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un grain de sable pour secouer la poussière...

C'est Khally Diallo qui a tué. Par Pr ELY Mustapha

Vendredi 25 Avril 2025 - 18:42

Khally Diallo Rochigneux
Khally Diallo Rochigneux
« Seule la couleur de la peau change, le sang est rouge pour tous »
 

 

Oui, oui je sais. Vous vous êtes précipités pour lire cet article, pour trouver un coupable.

Sachez alors  ceci :  tout condamné n’est pas forcément coupable et que tout prisonnier peut être innocent . Que tous les pensionnaires des prisons mauritaniennes ne sont pas forcément tous coupables. Que tous les juges mauritaniens ne sont pas infaillibles . Que la Justice mauritanienne n’est pas divine et que l’histoire de la justice regorge d’erreurs judiciaires qui ont terni son image et coûté la vie à des innocents.

Que vient donc faire ce député d’Abyssinie que l’on accuse de haine et de racisme défendant un étranger criminel tueur d’un Mauritanien ? Et qu’a-t-il donc tué ?


L'affaire de Yaya Cissé, ressortissant malien condamné à la peine capitale en Mauritanie, a fait couler beaucoup d'encre, suscitant débats passionnés et prises de position tranchées.
Au cœur de cette controverse se trouve Khally Diallo, député mauritanien du Front Républicain pour l'Unité et la Démocratie (FRUD), dont l'engagement dans cette affaire a été interprété de multiples façons, souvent à charge.
 Cet article entend démontrer que derrière les apparences et les accusations se cache une réalité plus nuancée : celle d'un homme politique qui, loin de contester l'autorité judiciaire de son pays, exerce simplement son droit au doute face à un dossier qui présente des zones d'ombre troublantes. À travers cette analyse, nous verrons comment l'histoire judiciaire nous enseigne la prudence et pourquoi l’attitude de Khally Diallo s'inscrit dans une tradition universelle de questionnement légitime face à la justice humaine, par essence faillible.

L'affaire Yaya Cissé : chronologie d'une possible erreur judiciaire

Yaya Cissé, citoyen malien marié à une Mauritanienne et père de famille, croupissait en prison depuis 2012, condamné à la peine capitale pour un crime qu'il n'a cessé de nier avoir commis. Président de l'association des Ressortissants Maliens en Mauritanie "Yèrèko", il a été accusé d'un meurtre survenu dans la nuit du 26 juillet 2010 vers 1h du matin en Mauritanie.
Ce qui rend cette affaire particulièrement troublante réside dans l'alibi de Yaya Cissé : selon ses déclarations et celles de témoins, il aurait quitté Nouakchott le 25 juillet 2010 par un vol de Mauritanie Airways pour arriver à Bamako le 26 juillet 2010 à 00h40, par le trajet Nouakchott-Dakar-Bamako.
Autrement dit, il se serait trouvé physiquement au Mali au moment précis où le crime était commis en Mauritanie.
Cette contradiction fondamentale n'a pourtant pas empêché sa condamnation, prononcée selon son avocat "sur dénonciation calomnieuse d'une détenue". Depuis lors, un comité de soutien s'est constitué pour obtenir la révision de son procès, soulignant que "depuis son incarcération jusqu'aujourd'hui, Yaya, qui clame son innocence, n'a jamais été entendu, et ce, malgré toutes les preuves  disponibles aujourd'hui pour le blanchir".
 L’avocat de Yahya Cissé, Me Hamadi Karembé, interjetant,  à l’époque,  appel contre la condamnation prononcée par la Cour Criminelle  avait  souligné ne pas comprendre comment après deux ans d’enquête préliminaire qu’on puisse brusquement impliquer une personne qui non seulement est réputée pour sa droiture et son honnêteté, mais qui en plus, a apporté toutes les preuves matérielles qu’elle ne peut aucunement être impliquée car absente au moment des faits.


Lacunes probatoires majeures.

Le constat de lacunes probatoires majeures dans l’analyse des pièces du dossier, comparables aux erreurs judiciaires historiques comme l'affaire du Courrier de Lyon (1796) ou l'affaire Dreyfus (1894) que nous exposons plus loin dans cet article.

