La nouvelle présidente bolivienne par intérim, Jeanine Añez, a annoncé que son gouvernement avait renoué le dialogue jeudi avec le parti d'Evo Morales, mais a rejeté toute candidature de l'ex-chef de l'Etat démissionnaire en exil au Mexique.
Mme Añez tente de pacifier le pays secoué par quatre semaines de manifestations et violences post-électorales qui ont fait 10 morts et quelque 400 blessés.
Dans l'après-midi, des pourparlers ont débuté avec le Mouvement vers le socialisme (MAS), le parti de M. Morales, a annoncé le chef de cabinet de la présidence, Jerjes Justiniano.
"Nous avons installé une plateforme de dialogue", a-t-il déclaré à des médias. Pour l'heure, le MAS n'avait pas confirmé.
Auparavant, le nouvelle présidente avait déclaré que "Evo Morales n'était pas habilité à un quatrième mandat" et ne pouvait donc pas se présenter aux prochaines élections, dont la date n'a pas encore été définie.
Mais le parti de l'ancien président "a le droit de participer aux élections générales", a-t-elle insisté, lui recommandant de "chercher un candidat".
Comme la veille, une manifestation en provenance de la ville voisine d'El Alto est arrivée en milieu d'après-midi au centre de La Paz, a constaté l'AFP.
Ces milliers de manifestants portaient des Wiphalas, le drapeau andin indigène multicolore qu'Evo Morales a introduit comme symbole national en 2009, et scandaient "maintenant, oui, une guerre civile!".
“Nous voulons qu'Evo revienne", a déclaré à l'AFP Nery, femme aymara de 28 ans, portant la "pollera", la jupe traditionnelle. "On est très en colère contre cette dame (Añez) qui s'est auto-proclamée" présidente, a-t-elle ajouté.
Le rassemblement s'est déroulé dans le calme. La veille, au premier jour de fonction de Mme Añez, des affrontements avaient éclaté dans l'après-midi entre des manifestants partisans d'Evo Morales et les forces de l'ordre à La Paz et ailleurs dans le pays.
Une vingtaine de personnes avaient été arrêtées dans la capitale administrative, selon les médias locaux.
Signe de l’inquiétude de la communauté internationale, l'ONU a dépêché sur place le diplomate Jean Arnault, pour "dialoguer avec toutes les parties" et "trouver une issue pacifique à la crise", a annoncé le porte-parole des Nations unies, Stéphane Dujarric.
"Nous venons pacifier le pays", a assuré jeudi matin le ministre de la Défense, Fernando Lopez Julio, au cours d'une cérémonie militaire, quelques heures après la nomination mercredi du gouvernement.
Au sud de la capitale administrative, les barricades qui bloquaient la route depuis trois semaines pour protester contre l'ancien chef de l'Etat, ont été levées.
C'est avec deux exemplaires de la Bible à la main et sous les "Gloire à Dieu!" que la sénatrice de droite Jeanine Añez, 52 ans, a pris mardi ses fonctions à la tête du pays, à la faveur d'une vacance de pouvoir provoquée par les démissions successives de M. Morales et de ses successeurs constitutionnels.
- "Nous reviendrons" -
Depuis Mexico, où il est arrivé mardi pour y bénéficier de l'asile politique, Evo Morales s'est dit prêt à rentrer en Bolivie pour "apaiser" la situation.
"Nous reviendrons tôt ou tard", a-t-il assuré mercredi lors d'une conférence de presse.
Le nouveau gouvernement de La Paz a annoncé qu'il allait présenter une réclamation officielle à Mexico, estimant qu'un exilé politique ne devrait pas être autorisé à faire des déclarations politiques de ce type.
Le gouvernement mexicain a répondu que la liberté d'expression des demandeurs d'asile politique ne pouvait être restreinte.
Le "droit à la liberté d'expression" garanti notamment par la Constitution ne "fait aucune distinction entre les citoyens et les étrangers, ni entre les conditions dans lesquelles ils se trouvent dans le pays", a déclaré le ministère des Affaires étrangères mexicain dans un communiqué.
La première décision de politique étrangère de Mme Añez a été de reconnaître jeudi le dirigeant de l'opposition vénézuélienne Juan Guaido en tant que président du Venezuela, faisant volte-face par rapport à l'alliance entre Evo Morales et le président socialiste Nicolas Maduro.
Juan Guaido a été reconnu en tant que président par intérim du Venezuela par une cinquantaine de pays, dont les Etats-Unis, qui jugent illégitime le pouvoir exercé par Nicolas Maduro.
Mercredi soir, la Chambre des députés bolivienne a de nouveau siégé et élu son président, le socialiste Sergio Choque, membre du parti d'Evo Morales. Le Sénat en revanche n'a pas repris ses activités.
Après les Etats-Unis mercredi, qui ont reconnu Mme Añez comme présidente de la Bolivie, la Russie à reconnu de facto la nouvelle dirigeante, tout en continuant de dénoncer un "coup d'Etat" dans ce pays
AFP