Le conflit intergénérationnel, qui d'ailleurs n'est point réducteur mais plutôt émulateur est pourtant quasi symptomatique du conflit d'intérêts; chaque génération prétendant gérer l'héritage avec le voeu secret de vouloir s'arroger l'âge d'or.
Mais au-delà de la traditionnelle querelle des anciens et de leurs descendants, en Mauritanie c'est surtout le futur qui inquiète, l'acuité de la relève risquant de se poser au niveau de la hiérarchie militaire, (quand même que le mal existe déjà au niveau de notre administration civile moribonde).
L'on constate que la conjugaison de deux facteurs quand l'un est inéluctable(l'appel à Dieu ou la retraite)et que l'autre, factuel mais maîtrisable ( compétence ,choix de l'homme )-- nous oblige de manière impérative à nous pencher sur les tares à venir de nos institutions à défaut du concours du malin génie.
Cette déduction découle-t-elle d'un raisonnement empirique universel car il est dit souvent que tout ce que l'homme a "produit ou crée, inventé depuis des siècles rien ne s'est déposé dans son ventre. Chaque génération doit refaire tout l'apprentissage. Jean Rostand va plus loin en affirmant que des" fourmis isolées de leur fourmilière refont d'emblée une fourmilière parfaite.
Mais de jeunes humains séparés de l'humanité ne pourraient reprendre qu'à la base l'édification de la cité humaine. La civilisation des fourmis est inscrite dans les réflexes de l'insecte. La civilisation de l'homme est dans les musées, les bibliothèques, dans les codes. Elle exprime les chromosomes humains, elle ne s'y imprime pas" (fin de citation), contrairement donc à l'instinct grégaire animalier.
Nos élites post-coloniales ne souffrant pas d'exception, soient-elles dépourvues d'humanités, car n'ayant que peu ou pas du tout fréquenté les écoles ou les bibliothèques cependant consciencieuses, compétentes et professionnellement patriotes, nous quittent petit à petit le cachet du temps faisant foi...
A supposer qu'il doive passer par les trois étapes de la libido buccale d'abord, annale et puis.. objectale, l'homme inexorablement "vieillit" enfin de compte selon l'expression d'Henri Bergson. Pire, il est "jeté dans sa banalité quotidienne en attendant la mort, qui est d'ailleurs sa finitude" renchérit l'existentialiste allemand Martin Heidegger.
Alors cher lecteur, en attendant votre tour et avant de vous soumettre à la contrainte de la "banalité quotidienne et son indéniable credo qu'est la mort" voici un aperçu sur le défi à la relève générationnelle au niveau de nos Forces Armées et de Sécurité.
Cet aperçu qui se veut objectif ne manquera sans doute pas de lever encore une fois les boucliers, de heurter les sensibilités cette fois subjectives tant il est dit que "l'Histoire enivre les peuples". Surtout ceux qui sont sous l'influence grandissante du prisme communautariste vivant dans une Mauritanie malade de sa diversité ethnique (allez savoir pourquoi) depuis sa naissance, un certain 28 novembre 1960...
Au commencement étaient les pionniers qui ont accompagné notre indépendance constituant ainsi la première génération d'officiers très valeureux depuis les années "50" jusqu'à la fin des années "70".
On peut citer entre autres les feux colonels Ahmed Ould Bouceif, Ahmed Salem Ould Sidi, Kader Ould Bah, Yall Abdoulaye, Ahmedou Ould Abdallah, Moustapha Mohamed Salek, Dieng Harouna, le cdt Jedou Salek, et les colonels Mohamed Ould Lekhal, Soumaré Silmane et Dia Amadou de l'office des anciens combattants, les trois derniers étant encore sains et saufs alhamdoulillah.
La liste est loin d'être exhaustive, d'ailleurs il en est ainsi pour toutes les générations. La deuxième génération qui a inauguré sa carrière avec la guerre du Sahara est composée des première et deuxième promotions des officiers sortant de Meknès, de Cherchell (Algérie), et surtout de la première et deuxième promotions de l'Emia d'Atar.
On peut citer également les généraux Mohamed Ould Meguett actuel directeur de la Sûreté, Ahmed Ould Bekrine de la gendarmerie, Négri Felix, Znagui Ould Sidiyé, les feux colonels Dedé Ould Souid'Ahmed, Mohamed Ould Abdi, le colonel Ely Ould Mohamed Vall yarahmou, mort le 5 Mai 2017 d'un AVC,grand baroudeur qui a fait ses preuves pendant la guerre du Sahara sans jamais donner dos à l'ennemi selon tous les témoignages recueillis,les colonels Dahane et Diop Moustapha tous deux marins, Dia El hadj, N'diaye Ndiawar, le cdt Niang Harouna, feu le lieutenant Belahy Ould Maouloud mort en étant commandant de la 7ème région militaire. etc....
