Dans les derniers jours de l’année 2017, un événement inédit a eu lieu en Mauritanie. Un chef d’un parti politique a cédé son fauteuil en toute démocratie et en toute transparence.
Son successeur n’est ni son fils biologique ni son cousin germain. Cette transition politique a eu lieu au sein du Rassemblement national pour la réforme et le développement, RNRD, plus connu sous le nom de Tawassoul,, parti d’obedience islamiste qui compte parmi ses alliés les PJD marocain et turques et les frères musulmans d’egypte.
Prisonnier politique sous l’ère Taya, Jemil Mansour a sorti ce parti de la clandestinité au lendemain de la transition démocratique en 2006 et l’a doté d’un mode de fonctionnement moderne. Onze ans plus tard, Tawassoul rivalise avec le parti au pouvoir, l’Union pour la République (UPR), par le nombre de militants et son implantation sur le territoire mauritanien, large comme deux fois la France.
A la différence du parti du président Mohamed Abdel Aziz, la formation islamiste n’a ni postes ni perspectives à promettre à ses disciples en dehors de la promesse d’un retour «modéré», murmure-t-on, dans le droit chemin et le vrai islam. A l’instar de tous les partis islamistes qui font l’actualité du Machrek au Maghreb, le pendant mauritanien du PJD se veut moderne tout en prêchant le rigorisme austère et l’intransigeance en ce qui concerne le statut personnel (héritage, mariage).
Lors du dernier grand débat de société qui a opposé les modernistes et les conservateurs sur le cas d’un blogueur accusé de blasphème, la plupart des figures islamistes avait réclamé la peine de mort. La justice mauritanienne, poussée à bout, a coupé la poire en deux. Un acquittement à reculons pour plaire à l’Occident suivi dès le lendemain d’un inquiétant durcissement de la loi sur le blasphème pour calmer une rue islamisée. Ces arrangements politico-judiciaires semblent renforcer l’impression d’une alliance objective entre le pouvoir et les islamistes en général. Une sorte de pacte de non agression qui profite grandement aux amis de Jemil Mansour.
Le glissement stratégique de Tawassoul, passé d’un membre actif du FNDU (Front de l’opposition démocratique) à membre symbolique de ce regroupement témoigne d’un véritable changement de cap. La désormais deuxième force politique du pays semble avoir, en dix ans,bénéficié largement du boycott des partis progressistes. En cédant l’appareil du parti à un peu plus d’une année des présidentielles de 2019, Jemil Mansour prend de la hauteur pour préparer la grande bataille. L’effondrement du camp progressiste (RFD, UFP) réduit cette échéance à un duel entre l’actuel parti au pouvoir (d’idéologie panarabiste) et les islamistes. C’est en quelque sorte un scénario à l’égyptienne mais à l’envers.