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Mohamed Ould Kerkoub, président de la société Rimgaz: ‘’Nous souffrons de problèmes gênants dont le premier est l'absence totale de l'administration concernée et son désintérêt envers ce secteur vital’’

Dimanche 23 Janvier 2022 - 15:17

Mohamed Ould Kerkoub, président de la société Rimgaz: ‘’Nous souffrons de problèmes gênants dont le premier est l'absence totale de l'administration concernée et son désintérêt envers ce secteur vital’’

Suite aux récentes rumeurs autour d’une augmentation des prix du gaz domestique et au démenti publié par SOMAGAZ, nous avons pris contact avec les parties intéressées dont le président et unique propriétaire de RIMGAZ, l'homme d'affaires Mohamed ould Kerboub, qui a bien voulu répondre à nos questions.

 

Le Calame : Est-ce vrai ce qui se dit sur l'augmentation des prix du gaz butane ?
 

Mohamed ould Kerkoub : Tout d'abord, je vous remercie pour votre initiative.Quant à votre question :non, les prix du gaz butane n’ont toujours pas bougédepuis 2013. Trois sociétés opèrent en ce secteur : RIMGAZ, MAURIGAZ – deux sociétés privées – et SOMAGAZ dont une partie du capital est détenue par l'État. Ces trois structures sont chargées de l'importation, du stockage et de l’enfutage du gaz qu’elles vendent de trois manières : par leur réseau respectif de distribution, tout d’abord, et le prix est ici fixé, surveillé et sous contrôle ; aucune manipulation ne peut avoir lieu, ni en termes de prix, ni en termes de poids. La seconde manière met en jeu les centres des sociétés à l’intérieur du pays. RIMGAZ en possède dix-huit, tous sous contrôle quotidien, et leurs prix n'ont pas du tout changé : pas un seul cas d'augmentation n'a été enregistré. Quant au troisième mode de vente,c’est par l'intermédiaire de distributeurs dont la relation avec lesdites sociétés se clôtà la livraison du gaz. La plupart d'entre eux sont situés à Nouakchott et localement proches de l'administration concernée.S'il y a eu des abus, ils relèvent de la responsabilité du secteur de tutelle.

 

Alors, sur quoi ces rumeurs sont-elles basées ?
 

- D'après les informations dont je dispose, leur base est le retard d'accostage des bateaux chargés de gaz.Une situation indépendante de la volonté des sociétés locales, sans relation avec celles-ci ni avec leurs obligations stipulées dans les lois et textes réglementant le secteur.Ce qu’on demande auxdites  sociétés, c’est d'exprimer leurs demandes à temps dans le cahier des charges et de déposer les crédits financiers nécessaires à l'achat du produit. Nous éprouvons certes des difficultés mais nous avons toujours honoré ces deux engagements.

 

Quels sont les problèmes que traversent les compagnies gazières ?
 

- Merci pour cette question. Nous souffrons de problèmes gênants dont le premier est l'absence totale de l'administration concernée et son désintérêt envers ce secteur vital. Nous y sommes entrés en 2009 et n’avons jamais connu, depuis, une situation pareille à celle que nous vivons aujourd’hui.

 

Comment ? Quelles sont les caractéristiques de cet effondrement ?
 

- Elles sont liées à l'indifférence de l'administration concernée de 2018 à aujourd'hui.Recentré, depuis 2020, sur les grands projets et leur planification à long terme, on ne perçoit en outre plus l'intérêt du ministère de tutelle aux réalités quotidiennes. Je me dois donc de signaler aux responsables du secteur que, s’il est certes normal de penser à la Mauritanie 2030, nous n’en devons pas moins traiter nos problèmes actuels et chercher des solutions à ce qui préoccupe les gens en 2022.« Sauvegarder ce qu’on a », rappelle un bien bon adage, « plutôt que chercher ce qu’on ne possède pas ».
 

