Il y a quelques jours, le président de la République a reçu séparément, au Palais de la République, les différents pôles ou coalition de partis ayant pris part au dernier « dialogue national inclusif » de Septembre et Octobre 2016 : la coalition de la majorité présidentielle, les treize partis de l’opposition dite modérée ou dialoguiste, dont El Wiam de Boydiel ould Houmeid et APP de Messaoud ould Boulkheïr. Au menu de ces rencontres, une « évaluation à mi-parcours » de la mise en œuvre de l’accord conclu le 20 Octobre.
Joints par « Le Calame », plusieurs responsables affirment qu’il s’agissait d’une « visite de routine » qui aura permis d’apporter un « réglage » à diverses questions. Concrètement, on aurait débattu, avec le Président, de divergences apparues lors de la mise en œuvre des résolutions du dialogue, notamment à l’occasion du referendum sur les symboles nationaux, à savoir le drapeau et l’hymne national. Le président de la Coalition de la Citoyenneté, Bilal ould Werzg, avait ainsi déclaré, dans un communiqué transmis à la presse, que le consensus sur certaines questions n’était pas respecté, par la majorité présidentielle, et qu’en conséquence, la coalition qu’il préside se retirait du comité de suivi, en demandant toutefois à rencontrer le président de la République, garant de l’accord du 20 Octobre. A en croire Ould Werzeg et Ould Borboss, la rencontre a permis d’aplanir ces divergences et de conclure le retour de la Coalition Citoyenne au sein du comité de suivi, pour y poursuivre la mise en œuvre des autres résolutions du dialogue.
Au final, ces rencontres au sommet prouvent qu’il existe des désaccords sur la manière de dérouler l’accord du 20 Octobre. Certains de la majorité veulent, tout simplement, transformer le comité de suivi en simple caisse de résonance, à l’image de l’Assemblée nationale ; d’autres, côté opposition, n’entendent pas servir de faire valoir. Et, certes, les délibérations du comité de suivi doivent faire l’objet d’un consensus. Ce n’était notamment pas le cas de la modification des couleurs du drapeau et le parti APP n’avait pas manqué de marquer sa différence, en appelant ses militants à voter contre, lors du referendum du 5 Août. Un accroc supplémentaire, après la virulente contestation de cette consultation, par l’opposition dite radicale, si bien appuyée par les sénateurs et leur croc-en-jambe au projet présidentiel… Conséquences immédiates, le gouvernement avait décidé de régler leurs comptes à tous ceux qui s’opposaient à son projet. Ainsi naquit le « dossier Bouamatou et consorts ». On connaît la suite : le sénateur Ould Ghadda, farouche opposant au régime en place, croupit en prison, accusé de « corruption » et de tentatives de « troubles à l’ordre public ». D’autres sénateurs, journalistes et syndicalistes sont placés sous contrôle judiciaire...
Parmi les autres résolutions du dialogue 2016, la suppression du Sénat, désormais entérinée, des élections municipales et législatives anticipée et la mise en place de conseils régionaux. A en croire certaines confidences, le pouvoir hésiterait sur ce dernier point, redoutant un raffermissement du tribalisme, voire la résurrection du régionalisme (ex-émirats)… Mais, selon une information publiée par nos confrères d’Adrar Info, le 29 Octobre, et reprises par cridem.org, la présidence de la République aurait déjà décidé de fonder quatre conseils régionaux. Si tel est le cas, d’autres divergences au sein du comité de suivi ne tarderont pas à se manifester car cette fondation n’a jamais été discutée, ni en conseil des ministres, ni à l’Assemblée nationale. Bémol à cette information, une confidence précise que le premier draft remis, à Ould Abdel Aziz, sur cette « décision », dormirait encore dans ses tiroirs...
Et le Forum dans tout ça ?
Encore en somnolence, ironisent certains observateurs et, même, leaders politiques. Après un long silence imputable aux vacances, le FNDU, très attendu sur la scène politique, a réussi à trouver un successeur à Mohamed Jemil ould Mansour, son président en exercice. Après les discussions – divergences, selon ses détracteurs – relayées par la presse, entre les politiques et les personnalités indépendantes, les pôles de la coalition ont élu Mohamed ould Maouloud à leur tête. Le président de l’UFP hérite du fauteuil présidentiel à une période particulièrement délicate. Il doit d’abord sortir le forum de sa torpeur, l’amener à faire face, avec unité et détermination, aux prochaines échéances politiques et électorales. C’est dire le professeur très attendu sur le terrain. Le premier communiqué sous son mandat vient d’ailleurs de sortir. Il s’élève vigoureusement contre la suspension, par la Télédiffusion de Mauritanie, des télévisions privées. Selon le FNDU, l’exigence de taxes sur l’activité de chaînes « naissantes et aux moyens limités » – tentative de l’Etat « pour le moins étrange », juge le communiqué – cache une « volonté manifeste de rendre l’Etat maître absolu de l’espace audiovisuel ». En filigrane subtil de cette défense de la liberté de la presse, l’affaire « Bouamatou et consorts » se déplace…