Quant à la troisième génération, on peut considérer qu'elle va de 1980 à 2005.C'est elle qui tient le haut du pavé. Et parmi elle on peut citer les généraux Mohamed Ould Abdel Aziz, Mohamed Ghazwani, Dah Ould El mamy, Mohamed Znagui Ould Sid' Ahmed Ely, Hanené Ould Sidi, les différents commandants de régions militaires ou Directions, les chefs de bureaux à l'Etat-Major National, les attachés de défense dans nos ambassades.
C'est avec cette génération que notre Armée est entrée dans ses différentes phases de modernisation à travers une mutation structurelle,en se dotant d'une doctrine d'emploi,en démultipliant son arsenal logistique et balistique,son aviation et enfin en renforçant sa capacité opérationnelle aux plans tactique et technique face à l'ennemi, quelle que soit sa nature. Ensuite,il y a la quatrième génération qui va du milieu des années "2000" à nos jours.
Que Dieu garde nos enfants et nos petits enfants. Une génération presque composée de fils à "papa" qui n'ont jamais souffert et qui considèrent l'Armée comme la propriété de leurs parents. Une génération "facebook" composée de jeunes officiers connectés aux réseaux sociaux, déconnectés cette fois de la réalité et qui n'hésitent pas à envoyer leurs photos et surtout leurs points de station en tenues militaires à travers les diverses applications téléphoniques à leurs correspondants (tes) qu'ils soient à Mossoul en Irak ou Kandahar en Afghanistan!!!
C'est à partir de cette dernière génération que l'on a commencé réellement à se poser les questions relatives à la relève, à évoquer l'angoisse face à ce danger qui guette comme le mal du siècle. Jadis l'Armée était le creuset où s'abreuvaient les différentes couches de la nation au mérite de souder la cohésion sociale entre des entités diverses d'où qu'elles viennent, riches, pauvres, blanches ou noires. Faut-il entrer dans les détails pour enfin de compte effrayer le diable avant qu'il ne se manifeste?
A/La Garde Nationale
Il est inimaginable de parler de la Garde Nationale sans évoquer les noms des officiers Soueidatt Ould Wedad, N'diaye Djanko ou Mamoye Diarra ... Ces officiers issus de la coloniale étaient doués d'un professionnalisme à bien des égards, pansant ainsi le manque du niveau intellectuel de nos braves pionniers. La mission principale d'un militaire c'est de pouvoir se battre avec courage avant même de savoir cogiter. Le courage est à l'honneur du capitaine Sweidatt mort à Ain Ben Tilli en 1976.
Parent pauvre des forces armées d'un point de vue quantitatif, mais très appréciée au plan organisationnel, la Garde Nationale a payé un lourd tribut lors de la guerre du Sahara (1975-1979).A la fin des années "80" la purge des éléments "dits baathistes" n'a pas permis à des officiers supérieurs ou subalternes tels feu Mohamed Bouhedé, ou Sid'Ahmed Dahi et le talentueux Ahmed Jidou Ould Aly (promotion 1982-1984), pour ne citer que ceux-là, d'exercer longuement leurs compétences. Le salut viendra enfin des promotions sorties en 1982 (dont est issu l'actuel chef d'Etat-major de la Garde, le général Mesgharou ould Sidi) et de celle de 1984.
Du temps de Maawiya qui s'apparentait aussi à l'immobilisme soviétique anté-pérestroika, la Garde Nationale a procédé à des recrutements fantaisistes et qui continuent d'entacher sa réputation d'institution pilote.
Si actuellement à la tête de la Garde Nationale, il y a un brillant officier qui a l'avenir devant lui, la pente est raide et le vide n'est jamais loin quant à la relève. Même la promotion récente d'un intendant-général comme officier en second n'atténue pas l'ampleur de la dénivelée.
En dehors des premières promotions EOA (élèves officiers d'active),les officiers bilingues se feront rares dans moins d'une décennie. Le salut viendra peut-être des quelques jeunes commandants et lieutenants-colonels dont la compétence nous fera sans doute oublier le fantasmagorique recrutement dont est issu le fameux SS...et consorts.
La Gendarmerie Nationale
Contrairement à la Garde Nationale qui dépend du ministère de l'intérieur, la Gendarmerie est un corps militaire dépendant du ministère de la Défense Nationale. En France on l'appelait la maréchaussée depuis le moyen-âge. C'est en 1791, deux ans après la révolution que la maréchaussée longtemps au service des rois de France par l'exercice de sa justice extraordinaire dite "prévôtale", est désormais appelée Gendarmerie tout en conservant son statut militaire.
En Mauritanie la gendarmerie nationale est une institution solide. Les recrutements surtout d'officiers se font au compte-gouttes. La relève peut se faire en douceur, le chef de corps et son adjoint étant deux officiers à la hauteur des tâches qui les incombent. Des colonels et lieutenants-colonels bien moulus sont d'ailleurs en embuscade.
