C’est à Kanaoil, actuelle bourgade de l’entrée méridionale de la ville d’Atar, qu’est né vers 1912, Mohamed Ould Aamer Ould Khayar Ould Ibni, de sa mère Houriya Mint Abeid, membre des Ewlad Ibni qui seraient venus de Chinguitti au XVIIéme siècle.
Vers 1942, avec son frère aîné Mohamed El Id, il commença par vendre du bétail (« Teyvaya » ou courtiers) et divers commerces pour les Européens, militaires ou prospecteurs venus pour l’évaluation et l’exploitation de la mine de cuivre de Moughrein à Akjoujt. En 1946, le destin conduisit ces deux frères à Nouakchott qui ne comptait en ce moment là qu’une centaine d’habitants, et dont l’eau potable venait de Rosso par citernes. Le village situé à quelques kilomètres de l’Océan atlantique était à égale distance entre Saint-louis (au sénégal) , chef lieu du territoire français de Mauritanie et Atar principale grande base militaire coloniale du territoire à l’époque. Pour relier par avion ces deux grandes villes, un relais était nécessaire .Mohamed Khayar est choisi pour assurer le chef d’escale du petit aéroport naissant. Il fut parmi les premiers à construire des logements en dur dans cette sebkha hostile, semi- déserte, caractérisée par des monticules dunaires, parsemées de cram-cram et d’euphorbes (« vernane« ).Son frére et lui ouvrirent les portes de leurs modestes logis à tous les visiteurs, en transit vers ou en provenance de Saint Louis, Akjoujt Atar, bâtissant ainsi une chaîne de relations et une excellente réputation.
Au fil du temps, la popularité de Mohamed grandissait sans cesse. Grâce à sa vive intelligence, sa générosité, son sens de l’hospitalité, sa disponibilité, son esprit d’ouverture, il devenait incontournable, aussi bien pour les administrateurs coloniaux qui passaient par son intermédiaire pour régler plusieurs services, que pour ses compatriotes, qu’il recevait à bras ouverts et auxquels, il aplanissait toute difficulté de quelque nature que ce soit. Son petit commerce se développait de même.
Un militant engagé.
A la création de l’ »Union progressiste Mauritanienne » (UPM), parti crée en 1948, entre autres, par Sidi El Mokhtar N’Diaye ( Ould Yahya Ndiaye)et Mokhtar OULD DADDAH, qui seront appelés à avoir un destin en le pays, et trois Emirs : Abderahmane OULD BAKAR, Ahmed OULD Aîda et Mohamed Vall OULD OUMEÏR ainsi que des notabilités des différents cercles d’alors, Ould Khayar se distingua comme militant actif. Il brilla ensuite, lorsqu’il fallait se prononcer, en septembre 1958, par referendum, soit pour l’indépendance, soit pour le statut d’Etat autonome au sein de l’AOF, il opta prudemment, avec la majorité des notables du pays, pour le « oui » qui passait haut la main (94,2%) . Puis, en mars 1957, Khayar était aux premières loges quand l’UPM gagnait les élections à l’Assemblée territoriale au cours desquelles son «candidat », Maître Mokhtar Ould Daddah, était élu Conseiller territorial de l’Adrar pour Chinguetti puis, le 20 mai, Vice-président du Conseil du Territoire semi autonome ( suite à la fameuse Loi-cadre dite loi Deferre) de la Mauritanie . Il adhéra à son discours d’investiture du 20 mai 1957 au cours duquel Mokhtar prononça, à Saint-louis devant l’assemblée territoriale que présidait son autre ami Sidi El Mokhtar sa phrase historique: « Batissons ensemble la patrie Mauritanienne ».
Khayar était aussi prés de Moctar, quand il lançait à ses compatriotes, en juillet 1957, à partir d’Atar son appel aux habitants du Sahara Occidental, alors, colonie espagnole.
IL faisait partie de ceux qui préparaient pour une meilleure prise en main des destinées du pays,la création du Parti du Regroupement Mauritanien (PRM). Le 28 Novembre 1960, l’indépendance de la République Islamique de Mauritanie était proclamée et fêtée en grande pompe, grâce, en grande partie, à l’engagement patriotique du chef d’escale d’alors Mohamed Ould Khayar et de ses comités (préparation matérielle, tentes, hangars, mobilisation des cavaliers, chameliers, troupes folkloriques, écoliers etc).
Khayar joua, sans l’être institutionnellement, son rôle de futur maire de la ville naissante (projet). Il initiait la construction des médinas, réglait les problèmes fonciers, organisait l’approvisionnement en eau, hébergeait et transportait les hôtes, facilitait les communications .
