La semaine dernière, nous avons célébré le 57ème anniversaire de l’indépendance. C’est un rituel immuable. Pour certains d’entre nous, il est d’importance, pour d’autres, il n’a pas une grande signification. C’est le jour du passage à la liberté, pour les uns et pour les autres, c’est juste une passation de service entre deux ordres assez peu différents, à la limite, un simple transfert de l’hégémonie française à celui d’un groupe d’individus qui a fini par se confondre au Système. Pour une partie de la population, il revêt une toute autre signification : il serait plutôt le symbole du sang et celui des martyrs à Sorimalé, Inal et entre autres sites qui abritent les fosses communes des leurs !
En tout état de cause, les Mauritaniens, aussi indifférents ou engagés soient-ils dans la consécration de la Nation Mauritanie, sont unanimes à dire qu’ils ont fêté dans un climat général de malaise.
N’en déplaise aux opportunistes tapis dans l’ombre, aux laudateurs du régime et aux tenanciers de "L’épicerie", l’écrasante majorité du peuple mauritanien est empêtrée dans le mal vivre .
Qu’ils soient dans la nébuleuse de l’opposition, ou même au sein de la majorité, ils sont tous, unanimes à dire que la Mauritanie ne mérite pas son sort, qu’elle peine à se constituer en Etat fort et développé, qu’elle est dans une impasse qui ne finit point.
Depuis l’arrivée des militaires en 1978, la Mauritanie va de mal en pis au gré des médiocres régimes qui se sont succédé à sa tête. Les Mauritaniens vous le diront tous : 57 ans après la proclamation de leur indépendance, les choses n’ont toujours pas évolué dans la normalité.
En tout cas, pas dans le sens d’un développement socio-économique de leur rêve. C’est pourquoi, ils ont marre de vivre l’hypocrisie comme une valeur et le mensonge comme une vertu. Ils n’en peuvent plus de voir que dans cette société, toutes les valeurs et les bonnes mœurs sociales ont foutu le camp.
Ils ne supportent plus que le mensonge, la triche et l’exploitation éhontée de la position ou du rapport temporel des forces, soient les seuls instruments magiques qu’utilisent les "puissants" pour imposer leur ordre immoral. Ils en ont la chair de poule de ne mériter que la totale soumission ou le mépris. Ils en ont marre de la Mauritanie du détourneur qui se sert en criant gare aux corrompus et aux gabégistes. De la Mauritanie des "vertus" qui consacre les fumiers, finance les corrompus, adule les voleurs des marchés publics et propulse les plus médiocres par dévotion à leur ascendance tribale ou ethnique. De la Mauritanie des laudateurs qui donne du pays le reflet de la Patrie au million d’hypocrites et de laudateurs. De la Mauritanie du tribalisme, du régionalisme et du caporalisme de Papa qui fait du médiocre un roi et du méritant moins qu’un vaurien !
Projetés au bord du gouffre par ceux qui les gouvernent, les Mauritaniens aspirent, dans une grande partie, à voir leur pays vivre dans un minimum de normalité sur tous les plans. Ils rêvent de s’épanouir dans une patrie où tout est limpide et clair ; où le développement des structures étatiques se passe dans les meilleures des mondes possibles, où les rapports entre communautés sont équilibrés et pacifiés dans le respect des spécificités et des droits de chacun.
Partout et en toutes circonstances, les mauritaniens de toutes conditions, implorent le ciel pour que les valeurs de citoyenneté, fondées sur l’abnégation dans le service de la collectivité, l’honnêteté avec soi-même et avec les autres pour le bien-être de tous, deviennent une réalité que tout le monde intègre dans sa philosophie et son savoir vivre quotidien.
Nous ne devons pas nous leurrer, un pays ne peut pas être construit sur le mensonge. Et notre mensonge national dure depuis plus depuis l’arrivée des militaires en 1978, si ce n’est bien avant en 1960. Parce que nos dirigeants n’ont pas été toujours au rendez-vous. Nos intellectuels n’ont pas été toujours capables.
De l’indépendance à ce jour, nos commerçants n’ont jamais cessé de nous dépuceler et nos enseignants n’ont cessé de nous pourrir les esprits. Nos médecins et nos pharmaciens ont passé leur temps à nous intoxiquer et nous suicider en cobayes passifs pendant que nos érudits nous empoisonnaient les têtes. Nos fonctionnaires nous ont sans cesse arnaqués. Depuis 1960, nos journalistes n’ont cessé de nous leurrer pendant que les professionnels des médias nous mentaient.
Notre opposition nous a longtemps baratinés. Notre majorité nous a trahis. Nos députés nous ont marchandés, achetés négociés pour nous vendre. Nos diplomates nous ont négligés à l’étranger face á l’adversité sans contrepartie pour la patrie.
Aujourd’hui, seul notre attachement au rêve nous permet de maintenir un semblant d’État. 57 ans durant, le peuple n’a eu que le rêve et l’espoir, à se mettre sous les dents.