Sous le choc, les familles des 15 femmes tuées dans une bousculade lors d'une distribution d'aide dans un village reculé du Maroc ont commencé lundi à enterrer leurs proches dans la région d'Essaouira (sud-ouest).
"C’est un drame", dit un homme en larmes après avoir mis en terre le cercueil de son épouse, décédée lors de la bousculade survenue dimanche à Sidi Boulaalam, un village rural et pauvre situé à environ 60 km au nord-est d'Essaouira. "Je n'ai pas mangé depuis deux jours, je ne bois que de l’eau", ajoute-t-il.
Son épouse, comme des centaines de femmes de tous âges, s'était rendue sur la place du marché pour bénéficier de la distribution de paniers remplis de farine, d'huile et de sucre, organisée chaque année par un imam de Casablanca. Un mouvement de foule a provoqué la mort de 15 femmes. Dix autres ont été blessées.
Des enquêtes judiciaire et administrative ont été ouvertes pour déterminer les circonstances du drame qui a suscité l'indignation sur les réseaux sociaux et dans les médias.
Dans la soirée, entre 100 et 150 personnes se sont réunies sur une place au centre d'Essaouira pour dénoncer "la stigmatisation des pauvres" et témoigner leur solidarité après le drame.
De leur côté, les autorités marocaines assurent avoir pris toutes les mesures pour éviter qu'un tel drame ne se reproduise. "A la suite de la bousculade tragique", le roi du Maroc Mohammed VI a donné lundi des instructions pour "encadrer strictement les opérations d’appel à la générosité publique et de distribution d’aides aux populations démunies", a indiqué un communiqué du ministère de l'Intérieur.
"Les actions bénéfiques en soi ne doivent pas être menées sans un encadrement solide qui garantit la sécurité", ajoute ce communiqué en précisant que le gouverneur de la province d'Essaouira sera entendu dans le cadre de l'enquête judiciaire en cours.
Les corps des victimes étaient dans "un état lamentable", avec des "fractures, d'énormes hématomes", a témoigné un médecin légiste de l'hôpital d'Essaouira qui préfère taire son nom
"J'ai difficilement reconnu ma mère", pleure Mjid, un quadragénaire venu de Casablanca, la capitale économique, où il travaille.
Dans la matinée, les familles sont venues à la morgue identifier les corps et récupérer un certificat de décès. Le roi a pris en charge les frais d'obsèques et les soins aux blessées.
- 'Tragédie sans précédent' -
"J'ai perdu ma grande sœur", se lamente Habiba, djellaba rose, voile sur les cheveux.
"Elle était venue prendre de l'huile et de la farine, mais il y avait trop de monde. Ma sœur est tombée et on lui a marché dessus", déplore cette femme illettrée qui sort sa carte d'identité pour montrer sa date de naissance quand on lui demande son âge (57 ans).
"Les gens ici vivent dans le besoin, il n'y a pas d'agriculture, pas de travail", dit Mjid pour expliquer l'affluence à la distribution d'aide alimentaire. Lui-même a fui jeune Sidi Boulaalam, un village de 8.000 âmes qui vivote de l'élevage.
Un rapport officiel publié début octobre avait décrit la persistance d'une grande pauvreté dans le milieu rural et les zones enclavées au Maroc, pays de 35 millions d'habitants.
"Le 19 novembre 2017 restera dans l’Histoire du Maroc comme le jour d’une tragédie sans précédent (...). Le responsable final est connu. Il faut l’appeler par son nom. C’est la pauvreté", commentait lundi le site d'information Médias 24.
"Honte", titrait à la Une le quotidien arabophone Akhbar Al-Yaoum. Son site internet liste les noms et les âges des "martyres de la farine", âgées de 32 à 80 ans, pour la plupart mères de famille.
- 'Encadrer strictement' -
Les autorités locales, elles, estiment que la misère n'a rien à voir avec la tragédie. "En plus des nécessiteux, il y avait des citoyens qui n’avaient besoin de rien et sont venus pour profiter, ou même pour spéculer, pour prendre de l’aide et la vendre", a déclaré à l'AFP une source au sein de l’exécutif sous couvert d'anonymat.
Le ministère de l'Intérieur a appelé dans un communiqué à "ne pas surenchérir en invoquant les besoins des personnes nécessiteuses ou en les grossissant à outrance".
"C'est un problème d'encadrement et d'organisation. Les habitants ici sont modestes mais personne ne meurt de faim", assure pour sa part Fatima, une habitante de Sidi Boulaalam.