Il est à noter d'autre part que des colonels issus de la vieille école ont légué leurs empruntes à la gendarmerie: il s'agit de feux Cheikh Ould Boidé et Né Ould Abdel Malik. Cependant l'ouverture de la gendarmerie au monde extérieur en vue de la moderniser revient au général Ndiaga Dieng. Cet officier est le premier à faire sortir le gendarme de son "ribat" en le faisant balader,en lui donnant le goût du contact de l'autre sans méfiance réciproque.
Du temps du colonel Né, la gendarmerie rappelait la stasi de Bucarest, en Roumanie où chacun épiait son voisin, et mieux valait devenir sourd et muet dans un environnement fermé où le seul psychanalyste était le chef de corps lui-même. Le général Ndiaga Dieng a ouvert l'asile et les séquelles du traumatisme se dissipent petit à petit surtout avec la 3ème génération d'officiers plus modernes et déjà.. émancipés.
Cependant il y a une remarque très importante,c'est qu'à la gendarmerie mais aussi à la garde nationale, dans le milieu officier, il est rare d'entendre "mbimi" (je parle en Peul) ou "ntih" (je dis..en soninké). Et pourtant deux généraux Boghéens de surcroît ont passé plusieurs années à la tête de ces deux importantes institutions mais n'ont même pas daigné recruter un Torodo (marabout poular) à plus forte raison un Gnamakala (homme de caste en soninké et bambara)!!!
La faute à qui?Sans doute aux Beidhanes ...Pourtant au sein de l'Armée nationale évoluent de brillants officiers négro-mauritaniens malgré la démobilisation consécutive aux événements de 1987-1991. Parmi ces officiers on peut citer le saint-cyrien colonel Seydou Samba Galo, l'intendant-colonel Ousmane Ben (un Peul agréable et doué), Gandéga Samanti, Ba Kalidou, le chef serad Dia, Tal, Soumaré ,le colonel Sidibé du génie etc...
L'Armée Nationale.
C'est la mère de toutes les batailles.Sans une Armée forte,il sera très difficile pour la Mauritanie de contenir les soubresauts qui la tenaillent depuis sa sortie de la Guerre du Sahara. De MBarek Ould Bouna Moktar en passant par Yall Abdoulaye, Maawiya, Boukhreiss, Jedeine Arby, Felix Négri, Ould Mohamed Saleh, Ould Boubakar et j'en passe jusqu'au général Ghazwani..chacun de ces officiers à cru avoir planté un jalon. Soyons sincères, après la période des "trente glorieuses" qui va de 1960 à décembre 1975, année du conflit avec le polisario, ceux qui ont commandé l'Armée n'ont pas procédé à sa réelle modernisation.
Ils se sont contenté de gérer le quotidien avec ses multiples privilèges, surtout du temps de Boukhreiss, sous le pouvoir de Maawiya. Il faut oser le dire. C'est sous l'égide de la 3ème génération, avec le concours d'une volonté politique sans faille que l'Armée a subi une mutation sans doute favorisée par l'ampleur de la menace et surtout par les enjeux géo-stratégiques qui cernent la Mauritanie.
Dès 2018 nous entrerons dans une zone de turbulences à plusieurs inconnues, avec le départ supposé du général Ghazwani à la retraite et de son adjoint le général Hanené Ould Sidi.
Si d'ici là les textes n'auront pas changé. Heureusement que nous disposons de jeunes officiers généraux et de brillants colonels au cursus complet pour relever le défi de la pente ascendante.
Cependant être chef d'Etat-Major n'est pas une mince affaire, surtout en Mauritanie car c'est aussi une fonction à double casquette, politique et militaire depuis 1978,date du premier coup d'Etat. C'est également le climat socio-politique, les revendications à caractères ethniques, l'ingérence extérieure, la menace terroriste, l'extrémisme religieux, l'infantilisme de la classe politique etc...prémices à un conflit civil, qui donnent à l'Armée sa place prépondérante, voire indispensable à l'équilibre de l'échiquier national.
Nous ne pourrons douter une seule fois que le président Mohamed Ould Abdel Aziz prenne conscience de la gravité du problème. Avoir un chef d'Etat-Major comme Ghazwani, "poreux à tous les souffles", juste, tranchant et patriote..est une entreprise possible mais délicate, si le départ de l'intéressé en 2018 est effectif.
Mais justement où va notre Ghazwani et pour faire quoi ? That's the question... Et pourtant la réponse est simple. Nous devons juste connaitre où il va pour que nous puissions savoir ce qu'il doit faire.Voyez cher lecteur, il n' y a pas que Toto qui sache raisonner.../.
Bon Ramadan à tous les Mauritaniens.
source Ely Ould Krombelé, France