Des « négociations secrètes » que le pouvoir et l’opposition réputée radicale (FNDU) menaient, depuis plusieurs mois, viennent d’échouer. C’est que l’ont révélé des informations proches des deux parties. Mais si certains laissent entendre que la rupture est consommée, d’autres pensent qu’elles ne sont qu’interrompues, après les révélations sur un processus, déclenché depuis près de deux ans déjà, qui restait entouré de la plus grande discrétion. Et pour cause, le président de la République aurait exigé, des deux camps, un « silence-radio », avoue une source proche de l’opposition. Tout le monde croyait les ponts totalement rompus alors que des négociations se déroulaient en secret. Et voilà qu’aujourd’hui, patatras ! L’affaire est portée devant l’opinion… qui ne manque, évidemment pas, de la trouver « suspecte ». Les différents responsables des deux camps montent au créneau pour justifier, chacun en ce qui le concerne, et la démarche et son échec. Comme en pareilles circonstances, chacun rejette la responsabilité sur l’autre. Le président du FNDU accuse le pouvoir d’avoir fuité l’info, tandis que celui de l’UPR lui renvoie l’ascenseur. Alors, qui a vendu la mèche ? Qui a intérêt à ce que ces négociations échouent ? Et, certes, ils sont nombreux, les candidats à telle enseigne, aussi bien du côté du pouvoir que de celui de l’opposition.
Selon une source du forum, l’initiative des négociations serait de l’ancien président de Tawassoul qui aurait rencontré Ould Abdel Aziz en privé, et n’aurait pas été catégoriquement rejetée par le Forum…sans manquer cependant d’y faire grincer des dents. Ce n’est un secret pour personne que plusieurs partis du FNDU sont farouchement hostiles à tout compromis avec le pouvoir. Ceux-ci s’opposent même à la participation aux prochaines élections. De là à suspecter cette frange d’être à l’origine de la fuite du côté de l’opposition très « noyautée » par le pouvoir, avance un leader de celle-ci, le pas est vite franchi par ses détracteurs. En dépit de l’apparence d’unanimité en son sein, il est aussi notoire que le Forum est traversé par des dissensions, mettant en péril son unité, de temps à autre. À chaque échéance électorale ou politique nationale, il étale ses divergences, mais a toujours réussi, jusqu’ici, à éviter l’implosion que prédisent ses ennemis.
Côté pouvoir, l’initiative était gardée secrète et circonscrite. Certaines sources indiquent, qu’excepté les trois membres de la délégation, personne d’autre n’était au fait. Même le PM n’était pas, semble-t-il, au parfum. Seuls Ould Maham, président de l’UPR, Ould Aboul Maali, président de la CMP et Seyidna Aly ould Mohamed Khouna, à l’époque ministre secrétaire général de la Présidence, en avaient été informés et très certainement priés de n’en rien révéler. Une attitude du Palais qui n’aurait pas plu à certains segments du pouvoir qui, craignant de perdre leur place et autres privilèges, si jamais le Forum acceptait d’aller aux élections, avaient tous intérêt à torpiller l’affaire que le Président exigeait secrète. Selon des indiscrétions, celui-ci se serait fâché quand l’affaire a été révélée. La campagne de réimplantation de l’UPR en cours et les querelles de positionnement des différents clans seraient-elles à l’origine des fuites ?
Ce qu’espérait le FNDU
Après « l’opération-test » sur les intentions du pouvoir, notamment en ses « dispositions » à accepter un dialogue franc et sincère, les concessions qu’il serait prêt à faire, la gestion de l’initiative fut confiée aux présidents de Tawassoul, ADIL et UFP qui travaillèrent dans la discrétion, jusqu’à ce que l’affaire soit portée sur la place publique, il y a quelques jours. L’initiative aurait fait l’objet d’un « débat informel », au sein du Forum mais seul le pôle politique y fut impliqué.
Parmi les revendications de l’opposition, quatre points essentiels, non préalables, cependant, à la participation aux prochaines élections, « désormais acquise au sein du FNDU », souligne notre source. La libération de tous les détenus d’opinion, des personnes assignées à la résidence surveillées, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays (sénateurs, syndicalistes, journalistes, hommes d’affaires…) ; des places à la CENI ; des observateurs étrangers lors des élections ; et une gestion consensuelle ou, plus précisément, la mise en œuvre de tout cela, par un gouvernement de technocrates. Un accord sur ces points ou, du moins, sur l’essentiel devait aboutir à un dialogue entre le pouvoir et son opposition, y compris le RFD, l’autre poids lourd de celle-ci. Selon un leader du Forum, le RFD ne pouvait pas ne pas être associé à cette initiative. Un RFD qui aurait, lui aussi, décidé de prendre part aux prochaines élections, avec semble-t-il, son patron en tête de liste nationale ? Info ou intox, nous y reviendrons.
De sources proches de l’opposition, seules deux places à la CENI furent consenties par le pouvoir. Proposition très en-deçà de leurs attentes mais, à vrai dire, sans grande importance, pour les partis du FNDU déjà décidés à participer aux élections, dans l’optique de la confrontation et de la contestation. Cela dit, ceux qui étaient hostiles à ces discussions sont visiblement soulagés et le disent. Pour eux, cet échec permettra, non seulement, au Forum de recouvrer sa cohésion mais, aussi, de soulager son président, soumis à de très fortes pressions, aussi bien au sein du FNDU qu’en son propre parti. Ce n’est en effet un secret pour personne que l’UFP, un des principaux partis du Forum a connu de vives dissensions. Le désaveu de l’aile favorable à la participation aux élections législatives et municipales de 2013/14, pour préserver son ancrage au sein de l’opinion – comme le fit, du reste, Tawassoul –entraîna le départ de plusieurs cadres et militants du parti qui continue, tout de même à préserver son aura.
Même si certains, au sein du forum, gardent l’espoir de voir les négociations reprendre sous peu, les chances de voir un compromis s’instaurer, autour du processus électoral, demeurent très minces. Certes, la politique reste l’art des compromis. Mais le temps presse, le pouvoir et l’opposition dialoguiste ne manqueront pas de désigner, comme cela a été annoncé, les onze sages de la CENI. L’UPR, le principal parti du pouvoir, concentre désormais ses efforts sur la désignation des responsables de ses instances, en vue des prochaines élections annoncées pour fin 2018. Est-ce en rangs dispersés que l’opposition dite radicale va répondre au défi ?
La réussite des pourparlers, la participation du FNDU et, au mieux, celle du RFD auraient pu contribuer à apaiser la tension politique, entre le pouvoir et ces deux camps de l'opposition née avec le putsch d'Août 2008. Les deux camps qui ne cessent de s'invectiver, depuis cette date, auraient ainsi fait preuve de dépassement. Le pouvoir, dont le chef s'apprête à quitter le Palais en 2019, réussissant une sortie apaisée et l'opposition, à grappiller quelques sièges à l'Assemblée nationale et des mairies, ce qui ne manquerait pas de renflouer leurs caisses fortement éprouvées. Vont-ils reprendre langue, ne serait-ce qu’en ces toutes simples perspectives ?
Dalay Lam
source lecalame.info