Note d’alerte
Les faits
Le 11 Janvier 2020, des jeunes gens se réunissaient, à Nouakchott, dans la salle de spectacle dénommée La case – d’ailleurs louée à l’occasion. La réjouissance, que ponctuaient la musique, le chant, la danse et l’exhibition de tenues de soirée, mettait en scène une partie du folklore commun à la Mauritanie et au Sénégal. Une semaine plus tard, les vidéos de l’évènement privé circulaient sur Facebook et les applications de téléphonie mobile. La rumeur de la célébration d’une union entre personnes de même sexe enflait alors, suscitant ici-et-là, indignation, expressions de dégoût et appels à la haine homophobe. Aussitôt, les autorités judiciaires s’empressèrent d’ouvrir une enquête. La police procédait, dans la foulée, à l’arrestation de l’ensemble des protagonistes et du gérant des lieux.
Le 23 Janvier, le Commissaire de police Mohamed Ould Nejib, officiant à Tevragh Zeina 3, infirmait, sur la chaîne de télévision publique « Almouritaniya », l’hypothèse d’un mariage gay ; il affirmait, avec certitude, qu'il s’agissait plutôt d'une fête d'anniversaire de l'un des « androgynes » (en Arabe مخنثين"), pour reprendre son expression ; la recette devait servir à pourvoir une caisse de solidarité, en guise de cadeau de circonstance. Malgré sa tentative de rétablir l’authenticité des faits, l’officier de police allégua que les susdits s’exposaient, tout de même, à une punition sévère.
Le même soir, la police fit « fuiter » par le support électronique, toutes les photographies des prévenus, telles que réalisées dans le commissariat, avec, en Arabe, la mention de chaque prénom. Au fil des séquences d’image animée, is déclinaient leur identité et bredouillaient, manifestement sous la contrainte de l’humiliation, quelques mots d’explication et de regret. Sur l'un des films, un agent, locuteur du Hassaniya, se moque de l'un des garçons, entravé des deux mains derrière le dos, et le traite de délinquant.
Pour des raisons de respect de la dignité de l’individu et de préservation de son intégrité morale, la présente communication s’abstient de joindre de tels documents en annexe.
Le 30 Janvier, 8 accusés sur 10, dont deux ressortissants du Sénégal, sont condamnés, à 2 ans de prison ferme, après une brève comparution devant un magistrat de la chambre criminelle près le tribunal de Nouakchott-Ouest. La seule femme écope, elle, d’un an de rétention, avec sursis, pour « transgression des interdits divin » (sic). Le gérant obtient un acquittement. Les non-nationaux, à l’épuisement de la peine, devront quitter le territoire.
Le 3 Février, leur avocat, maître Mr Mohamed Ahmed Oubeid, interjette appel de la décision prise en première instance.
Conséquences
Ira-Mauritanie, association de défense et de promotion des droits humains et de la diversité :
- note le caractère discriminatoire du verdict et interroge la pénalisation de tels griefs, quand leur nature non-violente (ni blessures ni morts) renvoie, plutôt au champ des infractions relevant du registre correctionnel.
- constate et déplore la différence de traitement aux dépens de jeunes d’extraction subsaharienne, car des comportements identiques, parmi d’autres groupes de la population, bénéficient d’une indulgence à toute épreuve.
- rappelle, à l’Etat, au législateur et à l’appareil de justice, que la Mauritanie ne saurait évoluer dans un vase clos, exempte de ses engagements et en rupture d’avec le droit international des minorités. Toute mesure répressive qu’elle appliquerait, à rebours de l’obligation de protéger ses ressortissants et les étrangers sur son sol, se paiera, tôt ou tard. La facture s’alourdit d’autant si la stigmatisation, la dégradation de l’être humain et sa privation de liberté s’accompagnent de pratiques inéquitables.
- souligne le zèle officiel à livrer les plus humbles à la vindicte et son inclination à flatter l’instinct grégaire et le fanatisme de la foule, en exutoire à la faillite d’une société qui procure l’immunité de la loi, aux seuls auteurs de crimes de masse et tolère l’esclavage ; dans les deux situations, l’inégalité de destin confère, à la condition des noirs de Mauritanie, l’attestation d’une infériorité infra-juridique.
