On observe ces derniers temps une certaine léthargie chez l’opposition qui s’est traduite par son absence totale de la scène politique, et ce en dépit de la situation critique que vit le pays, et de la gravité des événements qui se sont succédés. En effet, suite à l’échec patent du référendum et au rejet par le Sénat des amendements constitutionnels, le régime a pris des mesures punitives à l’encontre des sénateurs qui ont voté ‘Non’, en particulier ceux de la majorité, et en représailles contre l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouaammatou, que le régime accuse d’être derrière la rébellion de ‘ses’ sénateurs : suppression du Sénat, enlèvement et emprisonnement du Sénateur Mohamed Ould Ghadda, mise sous contrôle judiciaire de sénateurs, de syndicalistes et de journalistes, émission de mandats d’arrêt à l’encontre de Mohamed Ould Bouamatou et Mohamed Ould Debbagh…
Cette léthargiea instillé le doute dans l’esprit de tout ceux qui se préoccupent de l’intérêt général et même dans l’esprit du citoyen ordinaire. Pis encore, ce doute s’est transformé en une conviction que cette indifférence de l’opposition envers ces graves événements ne pouvait qu’être délibérée : l’opposition s’est en effet comportée, par son absence, comme si ces évènements ne la concernaient pas, ou comme s’ils se déroulaient dans un autre pays.
C’est ce climat de suspicion devenu délétère, où l’on n’y comprend plus rien, qui pousse l’auteur de ces lignes à adresser un certain nombre de questions à nos respectables leaders.
Première question : Le Sénateur Mohamed Ould Ghadda était-il le moteur véritable de l’opposition et quand il a été arrêté, l’opposition est-elle devenue désemparée et a-t-elle cessé toute activité ? Cette question tire sa pertinence du fait que Ould Ghadda était le dirigeant incontesté de la bataille du ‘Non’ au sein du Sénat, ce qui n’est pas pour sous-estimer le rôle éminent joué par les sénateurs opposés aux amendements constitutionnels en général, et par les sénateurs de la ‘majorité’ en particulier, qui ont osé voter contre les orientations de leur parti, et devant les desiderata du Président, faisant ainsi montre de courage et d’abnégation devant la menace du bâton et l’appât de la carotte. Leur refus a constitué indéniablement un acte de défiance sans précédent dans l’histoire de notre pays par lequel ils ont tiré la plus belle des révérences.
Deuxième question : L’opposition préfère-t-elle Ould Ghadda en prison à Ould Ghadda libre, en particulier en cette phase de la lutte contre le régime ? Ould Ghadda a en effet pu bousculer et gêner les leaders de l’opposition par le courage qu’il a montré sur le terrain, notamment lors des manifestations contre le référendum. En d’autres termes, les leaders n’ont pas pu accompagner et se mettre au niveau du rythme et du dynamisme de son activisme militant, la stratégie pour la plupart de ces leaders étant d’éviter une rupture définitive avec le régime pour garder la porte entrouverte pour une possible entente, en perspective des élections législatives et municipales qui se tiendront en 2018.
Troisième question : Les dirigeants de l’opposition voient-ils en Ould Ghadda, un jeune concurrent ambitieux aux dents longues, une menace à leur avenir et à leur ambition politiques ? Une solidarité agissante avec lui pourrait dans ce cas contribuer à lui donner une plus grande importance et une plus grande crédibilité auprès de l’opinion, et ferait de lui un concurrent d’autant plus redoutable pour les échéances électorales futures, en particulier pour les présidentielles de 2019, que le ‘candidat unique’ n’est un fait qu’une illusion, ou au mieux un rêve impossible derrière lequel court chacun des leaders. C’est ce qui expliquerait donc leur tiède solidarité et leur timide soutien à ce ‘trublion’.
Quatrième et dernière question : Les dirigeants de l’opposition suspectent-ils Ould Ghadda d’être une ‘taupe’ du régime ? En d’autres termes, Ould Ghadda serait un joker que le régime utilise quand il se sent en danger et le conflit entre le Président, d’un côté, et l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou et le Sénateur Mohamed Ould Ghadda, de l’autre, ne serait qu’une ruse montée de façon hautement professionnelle pour pousser l’opposition à la confrontation au moment où elle n’y est pas préparée, coupant ainsi l’herbe sous les pieds de ses leaders. Ce conflit ne serait en fait qu’un montage soigneusement échafaudé par les services de renseignements, qui pourrait s’intituler ‘Le duel des cousins’. En effet, c’est ce que les soi-disant opposants – spécialement ceux qui sont à l’affût de miettes parcimonieusement jetées par le régime - répètent à l’envi pour réduire la grave crise actuelle à un contentieux entre cousins. Un tel scénario farfelu est à peine digne de servir à un feuilleton d’espionnage de série B que la télévision officielle diffuse le mois de Ramadan.
Cette thèse complotiste est la favorite de cet ami ‘opposant’ qui me faisait fréquemment part de ses doutes quant à la sincérité de l’opposition de feu Ely Ould Mohamed Val, et quand je lui demandais les raisons de ses doutes, il me répondait que « c’était le cousin de Aziz », et que donc il ne pouvait s’opposer à lui. A cet argument fallacieux, je lui ai rétorqué que feu Ely n’avait pas cette vision des choses, et qu’il mettait l’intérêt du pays au-dessus de ce genre de considérations.
Paradoxalement, au moment du décès d’Ely, j’ai trouvé cet ami plongé dans une grande tristesse et qui me dit,en guise de condoléances, peut-être : « Feu Ely était la seule personne que Aziz craignait. L’opposition vient de perdre un de ces principaux atouts pour le changement ».
Soyez maudits, vous qui ne reconnaissez les qualités et la valeur de l’homme qu’après sa mort !
Mohamed OuldDahane,
Coordinateur du Mouvement ‘Touche pas à ma Constitution’
source mauriweb.info