Le gouvernement chilien a mis lundi 5,5 milliards de dollars sur la table pour tenter de résoudre la crise sociale sans précédent qui agite le pays, où l'activité économique s'est effondrée en octobre, date à laquelle le mouvement de protestation a éclaté.
Le ministre des Finances Ignacio Briones a annoncé un plan de soutien à l'économie, avec au programme une augmentation des dépenses publiques en 2020 de quelque 3 milliards de dollars, une aide financière de 1,9 milliard de dollars aux PME (petites et moyennes entreprises) et 525 millions de dollars de mesures diverses, comme la reconstruction du métro de la capitale Santiago, très endommagé depuis le début de la crise, le 18 octobre dernier.
Le plan gouvernemental devrait permettre de créer 100.000 emplois supplémentaires, selon le ministre, et entraîner une augmentation de 9,8% des dépenses publiques en 2020 par rapport à 2019. Le déficit budgétaire, quant à lui, pourrait atteindre 4,4% du PIB.
"Comme n'importe quel foyer chilien face à une situation difficile et imprévue, nous aurons recours à notre épargne et à notre capacité d'emprunt, en sachant que ces deux éléments ont des limites à ne pas dépasser", a expliqué M. Briones, en soulignant que ces mesures étaient rendues possibles par "les années de responsabilité budgétaires de tous les gouvernements" précédents.
Les besoins de financement pour l'année prochaine sont estimées à 16,6 milliards de dollars, financés par une émission de dette à hauteur de 9 milliards.
- Pire baisse en dix ans-
L'annonce gouvernementale est intervenue le jour même où la Banque centrale chilienne annonçait un fort repli de 3,4% de l'activité économique du pays, la pire performance depuis celle enregistrée en 2009 (-3,5%), au plus fort de la crise financière internationale.
Cette chute de l'activité, largement supérieure aux attentes du marché qui anticipait une baisse autour de 1%, est notamment imputable à la quasi-paralysie des commerces et des services depuis le début de la crise, selon l'institut monétaire.
Cette forte contraction a conduit les autorités à revoir à la baisse leurs estimations de croissance du PIB pour 2019 à 1,4% contre 2,5%, et pour 2020, où elle devrait s'établir entre 1% et 1,5%.
"La crise a provoqué une décélération très brusque de la croissance et le quatrième trimestre devrait être dans le rouge. Le taux de chômage devrait repartir à la hausse et les banques ont commencé à limiter les crédits", a déclaré à l'AFP l'économiste Francisco Castañeda.
La Banque centrale du Chili avait annoncé fin novembre l'injection de 20 milliards de dollars dans l'économie, pour freiner la dégringolade du peso, impacté par la crise.
La crise sociale s'est déclenchée le 18 octobre, avec des manifestations d'étudiants contre une hausse du prix du ticket de métro, qui se sont ensuite muées en une révolte sociale d'ampleur, la plus grave depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990).
Les Chiliens n'ont pas cessé de protester contre les inégalités qui règnent dans un pays à l'économie prospère et où l'Etat est selon eux défaillant dans les domaines de l'éducation, de la santé et des retraites.
Dans la nuit de lundi à mardi, de violentes attaques de commerce se sont produites à Concepcion (sud), à la suite d'une manifestation massive. Des milliers de protestataires se sont rassemblés sur la place principale de la ville et y ont dressé des barricades, avant d'être dispersés par les forces de l'ordre utilisant gaz lacrymogènes et canons à eau.
A Santiago, un millier de personnes ont manifesté sur la plaza Italia, épicentre de la contestation, puis en ont été expulsées par la police. Des affrontements ont ensuite eu lieu la nuit dans les rues environnantes.
Après 46 jours, le mouvement a fait 23 morts, dont cinq après l'intervention des forces de l'ordre, et plus de 2.000 blessés. Après une mobilisation historique le 25 novembre, qui avait réuni 1,2 million de personnes, des manifestations plus ou moins suivies se poursuivent pour réclamer plus de justice sociale.
La crise a aussi contraint le gouvernement chilien à renoncer à accueillir la conférence de l'ONU sur le climat COP 25 - transférée à Madrid - et le sommet du forum de coopération économique Asie-Pacifique (Apec) mi-novembre.
AFP