Ira-Mauritanie, le 6 février 2020
Pièce jointe : traduction du jugement
Les faits
Le 11 Janvier 2020, des jeunes gens se réunissaient, à Nouakchott, dans la salle de spectacle dénommée La case – d’ailleurs louée à l’occasion. La réjouissance, que ponctuaient la musique, le chant, la danse et l’exhibition de tenues de soirée, mettait en scène une partie du folklore commun à la Mauritanie et au Sénégal. Une semaine plus tard, les vidéos de l’évènement privé circulaient sur Facebook et les applications de téléphonie mobile. La rumeur de la célébration d’une union entre personnes de même sexe enflait alors, suscitant ici-et-là, indignation, expressions de dégoût et appels à la haine homophobe. Aussitôt, les autorités judiciaires s’empressèrent d’ouvrir une enquête. La police procédait, dans la foulée, à l’arrestation de l’ensemble des protagonistes et du gérant des lieux.
Le 23 Janvier, le Commissaire de police Mohamed Ould Nejib, officiant à Tevragh Zeina 3, infirmait, sur la chaîne de télévision publique « Almouritaniya », l’hypothèse d’un mariage gay ; il affirmait, avec certitude, qu'il s’agissait plutôt d'une fête d'anniversaire de l'un des « androgynes » (en Arabe مخنثين"), pour reprendre son expression ; la recette devait servir à pourvoir une caisse de solidarité, en guise de cadeau de circonstance. Malgré sa tentative de rétablir l’authenticité des faits, l’officier de police allégua que les susdits s’exposaient, tout de même, à une punition sévère.
Le même soir, la police fit « fuiter » par le support électronique, toutes les photographies des prévenus, telles que réalisées dans le commissariat, avec, en Arabe, la mention de chaque prénom. Au fil des séquences d’image animée, is déclinaient leur identité et bredouillaient, manifestement sous la contrainte de l’humiliation, quelques mots d’explication et de regret. Sur l'un des films, un agent, locuteur du Hassaniya, se moque de l'un des garçons, entravé des deux mains derrière le dos, et le traite de délinquant.
Pour des raisons de respect de la dignité de l’individu et de préservation de son intégrité morale, la présente communication s’abstient de joindre de tels documents en annexe.
Le 30 Janvier, 8 accusés sur 10, dont deux ressortissants du Sénégal, sont condamnés, à 2 ans de prison ferme, après une brève comparution devant un magistrat de la chambre criminelle près le tribunal de Nouakchott-Ouest. La seule femme écope, elle, d’un an de rétention, avec sursis, pour « transgression des interdits divin » (sic). Le gérant obtient un acquittement. Les non-nationaux, à l’épuisement de la peine, devront quitter le territoire.
Le 3 Février, leur avocat, maître Mr Mohamed Ahmed Oubeid, interjette appel de la décision prise en première instance.
Conséquences
Ira-Mauritanie, association de défense et de promotion des droits humains et de la diversité :
- note le caractère discriminatoire du verdict et interroge la pénalisation de tels griefs, quand leur nature non-violente (ni blessures ni morts) renvoie, plutôt au champ des infractions relevant du registre correctionnel.
- constate et déplore la différence de traitement aux dépens de jeunes d’extraction subsaharienne, car des comportements identiques, parmi d’autres groupes de la population, bénéficient d’une indulgence à toute épreuve.
- rappelle, à l’Etat, au législateur et à l’appareil de justice, que la Mauritanie ne saurait évoluer dans un vase clos, exempte de ses engagements et en rupture d’avec le droit international des minorités. Toute mesure répressive qu’elle appliquerait, à rebours de l’obligation de protéger ses ressortissants et les étrangers sur son sol, se paiera, tôt ou tard. La facture s’alourdit d’autant si la stigmatisation, la dégradation de l’être humain et sa privation de liberté s’accompagnent de pratiques inéquitables.
- souligne le zèle officiel à livrer les plus humbles à la vindicte et son inclination à flatter l’instinct grégaire et le fanatisme de la foule, en exutoire à la faillite d’une société qui procure l’immunité de la loi, aux seuls auteurs de crimes de masse et tolère l’esclavage ; dans les deux situations, l’inégalité de destin confère, à la condition des noirs de Mauritanie, l’attestation d’une infériorité infra-juridique.
Ira-Mauritanie, le 6 février 2020
Pièce jointe : traduction du jugement