Le Calame : Lors de sa visite en Espagne, le président de la République s’adressant aux expatriés mauritaniens vivant dans ce pays a déclaré que la Mauritanie est un pays très pauvre. Que vous inspire cette sortie ?
M. Mohamed Mahmoud Ould Seyidi : Bismillahi Rahmani Rahim
Permettez-moi tout d'abord, à l'occasion de ce mois béni du Ramadan, de remercier Allah le Tout-Puissant pour ce jeûne purificateur et le prier de nous affranchir du feu de l’enfer, nous mauritaniens ainsi que les musulmans du monde entier.
Je remercie également votre journal « Le Calame », ce titre assidu des titres de la presse indépendante et privé, auquel, tous les mauritaniens sont redevables de remerciements pour ses rôles reconnus dans la révélation de la vérité, l’enracinement du pluralisme et la défense de l'unité nationale.
Concernant votre question, nous considérons les déclarations tenues en Espagne comme étant la constatation tardive d'un fait connu par tous. Toutefois, nous trouvons que les attentes placées par les mauritaniens dans ceux qui sont au pouvoir, sont ces espoirs fondés par tous les peuples sur leurs dirigeants, de gouverner avec justice, de mettre à leur disposition les richesses du pays, qui sont nombreuses, ses énergies qui sont multiples, et sa position, qui est stratégique pour le développement et le bien-être.
Le président a découvert que nous sommes pauvres et c'est vrai, mais il ne nous a pas dit, en dépit de notre richesse, lui qui la connait parfaitement, eu égard à sa place centrale dans les arcanes du système au pouvoir, depuis 17 ans au moins, pourquoi nous sommes des démunis.
J'apprécie la franchise du président dans la reconnaissance des faits, lesquels avaient été toujours considérés comme étant du domaine des surenchères du discours de l’opposition.
Bien que l’aveu est venu tardivement, des questions se posent à lui et il n y a pas mieux que le président pour y répondre.
. Quelles sont les causes directes et indirectes de cette situation ?
. Quel est le travail concret réalisé par vos gouvernements successifs ? Pourquoi vos efforts n'ont pas réussi à surmonter cette situation difficile ?
. Cette incapacité a-t-elle un rapport avec l'échec de la gouvernance ?
. Cette impuissance est-elle corollaire à la propagation de la corruption et au sentiment des corrompus d’être en sécurité ?
. Avez-vous été convaincu, comme nous, de l'échec des programmes sociaux dont vous avez supervisé la mise en place et l’exécution ? Avez-vous élaboré des alternatives efficaces et convaincantes ?
. Nous attendons de vous des actions agissantes, pas des paroles critiques, comme c’est dicté par votre responsabilité et possible grâce à vos larges pouvoirs.
Son discours aurait été important, s'il nous avait dit que nous subissons l’appauvrissement, puisque la corruption et la mauvaise gouvernance nous ont condamné à cela, ce qu’il n’a toutefois pas dit. Je suggère à ce niveau, de lui poser la question : pourquoi nous sommes nécessiteux ?
Au cours d’un meeting à Kiffa, votre parti a déploré l’incapacité du gouvernement d’enrayer la hausse continue des produits vitaux. Avez-vous des craintes de les voir flamber davantage avec la guerre en Ukraine et durant le mois béni du Ramadan ? Qu’espérez-vous du gouvernement ?
La question de la hausse des prix et de l’interaction à leur envolée est l'un des titres qui illustrent le plus, l'irresponsabilité du régime en place face aux problèmes nationaux et le manque de crédibilité des slogans qu'il brandit. Souvenez-vous combien de fois, il a déclaré d’entreprendre, sans passer aux actes, des politiques de réduction des prix, laissant la majorité des citoyens vivant en dessous du seuil de pauvreté, souffrir en silence.
Aujourd'hui, alors que nous nous trouvons dans la première semaine de Ramadan, ce contre lequel nous avons mis en garde, s’est produit. Les prix ont rebondi et devront poursuivre leur ascension plaçant le pauvre citoyen entre les mâchoires des commerçants cupides et des gouvernants irresponsables.
A propos de la flambée des prix, nous avons suivi avec intérêt les promesses officielles alléchantes visant à les stabiliser pendant le mois béni du Ramadan... ce qui ne s'est malheureusement pas produit, conduisant paradoxalement à un résultat inverse, comme dans des cas précédents, lorsque le gouvernement est intervenu plus d'une fois pour réduire en vain les prix, lesquels se sont au contraire enflammés atteignant des niveaux astronomiques.
