Victoire pour Israël, coup de massue pour les Palestiniens : le changement de politique de Washington sur le statut des colonies en Cisjordanie occupée divise à nouveau les protagonistes d'un conflit sans issue à court terme.
L'ONU, l'Union européenne, la France, le Royaume-Uni, la Russie, des pays arabes et la Turquie ont tous déploré mardi la décision de Washington.
Ces condamnations à l'étranger n'ont pas sapé le moral de la classe politique israélienne, d'une grande partie de la presse et d'habitants des colonies qui jubilaient encore mardi au lendemain de l'annonce de l'administration Trump.
Après avoir reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël et une partie du plateau du Golan syrien comme israélien, la Maison Blanche estime désormais que les colonies juives en Cisjordanie occupée "ne sont pas contraires au droit international".
En visite mardi dans une colonie israélienne du Gush Etzion, près de la ville palestinienne de Bethléem, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'est dit "très ému".
- "Injustice historique" -
"L'administration Trump a corrigé une injustice historique et s'est alignée avec la vérité et la justice", a-t-il ajouté. La veille, il avait déjà affirmé: "les Juifs ne sont pas des colonisateurs étrangers" en Cisjordanie occupée.
Par cette décision, Washington change non seulement sa politique mais nage aussi à contre-courant de résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, comme la 2334, qui considèrent les colonies comme une "violation du droit international humanitaire" mettant "gravement en péril" la solution à deux Etats.
Si la colonisation par Israël de la Cisjordanie occupée s'est poursuivie sous tous les gouvernements israéliens depuis 1967, elle s'est accélérée ces dernières années sous l'impulsion de M. Netanyahu et de son allié à Washington, le président Donald Trump.
Aujourd'hui, plus de 400.000 Israéliens habitent en Cisjordanie occupée, territoire morcelé où vivent également 2,7 millions de Palestiniens.
"Malgré la joie que cette décision suscite en Israël, cette importante décision est avant tout symbolique et ne sera sans doute pas suivie par le reste de la communauté internationale", écrit mardi le quotidien israélien Yediot Aharonot.
"Ceci étant dit, cette décision pourrait être comprise par Israël comme un feu vert pour poursuivre l'expansion des colonies et aller de l'avant avec son projet d'annexion", poursuit le quotidien.
Le Premier ministre israélien avait promis en septembre d'annexer rapidement la vallée du Jourdain, territoire stratégique représentant un peu moins du tiers de la Cisjordanie occupée, s'il était reconduit au pouvoir.
L'annonce de Washington intervient alors que le rival de M. Netanyahu, l'ex-général Benny Gantz, lui aussi favorable à terme à l'annexion de la vallée du Jourdain, a jusqu'à mercredi pour tenter de former un gouvernement.
Pour former un gouvernement sans l'appui de M. Netanyahu, M. Gantz doit au minimum compter sur le soutien de députés arabes. Si Gantz a salué le "soutien solide" de Washington, les partis arabes israéliens l'ont dénoncé.
Idem pour des responsables palestiniens qui ont condamné la décision de l'administration Trump qui attend d'ailleurs la formation d'un nouveau gouvernement en Israël pour dévoiler son projet de paix pour le Moyen-Orient.
- "Tenir debout" -
"Nous avons déjà entamé les pourparlers à l'ONU afin de présenter un projet de résolution au Conseil de sécurité. Nous nous attendons à un veto de Washington, mais nous allons néanmoins aller de l'avant", a déclaré mardi le négociateur en chef des Palestiniens, Saëb Erekat.
"Les Etats-Unis imposeront alors leur veto au droit international", a-t-il souligné lors d'une conférence de presse à Ramallah, siège de l'Autorité palestinienne. "Ils veulent nous voir sur nos genoux... Mais nous allons nous tenir debout".
L'Autorité palestinienne a d'ailleurs appelé à une réunion ministérielle d'urgence de la Ligue arabe, dont le secrétaire général Ahmed Aboul Gheit a fustigé la décision de Washington qui "compromet toute paix juste fondée sur la fin de l'occupation".
Pour Ofer Zalzberg, analyste à l'International Crisis group, les Palestiniens, les pays arabes et les Européens "perdent la foi" en les Etats-Unis comme "médiateur" du conflit israélo-palestinien, tandis que les colons se sentent ragaillardis.
"L'administration Trump tente de faire voler en éclats le consensus international" sur les colonies, dit-il. "Mais cela ne devrait pas changer la situation outre mesure sur le terrain".
AFP