1. L'alibi spatio-temporel ignoré
Le cœur du dossier repose sur une contradiction chronologique flagrante :
•    Preuve documentaire : Le passeport de Cissé portait des cachets d'entrée/sortie attestant son départ de Nouakchott le 25 juillet 2010 via le vol Mauritania Airways NKTT, avec arrivée à Bamako le 26 juillet à 00h40 via Dakar.
•    Témoignages matériels : Le chauffeur Samaké aurait conduit Cissé à l'aéroport, tandis qu’un témoin Aly Traoré confirmait lui avoir personnellement délivré son billet.
•    Incohérence judiciaire : Le crime fut commis le 26 juillet vers 1h à Nouadhibou, soit 20 minutes après l'atterrissage supposé de Cissé à Bamako – impliquant physiquement impossible sa présence sur les lieux. La Cour criminelle rejeta ces éléments comme « falsifiés » sans expertise graphologique ni contre-preuve.

2. Témoignages à décharge occultés

Le procès s'appuya principalement sur :
•    Une détenue anonyme dont la dénonciation initiale fut qualifiée de « calomnieuse » par l'avocat Me Hamadi Karembé, sans confrontation en audience.

À l'inverse, furent écartés :

•    Les membres de l'association Yèrèko attestant des activités de Cissé comme médiateur communautaire, incompatible avec un profil criminel.

3. Absence de preuves scientifiques


Aucune preuve matérielle ne lie Cissé au crime :
•    Arme du crime : Le couteau mentionné dans l'autopsie ne fut jamais retrouvé ni relié à l'accusé.
•    Traces ADN : Aucun prélèvement biologique ne fut effectué sur la victime ou sur les scènes de crime.
•    Reconstitution : Aucune simulation n'étaya la faisabilité des événements décrits, malgré les incohérences topographiques soulevées par la défense.

4. Vice de procédure

Le procès viola les standards juridiques mauritaniens et internationaux :
•    Droit à la confrontation : Les témoins à charge ne furent jamais soumis au contre-interrogatoire.
•    Assistance légale : Cissé n'eut accès à un avocat qu'après trois mois de détention préventive, période durant laquelle des « aveux » contestés furent extorqués.
•    Expertise indépendante : Les cachets du passeport, pièce centrale de la défense, ne firent l'objet d’une expertise conformément aux articles 141 et suivant du Code de procédure pénale mauritanien.

5. Contexte politico-ethnique

Il convient de mentionner que l'affaire s'inscrivit dans un climat de tensions post-2009 entre la Mauritanie et ses ressortissants maliens, exacerbé par :
•    La loi sur la traite des personnes (2010) utilisée pour criminaliser les réseaux transfrontaliers.
•    Le profil de Cissé : Président de l'association Yèrèko, il incarnait une leadership communautaire perçu comme menaçant pour les autorités locales.

Comme dans l'affaire Lesurques (Courrier de Lyon) où un alibi ferroviaire fut ignoré, ou le procès Dreyfus fondé sur un faux document, l'omission des preuves exculpatoires dans l'affaire Cissé illustre le risque de dérive inquisitoriale des systèmes pénaux. Khally Diallo, en soulignant ces failles, ne conteste pas la légitimité de la justice mauritanienne, cequi n'est pas sans nous rappeler que « toute condamnation pénale doit reposer sur des preuves adéquates et suffisantes » (notamment arrêt Barberà c. Espagne, 1988- de  la Cour européenne des droits de l'homme, ).

Son attitude  rejoint celui de Zola clamant « La vérité est en marche » – rappel salutaire que l'infaillibilité judiciaire n'appartient qu'aux tribunaux divins.

Les erreurs judiciaires dans l'histoire : lorsque la justice se trompe

L'histoire judiciaire est malheureusement jalonnée d'erreurs qui rappellent que la justice, œuvre humaine, n'est pas infaillible. L'affaire du "Courrier de Lyon" constitue l'un des exemples les plus emblématiques de ces tragiques méprises. Joseph Lesurques fut condamné et guillotiné le 3 octobre 1796 pour l'attaque d'une diligence postale et le meurtre de deux employés, alors qu'il proclamait son innocence. L'irréparable était déjà commis lorsque le véritable coupable, un certain Dubosc qui lui ressemblait beaucoup, fut démasqué en 1800. Malgré seize tentatives de réhabilitation, la famille de Lesurques n'obtint jamais justice.

D'autres cas illustrent cette faillibilité judiciaire. L'affaire Dreyfus, "la plus célèbre erreur judiciaire de l'histoire de la justice pénale française", a vu le capitaine Alfred Dreyfus condamné injustement en 1894. Plus méconnue mais tout aussi tragique, l'affaire Rosalie Doize rappelle les dérives possibles du système judiciaire : cette femme enceinte avoua sous la pression un crime qu'elle n'avait pas commis pour protéger son enfant, et fut condamnée aux travaux forcés à perpétuité avant d'être acquittée en 1862.
Elle avait entre-temps perdu son enfant dans les conditions précaires de son incarcération.