Ne savez-vous pas que le prix du blé, est passé le jour de déclenchement de la guerre en Europe de 157 000 anciennes ouguiyas la tonne à 190 000 anciennes ouguiyas, avant même que le phénomène de monopole, qui était l’une des raisons les plus importantes de la hausse des prix de 2020. Le monopole précité s’est d’ailleurs élargi en raison de l’amateurisme des autorités officielles, toujours incapables de maitriser la situation.
Savez-vous que l'ancien carton d'huile de cuisine a augmenté de 6000 ouguiyas anciennes d’un seul coup et qu’il tend maintenant vers une augmentation de 100 % ?
Il y avait une commission consultative qui n'a aujourd'hui aucun rôle de veille et de télédétection à jouer pour ce qui concerne l’anticipation et la précaution. Nous sommes en face d’un marché libéral sauvage, ne faisant l’objet d’aucun contrôle, alors que la loi autorise l’État d'intervenir lorsque des situations particulières se présentent, afin d’imposer l’équilibre et la stabilité... ce qui n’a pas eu lieu.
Une intervention rapide pour organiser le marché et le protéger des effets de la spéculation et du monopole quotidien sur le marché est indispensable.
Le prix du lait en poudre "INCO" a enregistré quant à lui une hausse considérable, grimpant de 54 000 à 60 000, le plateau d’œufs est passé à 19 500 anciennes ouguiyas, faisant passer le prix de l’œuf de 50 à 100 anciennes ouguiyas anciennes, soit le double.
Désormais, le principal problème n'est plus seulement les prix élevés, mais aussi l'approvisionnement en biens de consommation, surtout à la lumière de la menace de la crise alimentaire et énergétique, due à la guerre en Europe.
Le processus de dialogues ou de concertations avec le la majorité est presque en panne. A qui la faute ? Ne serez-vous pas prêts comme vous le reproche la majorité ?
Nous prêchons le dialogue comme en témoignent nos prises de position et nos déclarations. Nous avons émis depuis 2 ans un document politique intitulé « « notre vision de la réforme pour un changement consensuel » et établi le diagnostic de la situation du pays et notre vision des solutions à apporter.
Une feuille de route à laquelle avait été convoqué, à l’occasion de l’annonce, tout le spectre politique, afin de s’entendre sur une transition consensuelle.
Ce que nous voyons à Tawassoul et dans l'opposition en général, que nous avons régulièrement réitéré dans des communiqués conjoints avec des coalitions et des partis d'opposition, est que le pouvoir n’est pas sincère dans le dialogue qu’il arbore, puisque c’est lui qui a retardé la nomination de la partie chargée de sa supervision et qui entrave ses réunions. La balle est dans leur camp depuis des mois. Plus, nous les interpellons depuis leur arrivée au pouvoir sur le dialogue, mais ils s’en détournent de ces appels, sous différents motifs, disant parfois qu’on n'a pas une crise qui nécessite des concertations et tantôt, qu’ils veulent des pourparlers sur des thèmes excluant d’autres sujets. Comme vous le voyez, ils tranchent de manière unilatérale les sujets du dialogue, comme dans le découpage administratif, sur la question de l'éducation et enfin pour le dossier du passif humanitaire, soient des questions qui sont toutes au centre de l'agenda supposé du dialogue.
J'en profite au passage pour renouveler notre position au sein de Tawassoul, sur la question du dialogue. Nous trouvons que nous avons besoin d’un dialogue sérieux, n’excluant aucune partie ou sujet. Nous demeurerons attachés à ces doléances. Nous affirmons cela mais nous n’avons pas les outils pour l’imposer. C’est ce qui a fait naitre le doute et le désespoir avec le risque de se trouver face à une crise sécuritaire et sociale, que le dialogue serait incapable de rattraper.
Il ya quelques semaines, la justice a informé de la fin de la période de contrôle judiciaire des personnes impliquées dans le dossier dit de la décennie. Quel avenir envisagez-vous de ce dossier qui a suscité beaucoup de bruits ?
C'est un autre titre du manque de sérieux de l'autorité dans ses slogans. Nous avons été parmi les premiers à exiger une enquête sur la corruption de la décennie et la corruption de l'après-décennie, à sanctionner les corrupteurs et à arrêter leur recyclage.
Mais le résultat regrettable auquel les choses sont arrivées est celui que vous avez évoqué… un constat clair selon lequel l'autorité n'est pas sérieuse dans cette entreprise.
Ceci dit, nous réitérons notre appel sur la gravité de la poursuite de la corruption et l'impunité envers tous les prévaricateurs, nous mettons en garde contre la sélectivité dans la question de la corruption et dans toutes les questions liées à la justice, car cette dernière est une valeur absolue qui n'accepte pas la sélectivité.
