Je ne sais vraiment trop si « dosage » est du jargon des BTP ou de celui de la médecine. Les maçons ou, plus précisément, leurs aides dosent, pour parfaire leur mélange à bâtir des murs impeccablement forts, résistants à toutes les intempéries et autres aléas du temps. Je ne sais pas plus si « dose » est de la famille de « dosage ». Le cas échéant, cela signifierait que « dosage » est un concept médical : prendre sa dose d’insuline. La dose normale. Attention, donc, au verbe doser qui peut être des BTP, de la médecine et du langage « junk ». Un doseur est un frimeur. C’est un doseur, il m’a dosé.
Le « dosing », c’est tout un style. Ça peut être dans la manière de parler en très bon mélange (zreïga) de toutes les langues nationales, assorties de quelques mots de français ou d’anglais. Ça peut faire dans la démarche à la Zao ou la John Travolta. Ça peut être dans le pantalon arrivant aux mollets. Quoi. Ok. Nice. Wenibik. Yes. Zeïn. Ça peut être dans la façon de se saluer, via petites claques de main en forme de poing. Quand on dose, tout passe. Même la politique. Rien ne va plus sans dosage. Ça, c’est depuis longtemps. Gouvernement : dosage. Bureaux exécutifs des partis politiques : dosage. Conseils nationaux : dosage. Assemblée nationale : dosage. Commissions nationales : dosage. Commission nationale de la surveillance lunaire, Bureau des Oulémas de Mauritanie, Union nationale des Imams : encore dosage.
Rassemblement des journalistes, toujours dosage. Régional, communautaire, en genre et en nombre : c’est combien de ministres pour telle région ? Combien pour tel groupe ? Combien pour les femmes ? Les jeunes ? Les gens de l’Est ? De l’Ouest, du Nord, du Fleuve ? C’est combien pour les homosexuels ; les transsexuels ? Les métis ? Les chauves, les imberbes ? Les plus de quatre-vingt ans ? Les anciens généraux ? Combien pour les anciens présidents, les anciens premiers ministres ? Combien pour les guerriers, pour les marabouts, pour les Harratines, les esclaves ? Combien pour la majorité ? Combien pour l’opposition ? Il faut doser, sinon, ce n’est pas possible.
Ça ne peut même pas aller comme ça. Pourquoi ? C’est pour nous tous, le pays. Il ya vingt jours que la Fondation Habib a décerné ses prix pour les trois meilleurs articles écrits en français. Premier, deuxième, troisième : dosage. Sans le dosage, rien ne va. Avec le dosage, tout est foutu. Regardez les listes candidates pour la conquête du syndicat représentatif des journalistes : dosage sur toute la ligne. Comité de suivi des résultats du dialogue : dosage. Commission électorale nationale indépendante :dosage. Quand ça ne dose pas, ça explose. C’est une loi de la Nature. Nous, on semble l’avoir bien compris. Très bien compris, même.
Jusqu’à trop. On risque de doser partout. Dans les mosquées. Dans les prisons. Dans les tombes, même, dosage. Il ne faut plus que ça ne soit que les tels qui soient enterrés dans les cimetières du Ksar. Comme il n’est plus question que ce ne soient que les tels qui le soient dans ceux des PK7. Dosons nos morts. Dosons nos vivants. Dosons nos cimetières. Dosons nos écoles. Dosons nos ministères. Dosons-nous nous-mêmes. Mais il faut faire dans la bonne dose. Ni plus, ni moins. Pas de trop de ceux-ci, ici. Pas trop de ceux-là, là-bas. Dosons nos généraux. Dosons nos hommes d’affaires. Dosons nos bouffons. Dosons nos barbus. Dosons nos clochards. Dosons nos imbéciles. Dosons nos indélicats. Dosons nos politiques. Dosons nos amendements. Dosons nos sénateurs. Dosons notre président. En haut noir, en bas blanc. Extérieurement correct, intérieurement machiavélique. Salut.
Sneiba El Kory
source lecalame.info