Pour la première fois depuis qu'il a quitté le pouvoir en 2014, l'ex-président burkinabè prend publiquement la parole, dans un communiqué, pour répondre à ceux qui l'accusent d'avoir entretenu des relations ambiguës avec les groupes jihadistes sahéliens lorsqu'il était au pouvoir.
Il n’avait encore jamais rompu le silence auquel il s’était officiellement astreint depuis son départ de Ouagadougou sous la pression populaire, le 31 octobre 2014. Dans un communiqué signé de son nom et transmis à Jeune Afrique par ses avocats, Blaise Compaoré indique faire exception au « devoir de réserve absolu » qu’il observe depuis trois ans car il ne peut « accepter de lire, ces derniers temps, sous certaines signatures irresponsables et dévoyées par un combat politique dépassé, [qu’il aurait] pu avoir des liens coupables avec les terroristes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, lesquels justifieraient en réaction les attaques subies par [s]on pays ».
Ceci est odieux, scandaleux, abject
« Ceci est odieux, scandaleux, abject, poursuit Blaise Compaoré. Et chacun comprendra que cela nécessite qu’aujourd’hui, je brise exceptionnellement le silence et que je quitte mon devoir de réserve pour condamner fermement des allégations formulées avec légèreté qui ne sont que la marque d’une très grave irresponsabilité ».
L’« union sacrée », une « exigence absolue »
Affirmant avoir « souffert » lors des dernières attaques terroristes qui ont endeuillé le Burkina Faso, faisant probablement allusion aux deux attentats de Ouagadougou de janvier 2016 et août 2017, Blaise Compaoré assure que la « sauvegarde de la sécurité » du peuple burkinabè a toujours été sa « préoccupation primordiale ».
L’ancien président affirme également qu’il a toujours recherché « la paix par la médiation et le dialogue », et que son action dans « cette région ultra-sensible du Sahel et du Sahara » est reconnue « partout et par tous ».
Compaoré, qui indique que « l’union sacrée » est une « exigence absolue » en matière de terrorisme, souligne aussi les « efforts effectués » par son successeur qu’il « respecte », Roch Marc Christian Kaboré.
Interrogé sur la recrudescence d’attaques terroristes au Burkina dans une récente interview à RFI, à TV5 Monde et au Monde, Kaboré avait pourtant clairement dénoncé la « collusion » du régime de Blaise Compaoré avec les groupes jihadistes sahéliens.
Blaise Compaoré a joué un rôle de médiation au Mali qui fait que nous avons eu ses collusions avec les forces jihadistes
« L’ex-président Blaise Compaoré a joué un rôle de médiation au Mali qui fait que, de façon constante, nous avons eu ses collusions avec les forces jihadistes au Mali », avait alors déclaré le chef de l’État burkinabè, ajoutant notamment qu’il « pesait ses mots ».
Le cas du conseiller Moustapha Limam Chafi
Régulièrement pointés par l’entourage du président Kaboré, les liens opaques entretenus par certains proches de Blaise Compaoré avec des chefs jihadistes sahéliens refont la Une des médias ces derniers jours.
La semaine dernière, la divulgation de photos de Moustapha Limam Chafi, son ex-conseiller spécial, et de Gilbert Diendéré, son ex-chef d’état-major particulier, en plein désert malien, en compagnie de chefs jihadistes de premier plan avait relancé les interrogations sur leur degré de proximité.