Il faut que les gens parlent. Se parlent. Pas en même temps : l’un après l’autre, histoire d’écouter et de s’écouter. Sinon, c’est la cacophonie assurée. Un peu comme ce qui se passe, maintenant, à quelque juste deux ou trois jours de l’investiture d’un nouveau Président. Finalement, c’est quoi exactement, cette histoire de dialogue ? Mais nous sommes des dialogueurs professionnels ! Nous passons tout notre temps à dialoguer…et ça ne semble jamais finir.
D’autres ont commencé après nous, ont eu leur conférence, rencontres et concertations nationales, leur vérité et réconciliation… et ont tourné la page, tournant le cou à leurs problèmes. Nous, dix ans après notre premier dialogue, nous voilà encore à en vouloir un autre ! Au point que, finalement, notre problème, c’est le dialogue. De la majorité avec elle-même. De l’opposition avec sa tête. De qui et de quoi, de mais où est donc Ornicar. Il nous faut vraiment des dialogues internes et externes. Puis des dialogues transversaux, perpendiculaires et horizontaux. Avant d’en arriver au face-à-face.
Qui en face de qui ? Avec un Président encore à comprendre à peu près où il est. Ce n’est pas si évident que certains le pensent. La présidence de la République, ce n’est pas l’état- major des forces armées et de sécurité. Il a besoin de dialoguer avec ceux qui restent. Les résidus de l’ancien pouvoir. Son gratin. Il faut qu’il les dialogue bien, pour savoir par où commencer. Il a besoin de dialoguer avec ceux qui partent. Avec ceux qui résistent à partir. Avec ceux qui sont entre les deux. Partir comme ça, alors qu’on est là depuis dix ans ou plus, ce n’est pas facile. La preuve : les chaudes larmes des uns et des autres, lors du dernier Conseil des ministres du Président sortant. Il faut dialoguer avec le bataillon de la sécurité présidentielle. Les apprivoiser, les rassurer à travers un dialogue constructif et apaisé. Il faut dialoguer avec les hommes d’affaires.
Avec les promoteurs des initiatives de soutien au candidat Ghazwani. Il faut dialoguer avec les personnalités indépendantes et les culbuteurs de l’opposition, pour connaître les motivations de leur soutien. Il faut dialoguer avec la nouvelle Première dame, afin d’identifier ses caprices de nouvelle forte femme. Sa directrice de protocole, sa marque de montre, ses parfums, ses fréquentations, les responsables de son organisation/fondation. Il faut dialoguer avec sa tribu. Il faut dialoguer avec ses cousins. Tout ça pour dire que le dialogue dont on parle exige des préalables.
La majorité doit d’abord dialoguer avec elle-même, pour s’entendre sur ce qu’elle veut. Dialoguer pour savoir s’il faut continuer à applaudir, chanter et danser à tout va. S’il faut fonder un nouveau parti politique, après s’être dotée d’un nouveau père fondateur. Dialoguer pour savoir comment gérer la disgrâce de deux anciens porte-paroles du gouvernement qui ont mal fini, malgré qu’ils aient très bien commencé, du début de la Refondation jusqu’à presque sa fin. Dialoguer pour savoir jusqu’où et quand ce comité de gestion de rien va continuer, après avoir rendu les clefs des sièges du parti de Mohamed ould Abdel Aziz aujourd’hui parti. PPM. SEM. PRDS. ADIL. UPR ? UPM (Union Pour Mohamed) ou UPG (Union Pour Ghazwani), pourquoi pas ? Il faut juste dialoguer.
Tout ça pour dire, aux quatre candidats malheureux à divers degrés, qu’il faut d’abord dialoguer entre eux, avant d’être à couteaux tirés sur un dialogue dont les contours sont encore loin d’être précis. Ni en termes de vis-à-vis. Ni en termes de contenu. Il faut dialoguer pour savoir s’il faut dialoguer. Dans pas moins d’un an au moins, puisque le nouveau Président ne sera pas prêt avant. Il lui faudra remettre et se remettre à l’ordre. Arranger ses cartes. Imposer son style et sa manière de travailler. Savoir par où commencer sa laborieuse mission. Il lui faudra du temps, pour comprendre d’où se mange l’omoplate. Salut.
Sneiba El Kory