Que vous inspire la situation actuelle de l’ancien président Aziz en détention préventive et sous contrôle médical chez lui ? N’avez-vous pas de craintes de voir ce dossier classé sans suite ? Quelles peuvent en être les implications dans la lutte contre la gabegie que le pouvoir agite ?
Notre position est celle que je vous ai détaillée dans la réponse précédente. Nous sommes pour une lutte sérieuse contre toute corruption et la sanction juste et non sélective de tous les responsables trempés dans la gabegie et la mauvaise gestion. Il faut souligner, qu’en parlant de punition équitable, nous savons ce que nous disons, à savoir un procès juste.
L’opposition a salué l’apaisement politique depuis l’élection du président Ghazwani au point qu’on l’a accusée d’en être le complice. Le communiqué publié il y a quelques semaines par l’opposition rejetant sur le pouvoir la responsabilité observée sur le processus du dialogue, de poursuite de la gabegie... est-il venu mettre fin au délai de grâce que l’opposition a accordé au président Ghazwani ?
Nous sommes au sein de Tawassoul, nous avons donné une opportunité. C’est naturel, que tous les partis le fassent, mais il ne s’agissait pas d’une occasion ouverte, ni un chèque en blanc. Nous avons organisé un meeting, 100 jours après l'arrivée du Président au pouvoir et choisi pour ce rassemblement le thème “la réforme qui ne permet plus le report". Nous avons pris des positions fortes et claires sur toutes les violations et disfonctionnements et condamné la répression à Tivirit, Chami, Nouadhibou, Ferallah, Ngawlé, M’Bagne, Néma, Tintane, Bassiknou et R’Kiz.
Nous avons organisé aussi un grand meeting ici à Nouakchott intitulé « la sonnette d’alarme », l’un des plus grands rassemblements tenus par l’opposition.
Nous avons organisé avant le mois béni du Ramadan, des regroupements et des rassemblements au niveau de toutes les capitales des wilayas, au cours desquels, nous avons haussé le ton contre la corruption, l'oppression, l'injustice et la marginalisation. J'ai personnellement fait partie de la mission du parti dans les wilayas du Gorgol et du Guidimakha. Nous avons constaté de nos propres yeux les souffrances des citoyens dans les divers domaines, en particulier la médiocrité des services et l'absence de politiques efficientes pour faire face à la soif et à la faim et dans le domaine de l'agriculture, de l’élevage, de l’état civil, la mainmise de certains influents sur les populations est toujours présente.
Les prochaines élections régionales, législatives et municipales se tiendront en 2023.Comment Tawassoul s’y prépare ? Comment se porte le parti, après le départ de certains de ses cadres depuis la dernière présidentielle ?
Un nombre très limité de personnalités a quitté Tawassoul au cours de différentes périodes. Ce n’est pas la première fois de son histoire que certains s’en vont. Nous respectons la décision des partants et leur souhaitons plein succès dans leurs parcours.
En tant que journalistes avertis très aux fins de l’actualité, vous n’êtes pas sans savoir les larges ralliements que le parti a connu par le passé et connaît actuellement et qui reflètent du coup, l’ampleur de l’affluence sur le projet tawassouliste de toutes les composantes du peuple mauritanien, de toutes les directions et de toutes les wilaya. Je vous rassure et vous informe ainsi que les partisans de Tawassoul, le public de l’opposition et tout le peuple mauritanien, que le parti se porte continuellement bien et ne désemplit guère, avance et ne recule pas, dotée d’une vision claire, une position stable, tout en poursuivant son plan de lutte, celui de la réforme et du changement.
Après le massacre de citoyens mauritaniens au Mali, pensez-vous que la récente visite d’une délégation malienne de haut niveau a réussi à désamorcer la tension entre les deux pays ? Notre pays doit-il s’inquiéter de ce qui se passe au Mali, surtout depuis la présence signalée des mercenaires de Wagner ?
Ce qui s'est passé et s'est reproduit au Mali est très dangereux. Nous l'avons condamné en son temps et attiré l’attention du gouvernement sur la nécessité de travailler avec le régime de Bamako, de sorte à garantir la crédibilité de l’enquête diligentée et de punir les responsables des tueries ainsi qu’à éviter que de telles exactions ne se répètent à l’avenir.
Nous avons déploré le retard pris pour prendre une position à la mesure de l'ampleur du crime, le fait de laisser les parents seuls dans l’expectative, face aux rumeurs sur le sort de leurs fils et souligné, que c’est le fait que les responsables sont préoccupés par la politique et du commerce, qu’ils sont détournés de leur premier devoir, à savoir assurer la sécurité des Mauritaniens et c’est à cause de cet état de fait que nous en sommes arrivés à ce drame.
