J'ai déjà écrit à plusieurs reprises qu'au plan stratégique, la Mauritanie dispose d’un atout certain, celui de se trouver sur les «marches de l’Empire» de l’Europe, comme naguère Pierre le Grand le disait des pays de l’Asie mineure limitrophes de la Russie. C’est pourquoi l’Europe ne peut, ne doit, se désintéresser de notre sort et réciproquement ! Là réside pour nous, en effet, une source d'optimisme quant à l'avenir !
Etant donné notre histoire commune et ancienne avec l'Europe, nos relations avec ce continent (je parle de l'Europe occidentale principalement) sont forcément emprunts d'affectivité!
En effet, nos rapports politiques et administratifs directs avec le Vieux Continent sont anciens et remontent à l'Antiquité. Ils commencèrent tout naturellement, géographie oblige, avec l'Espagne. D'abord via le peuplement des îles Canaries qui deviendront espagnoles par la suite, puis ces relations avec l'Espagne prirent une ampleur politique particulière vers 1086, lorsque nos Almoravides sont allés prendre le Pouvoir en Andalousie naguère musulmane. S'ensuit alors un courant d’échanges et de migrations. Ces dernières s'accentuèrent, tout en restant modestes, au moment de la Reconquista espagnole. C'est pourquoi, certaines tribus arabes mauritaniennes, d'origine Amawiyite (des Amawiyyin) sont venues d'Andalousie.
Quant au commerce stricto sensu avec l'Europe, il est bien plus ancien, et débute probablement à l'époque du Commerce Muet plusieurs siècles avant J.C. à travers Carthage dont les commerçants venaient s'approvisionner en cuivre du côté d'Akjoujt qu'ils acheminaient par chars tractés par des chevaux . Le métal onéreux était ensuite revendu à ce qui sera l'empire romain. A la fin du Moyen-âge et au début de la Renaissance, nous commercions déjà avec les économies-monde du sud de l'Europe, celles de Naples, de Venise, de Florence.
A la même époque, les Descobridores portugais découvraient nos côtes et s'y installèrent, puis vinrent les français, les anglais, les hollandais et les Allemands, chacun y allant de son comptoir, voire disputant le sien à l'autre concurrent européen en quête de gomme arabique, de plumes d'autruche et d'or.
Quand vint le colonialisme qui redoubla d’intensité après la Révolution industrielle en Europe et qu’il fallut bien être colonisé par quelque nation européenne à l’époque, Dieu a voulu que nous le fussions par une aussi grande nation que la France, qui quoique puissance colonisatrice ne nous en pas moins respectés pour autant ! C'est ainsi que, quoique désireuse de promouvoir la sienne, elle a dans une certaine mesure respecté notre culture et mis le doigt sur ce que nous avions de meilleur ! En fait, de meilleur, il ne s'agissait pas seulement de notre fer de la Kédia d'Idjil, qui favorisa notre accession à la souveraineté internationale, mais aussi et surtout de nos gisements humains... !
Futur pays gazier
Le fait est donc que l'Europe est entrée chez nous par la grande porte, celle de la France et auparavant de l'Espagne. C'est un visage bien avenant sous le jour duquel, l'Europe s'offrit à nous !
Fruit de cette proximité géographique, le retour des anglais est là, trois siècles plus tard! Voilà que Birtish Petroleum débourse plus d'un milliard de dollars (le tiers du PIB de la Mauritanie) et rachète 62% des actifs de l'américain Kosmos Energy dans les eaux territoriales de la Mauritanie et s'apprête donc à injecter plusieurs milliards de dollars supplémentaires pour lancer le processus d'exploitation d'immenses gisements de gaz situés sur nos côtes sud qui feront de nous un producteur majeur en cette denrée stratégique. Le gaz ainsi produit ira chauffer les ménages britanniques durant les froides nuits de l'hiver londonien où on ne se chauffe plus au charbon depuis bien longtemps ! C'est dire que la Mauritanie gagnera en intérêt stratégique pour cet autre Etat européen, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU: la Grande-Bretagne ! Et dire que le puits de gaz Hmeyim1 qui sera exploité n'est qu"à quelques encablures de Portendick (zone Tanit-Jreida), comptoir côtier créé par les Anglais au XVIIIè siècle pour y collecter la gomme arabique.
La France et l'Espagne ne manqueront donc pas d'accroître leur soutien de proximité à la Mauritanie pour éviter que la Grande-Bretagne ne s'arroge à leurs dépens le leadership européen dans ce pays ! C'est cela la stratégie ! Ce bégaiement de l'Histoire, qui ravive sans cesse, comme le faisaient les Oulhamr, le vieux feu couvant de la compétition des nations européennes autour des matières primaires de la Mauritanie est aussi la preuve que, sous l'effet de la Géographie et de l'Histoire, les intérêts de la Mauritanie et de l'Europe sont fortement imbriqués !
Mohamed Ali ould Lemrabott
Consultant International
source lecalame.info