Ahmed «rajel» … et l'humilité et le sens d'écoute chez Cheikh Ould Mouknass.

Faisant preuve d’accoutumance, Odette du Puigaudeau et son amie Marion Sémones sont habillées en vrais méharistes sahéliens. Une attitude qu’elles ont toujours adoptée durant leurs traversées de la Mauritanie, en voyageant le plus naturellement du monde dans ce type de costume local que portent les hommes.

Leurs grandes qualités, d’endurance et de ténacité, ajoutées à l’aspect vestimentaire exclusivement viril, ont valu à Odette et, dans une moindre mesure, à son amie le sobriquet de : ‘’Ahmed rajel’’ (littéralement : Ahmed, le mec).

Déjà en scelle, dans leurs ‘’rahla’’, comme le montre l’image, les deux dames européennes sont sur le point de prendre le départ à dos de leurs dromadaires, n’attendant que quelques petits instants avant de lever définitivement le camp avec tout le groupe. Leurs compagnons en charge d’assurer leur sécurité, eux, ont quasiment fini de faire le harnachement de leurs montures. Leur petit retard tient à une tradition chez les bédouins qui veut que l’on s’occupe d’abord des hommes de marque et des voyageurs du « sexe faible », pour les faire embarquer avant tout le monde, chaque personne sur son propre vaisseau du désert ou sur celui qui lui est affecté pour la circonstance.

Cumulant les deux critères, les ‘’Ahmed rajel’’ devaient être bien servi(e)s. Mais moi, cette ‘’bivalence’’ me pose un problème sur le plan de la sémantique : quel genre doit-on appliquer dans leur cas, masculin ou féminin ?

Je ne m’attarderai cependant pas trop sur la question, mes souvenirs de lecteur m’attirant vers le chef de leurs compagnons de voyage.

Si mes recoupements sont justes, le groupe d’escorte devait être dirigé par un homme qui force le respect, non pas par ses apparences tout à fait ordinaires, mais par sa force intérieure, d’après Odette. Il s’agit de Cheikh Ould Moknass (رحمة الله عليه), dont le fils et la petite fille occuperont plus tard d’importantes fonctions ministérielles dans le pays⃰.

Dans l’une de de ses relations de voyage, l’écrivaine et artiste française, « Ahmed rajel », dressait de cet homme disparu depuis lors, et assez peu connu, un portrait très honorable. Son livre, que j’ai lu il y a quelques années, a laissé en moi l’image d’un guerrier traditionnel, courageux, lucide et généreux, mais qui se distingue surtout par son humilité, et par son esprit tolérant et compréhensif, notamment à l’égard des jeunes qu’il avait sous ses ordres. Des qualités humaines qui sont celles des vrais meneurs d’hommes, comme on les enseigne aujourd’hui dans les écoles de leadership.

Comme quoi, il n’est pas forcement indispensable de bénéficier d’une "éducation moderne", ou de fréquenter l’université ou de grands centres de formation professionnelle… pour acquérir les aptitudes d’écoute nécessaire au chef. Cette qualité humaine a toujours existé partout dans le monde ; et elle restera toujours présente, transcendant le temps et la géographie.

Elle n'est toutefois pas antinomique avec formation universitaire et modernité. Les Mouknass, fils et petits-fils, l'ont montré.

 C’est vrai cependant que savoir être à l'écoute de ses subordonnés, et de "l'Autre" de façon générale, nous accompagne par intermittence quelquefois. Il faut donc faire attention pour ne pas louper ce genre de rendez-vous.

Cheikh Ould Moknass y était manifestement assidu. Ses descendants aussi.

Nouakchott, mars 2015

El Boukhary Mohamed Mouemel

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⃰ Il s'agit de Hamdi Ould Mouknass-paix à son âme, l’ancien grand ministre des affaires étrangères de la Mauritanie de 1968 à 1978 décédé fin 1999, et de la fille de ce dernier, Naha, qui sera elle aussi ministre des affaires étrangères de 2009 à 2011, puis, ministre du Commerce et du tourisme depuis 2014. 
source mauriactu.info