Le gouvernement mauritanien a pris la décision de reporter le referendum, initialement prévu le 17 Juillet prochain, au 5 août. Raison officielle avancée, une demande de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), organe chargé de l’organisation des consultations électorales. On en parlait depuis plusieurs semaines, une correspondance, adressée par cet organe, affirmant son incapacité de tenir le délai avait été évoquée, avant ensuite d’être démentie par des sources proches de la CENI. C’était donc un secret de polichinelle. Aujourd’hui c’est officiel : la CENI ne serait pas prête. Et pour cause ?
On avance un très faible taux d’inscription des citoyens sur la liste électorale, en cours de renouvellement. Des sources proches de la CENI évoquent moins de dix mille inscrits, depuis l’ouverture de l’enregistrement, il y a déjà quelque quarante-cinq jours. Un taux jugé trop faible, par les observateurs. Traduirait-il le « peu » d’intérêt des citoyens pour cette opération ? Confirmation et renforcement, en ce cas, de l’opposition et des sénateurs frondeurs, affirmant que les amendements constitutionnels, préconisés par l’accord du 20 Octobre 2016, ne constituent nullement la priorité des Mauritaniens, et preuve que la campagne de sensibilisation du principal parti de la majorité présidentielle, l’UPR, est très loin d’avoir suscité l’envie des populations à s’inscrire ou à renouveler leur inscription.
Une situation inédite peut-être profitable au gouvernement qui serait, croient certaines confidences, en peine d’argent frais pour financer le referendum. Même si l’Assemblée nationale a voté le projet rectificatif de la loi de finances 2017, les obstacles ne seraient pas tous levés. Le Sénat, chambre haute du Parlement, dont une bonne part reste hostile à la modification de la Constitution, traîne les pieds ; pis, il a décidé de reporter la date de son examen, à la fin-Juin. Face à la détermination du pouvoir à passer outre leur rejet, les sénateurs lui opposent toutes sortes d’obstructions ; contre-attaquent, même. Et de fourrer leur nez dans l’attribution, par le gouvernement, des marchés de gré à gré qui brassent des milliards, au profit des proches du pouvoir.
Ils ont mis en place, à cet effet, une commission chargée de passer, au peigne fin, les marchés suspectés d’« irrégularités. » Dans le viseur, notamment l’ONG Errahma, présidée par le fils du président de la République, qui disposerait d’un colossal patrimoine. Le sénateur de Tidjikja, Moustapha ould Sidatt, a décidé d’interpeler le Premier ministre sur son discours, jugé « tribaliste », lors de sa tournée à l’est du pays. La chambre haute du Parlement paraît donc vent debout contre le gouvernement dont le chef a décidé de sceller son sort, depuis son discours de Néma, il y a bientôt plus de deux ans.
De son côté, l’opposition dite radicale (FNDU et RFD) reste farouchement opposée au referendum. Si le Front a invité ses militants et sympathisants à s’inscrire sur la liste électorale, pour voter contre, aux fins de discréditer l’opération, le RFD ne veut, en aucune manière, « crédibiliser » le projet gouvernemental. Tous se battent, en tout cas, pour contrecarrer les « éventuelles » ambitions du président Aziz de briguer un troisième mandat.
Un débat venu s’inviter sur la scène politique, depuis que le Premier ministre, Ould Hademine, a exclu tout départ de l’actuel « système », en 2019. Une brèche où se sont rués, ensuite, le président de l’UPR, Ould Maham, et le porte-parole du gouvernement, Ould Cheikh. Diversion, face aux difficultés de la conjoncture ?
« Cerise » (amère) sur l’indigeste gâteau, la rupture des relations diplomatiques avec le petit émirat du Qatar, aux allures d’obéissance servile aux ordres du grand royaume d’Arabie Saoudite. Une décision dont la précipitation étonne plus d’un observateur. Le 22 Mars dernier, le président Aziz n’avait-il pas clamé, lors d’une prestation télévisée, qu’aucun pays ne viendrait dicter, à la Mauritanie, la manière de conduire ses affaires internes, ni celle de sa diplomatie ?