Les rapports, entre le pouvoir de Mohamed ould Abdel Aziz et son opposition (FNDU et RFD), n’ont jamais été cordiaux. Et les prochains jours et semaines ne risquent pas de changer la donne ; tout au contraire, c’est son exaspération qui s’annonce. En cause, le referendum que le pouvoir veut, coûte que coûte, organiser, pour faire passer « ses » amendements constitutionnels, et que l’opposition boycotte, décidée, de surcroît, à y faire échec.
Après le rejet, par le Sénat, desdits amendements, ce qui devrait entraîner, de facto, leur abandon par le pouvoir, si l’on en croit le chapitre de la Constitution traitant, précisément, des procédures de ses modifications éventuelles, le Président a décidé de passer outre et de soumettre, en conséquence, le texte à l’arbitrage du peuple opportunément rétabli dans sa souveraineté. Une décision qualifiée, par l’opposition, de « coup de force » contre la Loi fondamentale.
La majorité en campagne, déjà
Depuis que le président de la République a fait connaître sa décision, le camp de sa majorité s’agite. Il n’est pas même exagéré de dire qu’elle est déjà entrée en campagne électorale. Pourquoi s’agite-t-elle ? C’est qu’après la claque des sénateurs rebelles, principalement de ladite majorité, le boss n’entend pas échouer. Les yeux dans les yeux, il l’a dit clairement aux Mauritaniens. Une affaire personnelle, désormais, son orgueil écorché par les cheikhs.
Ainsi l’Union Pour la République (UPR), principal parti de la majorité présidentielle, s’est empressée de réunir son bureau exécutif pour étudier les voies et moyens de préparer la campagne. Des commissions de sensibilisation sont en phase de lancement, les réunions se multiplient au niveau des instances, voire des tribus et autres clans politiques. Alors que le décret fixant la date de la consultation – autrement dit, la convocation des électeurs – n’est toujours pas publié ! C’est dire qu’on est parti pour de longues semaines, voire des mois de campagne référendaire. Que de vacarme attendu !
La majorité s’agite, également, parce que les sénateurs frondeurs ne sont visiblement pas décidés, après leur « leçon de démocratie » infligée au pouvoir, à rentrer dans les rangs et paraissent, à ce jour encore, résolus à se battre pour « défendre la Constitution ». Ils ont ainsi mis en place un comité de suivi, à la chambre haute du Parlement et commencent à s’exprimer dans les media. Une affaire qui embarrasse bien le pouvoir. Ould Abdel Aziz enregistre, pour la première fois, une opposition ouverte au sein de sa majorité. Trente-trois de « ses » sénateurs ont osé défier le tombeur de Sidioca. Quel culot !, dirait l’autre.
Longue bataille en perspective, pour la majorité. Les media publics sont déjà en avance. Normal : quand le chef éternue, c’est toute la cour qui s’enrhume ! Les propos du président de la République, annonçant, à quelque deux ans de son dernier mandat, qu’il ne briguerait pas un troisième mandat pourraient également faire des vagues. Les sénateurs – et d’autres, probablement… – ne voudront plus lier leur sort à celui d’un partant. A cet égard, la décision « courageuse » des sénateurs aurait déjà quelques échos, à l’intérieur du pays. A en croire les informations relayées par la presse, plusieurs groupes politiques non-liés au FNDU commencent à manifester leur opposition au referendum.
L’opposition affine sa stratégie
Le pouvoir et sa majorité auront également à se battre contre une opposition fortement déterminée à barrer la route à leur agenda et que le rejet des sénateurs est venu réconforter. Le FNDU et le RFD, puisqu’il s’agit d’eux, ont mis en place une nouvelle stratégie pour faire échec au projet de Mohamed ould Abdel Aziz visant à modifier la Constitution. Elle consiste à en expliquer, au peuple mauritanien, les dangers. Vaste campagne de sensibilisation au programme, auprès des citoyens, des acteurs politiques et de la Société civile, pour les dissuader de se rendre aux urnes. Une campagne qui promet d’être très animée, avec la nomination du président de Tawassoul à la tête du Forum. Le parti que dirige Mohamed Jemil Mansour est connu pour ses capacités de mobilisation. Ça promet du vert, incha Allah ! Espérons, tout simplement, que les uns et les autres se battront uniquement sur le terrain des idées, écartant, résolument, coups de poings et autres violences…