Que pense Tawassoul de l’école républicaine qu’ambitionne de mettre en place le président Ghazwani ? Comment pourrait-elle contribuer au renforcement de l’unité nationale du pays ?
Nous profitons de l’opportunité qui nous est offerte par votre auguste tribune, pour vous demander où est cette école républicaine que "le pouvoir s'est engagé à créer pour remplacer l'école existante au cours de la première année de l’actuel mandat, alors que nous sommes maintenant à la fin de sa troisième année et personne d'entre eux ne parle plus de l'école républicaine !!" .
Comme je l'ai mentionné plus tôt et avec regret, le régime se dirige unilatéralement vers ce qu'il considère comme étant des réformes dans le domaine de l'éducation, et combien ce dernier a souffert des "réformes unilatérales". ?!!
A propos de l’unité nationale, c’est une question très prioritaire pour Tawassoul.
C'est l'un de nos points fondamentaux de départ et je n’ai pas connaissance, qu’un parti autre que Tawassoul, dispose d’un document détaillé sur la question de l'unité nationale comprenant un diagnostic complet et une vision équilibrée de la solution (Document : La vision de Tawassoul sur l’unité nationale). ! Nous pensons que l’unité nationale avait souffert et souffre encore et que la dernière chose dont elle a besoin est une "nouvelle voie" d'improvisation et d’achats de conscience !
Dans le processus de dialogue, l’institution de l’opposition démocratique présidée par votre parti est presque ignorée. Qu’en pensez-vous ?
Une fois de plus, vous soulevez une question dont la réponse appelle à tenter de comprendre juste d’où vient le défaut le plus important du pouvoir en place, à savoir l'écart entre rhétorique et réalité, entre les paroles et les actes. Savez-vous que sous un pouvoir considérant l'ouverture et la quête de l’apaisement ses caractéristiques les plus importantes, ce dernier n’a pas reçu le chef de file de l'opposition démocratique, une seule fois, alors que la loi stipule, qu’il soit reçu régulièrement tous les trois mois par le président. Ce qui traduit une volonté claire de marginalisation et de dépassement !
La volonté est claire et évidente de contourner et de marginaliser toute opposition, en premier l'institution d'opposition. Celui qui marginalise une institution chargée par le législateur de missions spécifiques ne s'occupera pas de moins qu’elle.
En dépit de la flambée des prix, de la précarité de nombreuses familles du chômage, du blocage du dialogue, l'opposition n'appelle plus à manifester. A-t-elle perdu la voix ?
L'opposition reprend des niveaux de coordination dont il faut reconnaître qu'ils sont encore en deçà du niveau requis par les défis. Nous au sein de Tawassoul, nous sommes soucieux d'accélérer la coordination et de la redynamiser afin de s’acquitter au mieux de notre devoir.
Nous l'avons dit à maintes reprises et nous le réaffirmons maintenant. Ce qui s'est passé ces derniers mois à Chami, Tintane, Bassiknou et R’Kiz est un message adressé à tous au pouvoir et à l'opposition dont la teneur : ne testez pas la fin de la patience des citoyens.
-Le président Ghazwani vient de former son troisième gouvernement. Que vous inspire cette nouvelle équipe?
Il est plus que normal, pour le président qui avait fait le procès de son équipe gouvernementale, l’indexant de fiasco, de procéder à son changement. Mais, la montagne a accouché d’une souris au terme de longs mois de gestation, aboutissant au renouvellement de confiance dans les éléments les plus importants de cette équipe etle lancement d'un bouquet de nouvelles promesses, auxquelles l’absence de l’environnement approprié enlève toute crédibilité a fortiori toute chance de devenir un jour une réalité vécue.
Les mauritaniens veulent que ce pouvoir fasse des pas réels et sérieux dans le domaine des réformes, qui font chaque fois l’objet de paris de certains citoyens, convaincus qu’elles n’interviendront pas, avant que les décisions et les politiques de mise en œuvre sur le terrain ne viennent renforcer leurs convictions et consolident la frustration.
Je ne risque rien en vous disant que le mot frustration a été le vocable le plus fréquent chez les mauritaniens au cours de ces derniers mois.
Nous implorons Allah de protéger notre pays et de lui accorder une bonne gouvernance érigeant l’équité en système.
Merci une nouvelle fois.
