3 Août 2008-3 Août 2018 : dix ans que notre pays vit sous la coupe d’Ould Abdel Aziz. En coupe réglée, serait-on tenté de dire. Une décennie perdue, pour reprendre les termes d’une étude savamment menée par Moussa Fall, le président du Mouvement pour un Changement Démocratique (MCD). Dix ans d’occasions ratées, de jeu haché, de mauvaises passes et de changements injustifiés. Dix ans au cours desquels, notre guide éclairé, venu en sauveur d’une ‘’démocratie menacée’’ par un pouvoir civil éphémère, s’est trompé de priorités. Dix ans au cours desquels aucun secteur n’a sorti la tête de l’eau. L’école publique ressemble à tout, sauf une école. La santé est à l’agonie. L’endettement atteint des records inégalés. La pauvreté nous devient une seconde nature. Le chômage n’a jamais été aussi prégnant. L’Etat s’appauvrit. Pourtant, on ose parler de « réalisations grandioses » et de « bilan positif ».
Voyons donc de quoi peuvent bien se prévaloir les chantres de la Rectification, ceux-là mêmes qui perdirent Ould Taya et furent les premiers à lui tourner le dos. L’énergie ? Le pays a certes acheté plusieurs centrales électriques mais dans la plus totale opacité. Pour quels résultats ? Les coupures de courant sont monnaie courante, à Nouakchott et à l’intérieur du pays, la Fée Électricité prend les allures d’Arlésienne. L’eau ? Plus de deux tiers de la capitale s’alimente encore par camions-citernes et charrettes. Les routes ? Comme les centrales électriques, leur attribution n’a profité qu’à un cercle très restreint mais cela n’a ni amélioré ni rendu plus sûr le réseau routier. Les trois routes nationales sont dans un état déplorable et provoquent quotidiennement des hécatombes.
Pour un régime qui se vante d’avoir construit autant de routes en dix ans que d’autres en 50, cela fait quand même désordre. La situation politique ? Elle n’a jamais été si longtemps bloquée. Les élections ? Un véritable piège à cons où, comme disait Staline, « l’essentiel, ce ne sont pas ceux qui votent mais ceux qui comptent ». La justice ? L’ombre d’elle-même, à la botte de l’Exécutif auquel elle est totalement inféodée. Les droits de l’Homme ? Un déterminant qui ne veut plus rien dire, tant leur violation est devenue la règle. La détention arbitraire, la torture, les enlèvements et les procédures interminables sont dénoncés régulièrement, sans que cela ne change grand-chose.
Ce triste bilan ne fait apparemment pas froid aux yeux des laudateurs, réclamant, à cors et à cris, que cette « œuvre de (dé)construction nationale » soit achevée. « Déchire, viole et écrase la Constitution, ô Aziz ! », exigent-ils sans vergogne, « ta coupe ne sera jamais assez pleine… si tu nous en remplis les poches ! » Et Dieu sait combien celles des laudateurs sont accueillantes quand tant d’autres, et de plus en plus, restent désespérément vides. Désespérément ? Rendez-vous donc au soir du 1er Septembre, pour juger de ce ras-le-bol…
Ahmed ould Cheikh