Ces précédents historiques nous enseignent que le doute face à certaines décisions de justice n'est pas une remise en cause gratuite de l'institution, mais parfois une nécessité morale.

Khally Diallo : défenseur d'un innocent potentiel, non d'un criminel avéré

Pour comprendre la position de Khally Diallo, il faut d'abord cerner sa personnalité politique. Décrit comme "l'avocat inflexible du peuple" et "le rempart contre l'injustice", ce député se distingue par "sa fermeté morale et son refus catégorique de toute compromission". Son engagement dans l'affaire Cissé s'inscrit dans cette ligne de conduite.

Contrairement à ce que ses détracteurs affirment, Khally Diallo ne défend pas Yaya Cissé en tant que criminel condamné, mais en tant qu'homme potentiellement innocent dont les preuves à décharge n'auraient pas été correctement prises en compte. Comme l'indique sa récente déclaration, il souhaite "apporter quelques éclaircissements concernant l'affaire de Yaya Cissé", reconnaissant la douleur des victimes tout en refusant qu'on lui fasse "porter une responsabilité qui ne [lui] incombe pas".
Ce que ce député soutient , ce n'est pas l'impunité d'un criminel, mais le fait qu'un homme puisse purger sa peine dans son pays d'origine, près des siens - une considération humanitaire qui transcende la question de la culpabilité.  "Le ministère malien de la Justice et des Droits de l'Homme a annoncé [...] le transfèrement vers le Mali de Yaya Cissé", une évolution que Khally Diallo considère comme positive sur le plan humain, indépendamment de ses convictions personnelles quant à l'innocence du condamné.

Le droit au doute : pilier d'une justice équilibrée

La position de Khally Diallo illustre un principe fondamental en matière juridique : le droit au doute. Dans tout système judiciaire sain, ce doute n'est pas une faiblesse mais une force - un garde-fou contre l'arbitraire et l'erreur. Et le doute doit toujours bénéficierà l'accusé.

En Mauritanie dans un contexte  marqué par une corruption généralisée" et "une répression systématique des voix dissidentes",  le questionnement critique face aux décisions de justice n'est pas seulement un droit, mais pourrait presque être considéré comme un devoir civique.

Il va de soi que Khally Diallo ne prétend pas se substituer aux juges ni renverser leur verdict.

 Son engagement manifeste simplement ce que son rôle de représentant du peuple lui confère : la capacité et la légitimité d'exprimer un doute raisonnable face à une affaire qui présente des incohérences troublantes. Comme il l'affirme lui-même : "Mon engagement contre l'injustice est sincère et ne connaît ni frontières, ni distinctions de nationalité, de couleur ou d'origine".

Conclusion : Ce que Khally Diallo tue réellement

Si Khally Diallo "tue" quelque chose, ce n'est certainement pas l'autorité de la justice mauritanienne, mais plutôt un certain patriotisme étroit qui voudrait que la solidarité nationale s'arrête aux frontières de la pensée critique.
 Il combat cette idée selon laquelle "chaque fois qu'un individu exprime en son âme et conscience une idée, il devient l'ennemi de ses contradicteurs".

Son action nous rappelle une vérité essentielle : nul ne peut affirmer que tous ceux qui croupissent en prison sont coupables, tout comme nul ne peut prétendre que la justice, mauritanienne ou autre, est d'ordre divin et donc infaillible. Dans le cas de Yaya Cissé comme dans d'autres, l'histoire nous jugera, et si l'innocence venait un jour à être prouvée, c'est bien cette forme de dogmatisme aveugle que Khally Diallo contribue à "tuer".

En attendant ce jour hypothétique, le combat de tout être libre et digne  reste celui de la nuance contre le manichéisme, du doute méthodique contre la certitude péremptoire. 

Et si la voix de ce député dérange, c'est peut-être parce qu'elle nous rappelle cette vérité inconfortable : la justice des hommes, aussi nécessaire soit-elle, demeure humaine, donc imparfaite. 


Nul ne peut se réjouir de la mort d’une personne, compatriote ou pas, nul ne peut se réjouir de la condamnation d’une personne présumée innocente, compatriote ou pas.
 

Toutes les âmes se valent jusqu’à ce qu’elles comparaissent devant leur créateur.

Pr ELY Mustapha
source https://haut-et-fort.blogspot.com/2025/04/cest-khally-diallo-qui-tue-par-pr-ely.html

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