qu'ils n'ont pas d'issue car il n'est plus possible de sortir du campus", a-t-elle témoigné. .
A quelques centaines de mètres du campus, la police a aussi tiré des lacrymogènes pour disperser des manifestants qui ont érigé des barricades.
- Soldats chinois dans la rue -
Les protestataires entendent poursuivre les blocages pour "étrangler l'économie" d'un des principaux centres financiers de la planète, désormais en récession.
Victoire très symbolique pour les manifestants, la Haute cour a jugé lundi anticonstitutionnelle l'interdiction du port du masque qui avait été décidée par le gouvernement pour désamorcer la contestation.
Le président Xi Jinping a adressé la semaine dernière sa mise en garde la plus claire à ce jour, affirmant que la contestation menaçait le principe "Un pays, deux systèmes" qui a présidé à la rétrocession en 1997.
Les médias officiels chinois, résolument hostiles aux manifestants, ont applaudi lundi la sortie dans les rues de Hong Kong, samedi, de soldats de la garnison locale de l'Armée populaire de libération (APL) pour déblayer certaines rues de leurs barricades. Une appartition rarissime et fortement symbolique de l'armée chinoise, qui fait fait normalement profil bas à Hong Kong.
Le porte-parole du ministre chinois de la Défense Wu Qian a estimé lundi que "mettre fin aux violences et restaurer l'ordre est la tâche la plus urgente à Hong Kong".
AFP