Le 30 juin 1963, il est élu 1er magistrat de la toute nouvelle capitale du pays. En plus de son rôle de maire de Nouakchott, il occupa plusieurs responsabilités à la tête du PPM dont il fut secrétaire général de la Section de Nouakchott, puis Secrétaire fédéral pour Nouakchott, en 1968, lors du découpage administratif du territoire en Wilayas avec le District de Nouakchott comme crypto wilaya.
Il fut congédié de son poste en juin 1978 à la suite de la décision de révocation des responsables politiques et administratifs qui avaient des participations dans des sociétés à but lucratif. Et quelques jours après, ce fût le coup d’état du 10 Juillet 1978, où d’autres Mauritaniens, en treillis ceux-là, jugèrent être capables d’assurer la relève des pionniers, péres fondateurs du pays.
L’une des premières personnalités que le chef de la junte militaire d’alors, le colonel Moustapha Ould Mohamed Salek, demanda à voir, était Mohamed OULD KHAYAR. Celui-ci, en vacances en Adrar, fut convoyé en vitesse pour donner son avis et dispenser ses précieux conseils à, l’équipe nouvelle. Et il resta incontournable comme de juste jusqu’à son décès en 1986.
Ould Khayar en privé !
Mohamed aimait se chausser galamment de babouches blanches ou jaunes ;Enrouler soigneusement un grand turban blanc ou bleu sur la tête et se draper superbement d’un Kaftan « Mouritane » (chemises à courtes manches, sans col) , un « Sirwal » (seroual en français) bouffant à ceinture en cuir tanné rouge « Kchatt » et un joli boubou toujours neuf. Il avait un goût particulier pour les parfums de marque ainsi que le tabac trempé dans l’ambre liquide et tamisé finement.
Au cours de ses séjours de repos à Atar, Mohamed passait le plus grand de son temps à Kanawal et Kseir Torchane, dans lesquels il s’exerçait, tous les après midi, au tir à la cible ou au jeu de « Dhamet » (damier sur sable). Il ne pouvait cependant manquer, certaines matinées , l’assemblée des amis à Lebreiza, ce haut lieu d’Atar où cohabitaient la résidence émirale, celle de dignitaires religieux et une population diversifiée
Là , il retrouvait la diversité de l’Adrar dans toute sa richesse humaine et politique. Tous, échangeaient dignement et respectueusement, taquineries, insinuations verbales, sagesse, culture populaire, injonctions au patriotisme et au civisme etc. autour du thé, des grillades de brochettes et pain croustillant rouge, que seul savait préparer savamment et distribuer sympathiquement Kaza Ould Beydiya, maître boulanger, plein de verve, de gaîté et de générosité et des plats juteux de cous cous de blé et orge ou des galettes de blé ( les fameuses « ksour ») cuites enfouies en terre ou sur un poêle.
Comme tous les hommes respectables, Ould Khayar avait droit à des louanges et expressions de reconnaissance de la part de certains poètes et surtout les Zawaya de la « Guebla » avec lesquels il s’est, en définitif confondu et fondu pour ce qu’il leur faisait de bien.
Khayar était de la Djemaa, lorsque l’érudit émérite Bouddah Ould El Boussairy prenait le flambeau de l’Imamat de la mosquée « El Atigh » (principale) de Nouakchott.
En tant qu’homme public, on attribuait à Khayar des anecdotes parfois invraisemblables. Il animait les cercles d’amis avec vivacité et humour !
Décédé en 1986, Khayar a laissé après lui, trois filles et un fils unique. Puissent les cadres et Maires d’aujourd’hui, très instruits, propulsés à leur poste par de grands ensembles tribaux, disposant de moyens énormes, bénéficiant des progrès technologiques, ne gérant que des communes à population limitée, tirer leçon et exemple de « El Marhoum« Mohamed Ould Khayar, l’homme qui n’avait pas eu besoin du savoir livresque ni titres ou diplômes pompeux pour être ingénieux, efficace, excellent administrateur et gérant et, pardessus tout, un homme de coeur par la compassion et le courage moral et physique. Que Dieu nous joigne à lui en première classe « El Virdewss« , au sein du Paradis : « Allahouma Amine » ! Et Plus que la dénomination d’une école, il mérite qu’un grand axe routier ou une grande avenue porte son nom. Pour l’Histoire et pour l’équité, c’est là un minimum.
Ely Salem Khayar
source adrar-info.net