La campagne électorale pour les élections municipales, régionales et législatives tire à sa fin. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la première semaine aura été très morose. Pour cause, les préparatifs de la Fête du mouton. Dans une situation marquée du sceau de la rareté des ressources, les citoyens avaient la tête ailleurs. Les candidats n’ont guère pu apporter de billets pour aider aux dépenses du Sacrifice.
Mais, ce ne sont pas seulement les citoyens lambda qui tirent le diable par la queue, en cette période particulièrement difficile. Nombre de partis politiques ayant décidé, non sans contrainte, de s’engager dans les élections, afin de ne pas être rayés de la très longue liste de ceux-ci, se débattent dans des difficultés sans fin, pour battre campagne. Ceux qui comptaient sur la subvention annuelle ont vite déchanté. Le gouvernement ne semble pas décidé à ouvrir ses coffres. Résultats des courses, les partis, excepté les nantis, se débrouillent pour rencontrer les électeurs, ouvrir des sièges de campagne dans les quartiers, villes et villages.
Sous Ould Taya, les campagnes électorales étaient, pour certains, de bonnes occasions de se refaire une petite santé financière. Même les plantons des services de l’État arrivaient à disposer de véhicules, carburant et argent de poche, pour aller « battre campagne » pour le parti au pouvoir. Les imprimeries et ateliers de calligraphie tournaient à plein régime, tandis que les agences de location de voitures peinaient à satisfaire la demande des clients. Les vendeuses ou loueuses de tentes ne se plaignaient pas, non plus. De mauvaises pratiques, au final, qui ont fortement contribué à dénaturer, voire prostituer, la politique. Chacun y allait de son « p’tit bénéf », du plus simple citoyen au plus haut cadre. Légitime, diront certains… Mais, aujourd’hui, si les gens traînent les pieds, c’est qu’ils attendent les commerçants de la politique dont beaucoup, convaincus de ce qu’ils vont perdre leur récépissé, craignent de perdre leur sous. Selon un candidat, plusieurs présidents de parti ont expliqué qu’il ne fallait pas délier les cordons de la bourse à la veille de la Fête, parce que les citoyens, ayant tout dépensé pour celle-ci, en demanderaient davantage dès le lendemain. Mais peut-on faire la moindre omelette sans casser d’œufs ?
Sous Ould Abdel Aziz, la période de grâce n’aura été que de courte durée. Ce fut seulement en 2009 que l’argent coula à flots, grâce à Ould Bouamatou, devenu, depuis, l’homme à abattre du régime actuel. L’homme soutenait son cousin mais arrosa les Mauritaniens de tout bord politique. De l’argent, des maisons, des voitures furent gracieusement distribués, pour soutenir le candidat Ould Abdel Aziz. Depuis, les temps ont changé. Beaucoup même. Lutte contre la gabegie ?
Aujourd’hui, on est loin de cette époque. Même les proches du pouvoir s’en plaignent, en aparté, obligés, pour certains, de casquer afin de défendre les candidats du pouvoir. À Nouakchott où le nombre de listes candidates a pourtant explosé, les animations de campagne ne sont pas au niveau de 2013. C’est seulement au lendemain de la fête que portraits et dépliants de campagne ont commencé à fleurir, le long des grands axes et autour des grands carrefours de la métropole. Ceux qui prétendent diriger les communes et les régions de Nouakchott, tout comme ceux qui espèrent siéger à l’Assemblée nationale se présentent à nous dans toute une panoplie de signes et portraits. Les uns avec le V de la victoire, les autres avec des regards ou des têtes bien peu rassurantes. Tous les signes, logos et insignes y passent : téléphones, lampes à pétrole, voitures, robinets, avions, vaches, chameaux, éléphants même… Avec cette pléthore de partis, il devient très difficile d’arborer le bon logo. Un bric-à-brac qui prouve surtout le peu de créativité de nos politiques. Mais, bref, la compétition sera très rude et que le meilleur gagne ! Dans la transparence, of course…
Cela dit, la campagne a été surtout marquée par l’injonction du président de la République « d’octroyer, à l’UPR, une majorité écrasante, à l’Assemblée nationale ». De quoi lui ouvrir les portes d’un troisième mandat ? Une implication en tout cas fortement dénoncée, par l’opposition qui estime qu’Ould Abdel Aziz sort de son rôle de président de tous les Mauritaniens qui l’oblige à rester équidistant entre les différentes chapelles politiques. Mais, au final, l’intervention présidentielle ne serait-elle pas surtout l’aveu, comme lors de la campagne du referendum de l’an dernier, de l’incapacité de l’UPR à gagner seule le combat ? Lors du referendum, le Président avait justifié son engagement dans la campagne par le fait que la majorité présidentielle était incapable de relever le défi. Y aurait-il, à nouveau, de l’eau dans le gaz ?
DL