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Comment la CEDEAO va-t-elle descendre du haut de son arbre? Par le Commandant (E/R) Mohamed Ould Cheikhna

Jeudi 3 Février 2022 - 10:17

Comment la CEDEAO va-t-elle descendre du haut de son arbre? Par le Commandant (E/R) Mohamed Ould Cheikhna

Historiquement comme géographiquement, la Mauritanie et le Mali sont humainement et économiquement complémentaires, solidement liés par une interdépendance multiforme. Pour ne pas dire un tel destin commun, à l’instar de deux frères siamois, qu’on pourrait même confondre leur nom : Maurit-ali ou Mal-itanie.
 

Admirateurs et détracteurs de notre pays parlent souvent et non sans raisons de « l'exception mauritanienne » dans la sous-région. Certains avancent même une possible baraka mystique. Chimérique ou non, celle-ci semble fort heureusement partagée, en ces temps, par notre voisin malien. Serait-ce d’avoir puisé ensemble aux mêmes sources morales et ésotériques  communément  échangées ?

Se déclarant  légitimement d'un  héritage glorieux, berceau qu’il fut de grands empires et dépositaire  de civilisations légendaires, le Mali d’aujourd’hui demeure étrangement un État impressionnant et influent. Éternuant, comme en ces temps, on le voit répandre la grippe tous azimuts. Et certes : pays enclavé ou, disons plus exactement, sans accès á la mer, il demeure un pont et une charnière, apte á  jouer simultanément un rôle de ferment et de détonateur.

À cet égard, bien hardies semblent les mesures de blocus sans précédent imposées récemment par la  CEDEAO et l'UEMOA á son encontre. Elles ne tiennent apparemment aucun  compte du poids physique  et géopolitique de cet État central dans la sous-région et dénotent d'un empressement risqué, pour ne pas dire déficit  cruel de lecture intelligente de la carte et du moment.
 

À Bamako comme á Conakry, deux régimes également très unis, on a joué pleinement et  habilement la carte de la solidarité, récusant le sort du « taureau blanc »de la légende. Cette solidarité agissante n'a pas  seulement mis en partie en échec l'effet escompté du blocus mais elle est aussi susceptible  de se retourner négativement sur l'organisation sous régionale elle-même qui, s'entêtant – chose improbable…  –dans l'escalade  envers le duo  Mali-Guinée s'étendant  de la frontière algérienne à l'Atlantique, risquerait fort de se retrouver fracturée, si ces deux, hypothèse extrême, fermaient leurs frontières ou se retiraient de la CEDEAO : quatre États d'un côté et le restant d’un autre, sans continuité géographique…

 

Qui – sinon, quoi… – l’emportera ?
 

La dernière évolution au Burkina ne fait qu'enfoncer le clou. Alors qu’il est le siège même de l'UEMOA, ce pays étend davantage  le « rideau kaki »– une sorte de muraille bariolée – en valeur absolue et toutes proportions gardées, qui se dresse maintenant quasiment de la mer Rouge  (Soudan) á l’Atlantique (Guinée).

Ceci s'explique,  au moins pour l'Ouest africain, par une double conjonction d'effets exogènes et endogènes : d’une part, les puissances étrangères « traditionnelles » en perte de vitesse, dans un Monde en pleine mutation,  tardent á comprendre que le temps « du beurre et de l'argent du beurre » est révolu, les offres de puissances se contentant du beurre ne manquant plus. Tandis que les démocraties africaines, rampantes, fragiles et parfois corrompues, ne sont pas á même  d'opposer une parade appropriée  au défi djihadiste. Les jeunes colonels qui dirigent sur le terrain le combat au risque de leur vie se sentent souvent confrontés à l'absurde, tenaillés entre un front djihadiste et une arrière politique démobilisée, plus occupé par ses petits  calculs et querelles.
 

Pour certains, la sortie de l’impasse passerait étrangement par s’en prendre plutôt à l'inertie de « l'ami/adversaire »dans la capitale, en ce qu’il est plus proche ! Une logique paradoxalement identique á celle de l'adversaire djhadiste: combattre prioritairement le « mauvais  musulman/hypocrite », ennemi immédiat, passe, aux yeux de certaines de ses composantes, avant la lutte contre le mécréant, déclaré…mais lointain.
 

Cette  nouvelle flambée en Afrique pose problèmes á tout le monde. Gestation d'un ordre africain  nouveau, porteur  d'opportunités, ou dégénérescence de regrettables reculs ? Autrement  dit et pour se référer aux seuls symboles de notre culture continentale : le serpent change-t-il de peau ou se mord-il la queue? En tout cas, l'élan  des sanctions CEDAO est brisé, la situation se retourne et même la peur change de camp.

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