De notre côté, nous sommes – je parle des trois sociétés susdites – totalement prêts à stocker huit mille tonnes de gaz par mois, soit environ 96.000 tonnes par an, ce qui dépasse les besoins du pays estimés à 84.000 tonnes. Une autre caractéristique de l'effondrement est que le Ministère a tardé à payer les subventions au gaz tout au long de 2021, les trois sociétés lui réclamant plus de six milliards d’arriérés.Or seulement six milliards ont été programmés pour 2022, ce qui signifie qu'il n'y a pas d'allocations pour les subventions de l'année en cours.Cela laisse présager une grave crise, les compagnies ne pourront pas surmonter le mois de Mars ou Avril. Nous avons alerté le Ministère sur ce problème dès le mois d'Octobre dernier afin de le corriger mais l'indifférence et le manque d'intérêt ont dominé la situation.

 

Avez-vousdes précisions sur le retard de paiement des subventions et de leur non-programmation sur l'année en cours ?
 

- Les subventions sont fixées annuellement dans le budget del'État mais si leur paiement n'est pas effectué à temps, cela exerce une pression sur les liquidités :maintenant, les trois sociétés opérant dans le domaine attendent des arriérés s’élevant à six milliards d'anciennes ouguiyas au titre de l'année 2021. La pire nouvelle, comme dit tantôt, c'est que la subvention 2022 n'est pas programmée pour le nouvel exercice, ce qui signifie que l’État semble passer du retard de paiement à l’annulation de la subvention, ce qui est très étrange ! Et cela se produit à un moment où la France et l'Allemagne ont recommencé à subventionner le gaz, tandis que le Maroc et le Sénégal ont été contraints de doubler leurs subventions, en raison du besoin des gens et de l'augmentation de leur consommation.

 

Qu’elle est la meilleure solution, selon vous,à ce problème ?
 

- Du haut de votre tribune et à travers cette interview, je voudrais inviter le Premier ministre, responsable qu’il est de la mise en œuvre du programme du président de la République, à prêter attention à ce secteur vital et sensible,en lui accordant une grande importance. Un simple geste du Gouvernement se répercutera positivement, à mon avis, sur la disponibilité du gaz, la fluidité de sa distribution et le maintien de son prix abordable pour tout le monde. Certes, le secteur privé joue un grand rôleen ce sens, puisqu'il fournit et distribue le produit,employant des centaines de citoyens.Ce qui manque, c'est l'intérêt du Ministère et le respect de ses obligations.

 

En ce qui concerne les autres problèmes et observations, quelles sont leurs solutions les plus appropriées,à votre point de vue ?
 

- Je pense que les solutions au reste des problèmes peuvent se résumer en trois points. Premièrement, améliorerla coordination avec le fournisseur avec lequel nous contractons sous  tutelle du ministère concerné – occasion ici de rappeler que ce sont les autorités qui sont responsables du contrôle de l'exécution du contrat –et avec les services concernés par la préparation de la réception du gaz. Deuxièmement, traiter le secteur avec tout le sérieux requis : bien que ce produit soit subventionné par l'État, le Ministère ne remplit pas ses devoirs à cet égard et la non mise à jour  de la « structure des prix » constitue notamment un obstacle de taille, car il n'y a pas de personnel intéressé par le problème. Dans tous les pays, les économies tiennent compte de la spécificité des produits subventionnés : des facilités sont ainsi obtenues dans le dédouanement des pièces de rechange associées, des réductions d'impôts sont accordées, les procédures accélérées au regard de la sensibilité du gaz et de sa nécessité pour la population.
 

Troisièmement,un produit comme le gaz, à la fois sensible, indispensable et dangereux, a besoin de procédures de distribution strictes imposées par les autorités dans le cahier des charges des distributeurs, à l'image de ce qui se passe avec les distributeurs de carburant. Mais, en l’occurrence du gaz, il n'y a aucune prise en compte, dans les points de distribution, des procédures de sécurité ; le cahier des charges n’existe pas…Et ces questions relèvent également de la responsabilité du Ministère qui est en retard sur tout, jusqu'au versement de la subvention alimentaire ! Il y a donc fort à faire et nous vous remercions de nous avoir permis d’en signaler l’urgence.

lecalame

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