Malgré une croissance économique en hausse depuis 2016, la Mauritanie est appelée à adopter de nouvelles réformes afin de diversifier son économie.
Les chantiers sont de retour à Nouakchott. Symbole de cette reprise, la tour de la Société nationale industrielle et minière (Snim), longtemps à l’arrêt, est en cours de finition. Les statistiques du FMI confirment ce regain : la croissance s’était effondrée de + 6,1 % en 2013 à + 0,9 % en 2015, sous l’effet de la chute du cours du minerai de fer. Elle repart à + 1,7 % en 2016 et + 3,8 % sont annoncés en 2017.
Une fois de plus, c’est le secteur minier qui tire l’économie. Le cours du fer, qui était tombé à 40 dollars la tonne début 2016, oscille désormais autour de 60 dollars. Le canadien Kinross vient d’annoncer un investissement de 590 millions de dollars dans sa mine d’or de Tasiast et prévoit que sa production quadruplera d’ici à 2021-2022, passant de 200 000 à 800 000 onces par an.
Améliorations économiques
Les autorités ont plutôt bien géré la crise. Collecte fiscale améliorée, chasse aux dépenses et réduction des subventions aux carburants ont permis de diminuer le déficit budgétaire. La Mauritanie a accru ses emprunts auprès du monde arabe. La Banque centrale a laissé glisser le cours de l’ouguiya de 16 % face au dollar depuis 2014, freinant ainsi les importations.
Les défis que le pays doit affronter demeurent donc multiples et redoutables
Enfin, l’État a gagné son bras de fer avec le FMI – certains de ses experts lui demandaient de fortement dévaluer l’ouguiya afin d’améliorer la compétitivité des produits. Le gouvernement les a convaincus que, le pays n’exportant pas grand-chose hormis des matières premières, une telle dévaluation n’améliorerait pas la balance commerciale et risquait de déclencher une forte inflation.
Il ne faut pas pour autant se mettre à rêver. Le cours du fer a peu de chances de dépasser les 70 dollars à moyen terme. Les défis que le pays doit affronter demeurent donc multiples et redoutables. Même si la pauvreté a reculé de 11 % depuis 2008, un tiers des Mauritaniens vit avec un revenu inférieur au seuil de pauvreté. La dette publique extérieure est montée au niveau dangereux de 72 % du PIB.
L’influence de l’Etat
Ajoutons que l’agriculture demeure très vulnérable aux phénomènes climatiques, comme le prouve la mauvaise saison des pluies en cours, qui va contraindre le Programme alimentaire mondial (PAM) à accroître son soutien aux populations. Il faudra qu’un jour le gouvernement prenne à bras-le-corps le problème foncier qui empêche l’agriculture de se développer au nord du fleuve Sénégal, alors qu’au sud le territoire sénégalais est devenu un riche grenier. Le développement de la rive mauritanienne éviterait que quelque cinq camions de fruits et légumes arrivent chaque jour du Maroc…
La Mauritanie a gagné 16 places en deux ans
Classée au 160e rang sur 190 pays dans le rapport « Doing Business 2017 » de la Banque mondiale, la Mauritanie a gagné 16 places en deux ans. Mais ses banques privées sont peu robustes et ne financent que l’immobilier et l’import-export, empêchant le développement d’un tissu entrepreneurial, la diversification des activités et la création d’emplois. D’autre part, son économie demeure handicapée par l’omniprésence de l’État ou, plutôt, des pouvoirs. Les marchés comme les licences sont attribués de façon opaque, souvent sur la base de relations politiques ou tribales.
Quand l’américain Kosmos Energy a confirmé en août que le champ gazier Tortue, au large des côtes mauritaniennes et sénégalaises, pourrait entrer en production en 2021-2022, beaucoup se sont mis à fantasmer sur ce pactole… qui risque de cannibaliser l’économie nationale, d’alimenter une spéculation immobilière effrénée et de multiplier les comportements prédateurs. La Mauritanie a quatre ans pour mettre en place les garde-fous (fonds souverain, compte spécial à la Banque centrale, etc.) afin de garantir que cet argent sera géré de façon rationnelle, en toute transparence, et qu’il profitera aussi aux générations futures.