Habitante d'un État reculé du nord-est de l'Inde, Tyllod Khongwir vit dans l'une des zones les plus humides au monde, et pourtant elle doit récolter chaque goutte de pluie tombant du toit de tôle rouillée de sa maison.
Avec l'assèchement des sources et des aquifères de sa région à la végétation luxuriante, cette Indienne de 66 ans doit désormais s'adapter aux pénuries d'eau, symptomatiques de la crise que traverse le géant d'Asie du Sud.
"Même si nous n'avons pas d'eau courante, nous avions beaucoup d'eau disponible tout au long de l'année car il y avait une multitude de sources naturelles et il pleuvait tellement", explique cette membre de l'ethnie des Khasis.
Ces dernières années, les précipitations sont devenues plus sporadiques dans son État du Mehgalaya. "Désormais nous collectons ce que nous pouvons lorsqu'il pleut et le gardons pour plus tard", dit Tyllod Khongwir en recouvrant d'une pièce de coton son pot à eau, peint de multiples couleurs et incrusté de mousse.
Les problèmes d'eau du Meghalaya sont un condensé du paradoxe auquel est confrontée l'Inde: trop d'eau par moments, pas assez à d'autres. Une situation aggravée par l'insuffisance des infrastructures de stockage sur un sous-continent extrêmement dépendant de la mousson annuelle.
En juillet, un millier de personnes ont péri dans des inondations causées par la violente mousson à travers l'est de l'Inde, le Népal et le Bangladesh.
Mais au même moment, les millions d'habitants de la grande ville de Chennai, dans le sud, cherchaient désespérément l'or bleu en pleine sécheresse, faisant la queue pendant des heures pour obtenir de l'eau de pompes ou de camions-citerne spécialement affrétés.
L'Inde se trouve sur la liste rouge des 17 pays aux prises avec un "stress hydrique" très élevé, associant des risques d'inondations et de sécheresses concomitants.
"Même des petits chocs de sécheresse – voués à augmenter avec le changement climatique – peuvent avoir des conséquences terribles" comme la récente crise à Chennai, notait en août un rapport du World Ressources Institute.
- Réservoirs -
Sur les hauteurs du Megahalaya, Mawsynram s'enorgueillit du titre de site recevant le plus de pluie au monde, avec une moyenne annuelle de 11.887 mm de précipitations.
"Les pluies diluviennes faisaient partie de nos vies. Nous n'avons jamais appris à stocker de l'eau car il y avait tant d'eau tout autour", témoigne Miralin Kharchandy, directrice d'école à Mawsynram.
"Mais depuis deux ans, la pluie s'est faite beaucoup plus rare. Nous n'avons eu que deux semaines de précipitations fortes en juin et juillet", dit-elle. Une carence qui force les habitants à marcher des kilomètres en hiver pour se procurer de l'eau.
L'Inde est l'une des nations les plus vulnérables au réchauffement climatique et à ses conséquences, au vu de sa gigantesque population de 1,3 milliard d'habitants et de ses niveaux élevés de pauvreté et d'inégalités.
La hausse du niveau des mers commence déjà à affecter les communautés vivant sur le littoral, tandis que des vagues de chaleur font des centaines de morts chaque année.
La déforestation et l'urbanisation rapide sans planification aggravent également les maux du pays, les inondations devenant plus importantes et les sécheresses plus longues.
"La destruction des forêts perturbe les météos aux niveaux local et mondial, à la fois à court et à long terme", indique Harjeet Singh, expert changement climatique de l'ONG ActionAid.
"Les forêts absorbent le dioxyde de carbone qui stocke la chaleur, contribuant à stabiliser le climat de la planète. Donc la déforestation signifie davantage de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, réchauffant et perturbant la météo de la Terre", rappelle-t-il.
Pour faire face à la pénurie d'eau du Meghalaya, le gouvernement local et les communautés ont recours aux récupérateurs d’eau de pluie.
"Comme les villageois jouent un rôle pour construire et entretenir ces réservoirs, ils ont un sentiment de propriété. Ils utilisent l'eau de façon plus responsable", se félicite Tarcisius Dhkar, un chef de village.
Cette "eau est si bonne, meilleure que n'importe quelle eau en bouteille" confie Thildamon Syiemlieh, une villageoise de 16 ans, mais, s'inquiète-t-elle, "elle pourrait disparaître complètement bientôt".
AFP