Samba Thiam, leader des Forces progressistes pour le changement (FPC) (ex Forces de libération africaines de Mauritanie -FLAM), plaide en faveur de la création d'une commission "Vérité-Réconciliation" pour exorciser les démons du passif humanitaire.
Relancé le 28 novembre dernier, après l'arrestation des membres des familles des militaires pendus en 1990, le règlement de l’épineuse question du passif humanitaire des années de braise accapare de nouveau le débat.
Après la sortie du ministre de la Défense, Diallo Mamadou Bathia, certainement téléguidée par le président Mohamed Ould Abdel Aziz, de plus en plus de Mauritaniens semblent comprendre la nécessité de règler une fois pour toutes cette question qui empoisonne les relations communautaires en Mauritanie. Le ministre aurait été chargé par le président de trouver un règlement définitif à cette question, selon plusieurs sources dignes de foi à Nouakchott. Ce qui explique le titre du document que le leader des FPC, Samba Thiam, a diffusé mardi: «Et si le président Mohamed Ould Abdel Aziz était en train de poser de petits pas vers l’unité et la réconciliation nationale». Il y propose «une Commission Vérité-Réconciliation» pour régler la question, à l'instar de l'Afrique du Sud ou du Maroc.
Cette institution serait «une structure civile, indépendante dotée de pouvoirs autonomes réels, qui aurait pour mission d’établir une liste exhaustive des violations de droits humains commises entre 1986 et 1991, enquêter en profondeur, entendre les victimes, interroger les présumés auteurs et accorder peut-être au besoin, à l’issue des investigations, en fonction des cas, une amnistie pour ceux qui se repentiraient, mais appliquer la justice pénale dans les cas contraires».
Selon Thiam, le passif humanitaire engloberait les cas de tous ceux qui ont fait l’objet de poursuites et de condamnations depuis la publication «du manifeste du négro africain opprimé» et les officiers noirs auteurs du complot de 1987.
Le passif humanitaire concerne également les déportations et diverses autres exactions commises à partir de 1989, les militaires victimes d’exécutions extrajudiciaires de septembre 1990 à février 1991, parmi lesquels les 28 pendus de la nuit du 27 au 28 novembre 1990 dans la garnison d’Inal.
Sauf que pour le moment, le gouvernement semble privilégier la solution de l’indemnisation des victimes. Pour Samba Thiam, il faut aller plus loin en tenant compte du fait que «le passif humanitaire est la conséquence de politiques désastreuses et funestes, à caractère ethnique, chauvin et raciste».
Il accuse les différents régimes qui se sont succédés d’avoir occulté la dimension de la double appartenance de la Mauritanie à l’Afrique de l’Ouest et à l’espace arabe, au profit «d’une arabité exclusive» et prône la révision de cette orientation pour restaurer l’unité et la cohésion nationale.
Ces crimes, susceptibles de tomber sous le coup de la loi pénale internationale, ont été perpétrés sous le règne du président Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya. Les victimes militaires ont été en partie indemnisées au début de l’ére Mohamed Ould Abdel Aziz.
Toutefois, cette opération d’indemnisation a touché toutes les composantes de l’armée. D’où cette remarque d’un militant des droits humains déplorant le fait que «de graves crimes commis contre des officiers et des soldats négros africains aient été dilués dans les problèmes généraux de la gestion de la carrière des militaires».