Les autorités locales assurent que "toutes les dispositions avaient été prises pour que tout se passe bien". Mais "l’affluence a dépassé les estimations" et "quand il y a un mouvement de foule c'est impossible à contrôler", soutient la source au sein de l'exécutif local.
hme/sof/nbz
(©AFP / 20 novembre 2017 21h58)
"C’est un drame", dit un homme en larmes après avoir mis en terre le cercueil de son épouse, décédée lors de la bousculade survenue dimanche à Sidi Boulaalam, un village rural et pauvre situé à environ 60 km au nord-est d'Essaouira. "Je n'ai pas mangé depuis deux jours, je ne bois que de l’eau", ajoute-t-il.
Son épouse, comme des centaines de femmes de tous âges, s'était rendue sur la place du marché pour bénéficier de la distribution de paniers remplis de farine, d'huile et de sucre, organisée chaque année par un imam de Casablanca. Un mouvement de foule a provoqué la mort de 15 femmes. Dix autres ont été blessées.
Des enquêtes judiciaire et administrative ont été ouvertes pour déterminer les circonstances du drame qui a suscité l'indignation sur les réseaux sociaux et dans les médias.
Dans la soirée, entre 100 et 150 personnes se sont réunies sur une place au centre d'Essaouira pour dénoncer "la stigmatisation des pauvres" et témoigner leur solidarité après le drame.
De leur côté, les autorités marocaines assurent avoir pris toutes les mesures pour éviter qu'un tel drame ne se reproduise. "A la suite de la bousculade tragique", le roi du Maroc Mohammed VI a donné lundi des instructions pour "encadrer strictement les opérations d’appel à la générosité publique et de distribution d’aides aux populations démunies", a indiqué un communiqué du ministère de l'Intérieur.
"Les actions bénéfiques en soi ne doivent pas être menées sans un encadrement solide qui garantit la sécurité", ajoute ce communiqué en précisant que le gouverneur de la province d'Essaouira sera entendu dans le cadre de l'enquête judiciaire en cours.
Les corps des victimes étaient dans "un état lamentable", avec des "fractures, d'énormes hématomes", a témoigné un médecin légiste de l'hôpital d'Essaouira qui préfère taire son nom
"J'ai difficilement reconnu ma mère", pleure Mjid, un quadragénaire venu de Casablanca, la capitale économique, où il travaille.
Dans la matinée, les familles sont venues à la morgue identifier les corps et récupérer un certificat de décès. Le roi a pris en charge les frais d'obsèques et les soins aux blessées.
- 'Tragédie sans précédent' -
"J'ai perdu ma grande sœur", se lamente Habiba, djellaba rose, voile sur les cheveux.
"Elle était venue prendre de l'huile et de la farine, mais il y avait trop de monde. Ma sœur est tombée et on lui a marché dessus", déplore cette femme illettrée qui sort sa carte d'identité pour montrer sa date de naissance quand on lui demande son âge (57 ans).
"Les gens ici vivent dans le besoin, il n'y a pas d'agriculture, pas de travail", dit Mjid pour expliquer l'affluence à la distribution d'aide alimentaire. Lui-même a fui jeune Sidi Boulaalam, un village de 8.000 âmes qui vivote de l'élevage.
Un rapport officiel publié début octobre avait décrit la persistance d'une grande pauvreté dans le milieu rural et les zones enclavées au Maroc, pays de 35 millions d'habitants.
"Le 19 novembre 2017 restera dans l’Histoire du Maroc comme le jour d’une tragédie sans précédent (...). Le responsable final est connu. Il faut l’appeler par son nom. C’est la pauvreté", commentait lundi le site d'information Médias 24.
"Honte", titrait à la Une le quotidien arabophone Akhbar Al-Yaoum. Son site internet liste les noms et les âges des "martyres de la farine", âgées de 32 à 80 ans, pour la plupart mères de famille.
- 'Encadrer strictement' -
Les autorités locales, elles, estiment que la misère n'a rien à voir avec la tragédie. "En plus des nécessiteux, il y avait des citoyens qui n’avaient besoin de rien et sont venus pour profiter, ou même pour spéculer, pour prendre de l’aide et la vendre", a déclaré à l'AFP une source au sein de l’exécutif sous couvert d'anonymat.
Le ministère de l'Intérieur a appelé dans un communiqué à "ne pas surenchérir en invoquant les besoins des personnes nécessiteuses ou en les grossissant à outrance".
"C'est un problème d'encadrement et d'organisation. Les habitants ici sont modestes mais personne ne meurt de faim", assure pour sa part Fatima, une habitante de Sidi Boulaalam.
Les autorités locales assurent que "toutes les dispositions avaient été prises pour que tout se passe bien". Mais "l’affluence a dépassé les estimations" et "quand il y a un mouvement de foule c'est impossible à contrôler", soutient la source au sein de l'exécutif local.
hme/sof/nbz
(©AFP / 20 novembre 2017 21h58)