Propos recueillis par Dalay Lam
lecalame
M. Mohamed Mahmoud Ould Seyidi : Bismillahi Rahmani Rahim
Permettez-moi tout d'abord, à l'occasion de ce mois béni du Ramadan, de remercier Allah le Tout-Puissant pour ce jeûne purificateur et le prier de nous affranchir du feu de l’enfer, nous mauritaniens ainsi que les musulmans du monde entier.
Je remercie également votre journal « Le Calame », ce titre assidu des titres de la presse indépendante et privé, auquel, tous les mauritaniens sont redevables de remerciements pour ses rôles reconnus dans la révélation de la vérité, l’enracinement du pluralisme et la défense de l'unité nationale.
Concernant votre question, nous considérons les déclarations tenues en Espagne comme étant la constatation tardive d'un fait connu par tous. Toutefois, nous trouvons que les attentes placées par les mauritaniens dans ceux qui sont au pouvoir, sont ces espoirs fondés par tous les peuples sur leurs dirigeants, de gouverner avec justice, de mettre à leur disposition les richesses du pays, qui sont nombreuses, ses énergies qui sont multiples, et sa position, qui est stratégique pour le développement et le bien-être.
Le président a découvert que nous sommes pauvres et c'est vrai, mais il ne nous a pas dit, en dépit de notre richesse, lui qui la connait parfaitement, eu égard à sa place centrale dans les arcanes du système au pouvoir, depuis 17 ans au moins, pourquoi nous sommes des démunis.
J'apprécie la franchise du président dans la reconnaissance des faits, lesquels avaient été toujours considérés comme étant du domaine des surenchères du discours de l’opposition.
Bien que l’aveu est venu tardivement, des questions se posent à lui et il n y a pas mieux que le président pour y répondre.
. Quelles sont les causes directes et indirectes de cette situation ?
. Quel est le travail concret réalisé par vos gouvernements successifs ? Pourquoi vos efforts n'ont pas réussi à surmonter cette situation difficile ?
. Cette incapacité a-t-elle un rapport avec l'échec de la gouvernance ?
. Cette impuissance est-elle corollaire à la propagation de la corruption et au sentiment des corrompus d’être en sécurité ?
. Avez-vous été convaincu, comme nous, de l'échec des programmes sociaux dont vous avez supervisé la mise en place et l’exécution ? Avez-vous élaboré des alternatives efficaces et convaincantes ?
. Nous attendons de vous des actions agissantes, pas des paroles critiques, comme c’est dicté par votre responsabilité et possible grâce à vos larges pouvoirs.
Son discours aurait été important, s'il nous avait dit que nous subissons l’appauvrissement, puisque la corruption et la mauvaise gouvernance nous ont condamné à cela, ce qu’il n’a toutefois pas dit. Je suggère à ce niveau, de lui poser la question : pourquoi nous sommes nécessiteux ?
Au cours d’un meeting à Kiffa, votre parti a déploré l’incapacité du gouvernement d’enrayer la hausse continue des produits vitaux. Avez-vous des craintes de les voir flamber davantage avec la guerre en Ukraine et durant le mois béni du Ramadan ? Qu’espérez-vous du gouvernement ?
La question de la hausse des prix et de l’interaction à leur envolée est l'un des titres qui illustrent le plus, l'irresponsabilité du régime en place face aux problèmes nationaux et le manque de crédibilité des slogans qu'il brandit. Souvenez-vous combien de fois, il a déclaré d’entreprendre, sans passer aux actes, des politiques de réduction des prix, laissant la majorité des citoyens vivant en dessous du seuil de pauvreté, souffrir en silence.
Aujourd'hui, alors que nous nous trouvons dans la première semaine de Ramadan, ce contre lequel nous avons mis en garde, s’est produit. Les prix ont rebondi et devront poursuivre leur ascension plaçant le pauvre citoyen entre les mâchoires des commerçants cupides et des gouvernants irresponsables.
A propos de la flambée des prix, nous avons suivi avec intérêt les promesses officielles alléchantes visant à les stabiliser pendant le mois béni du Ramadan... ce qui ne s'est malheureusement pas produit, conduisant paradoxalement à un résultat inverse, comme dans des cas précédents, lorsque le gouvernement est intervenu plus d'une fois pour réduire en vain les prix, lesquels se sont au contraire enflammés atteignant des niveaux astronomiques.
Ne savez-vous pas que le prix du blé, est passé le jour de déclenchement de la guerre en Europe de 157 000 anciennes ouguiyas la tonne à 190 000 anciennes ouguiyas, avant même que le phénomène de monopole, qui était l’une des raisons les plus importantes de la hausse des prix de 2020. Le monopole précité s’est d’ailleurs élargi en raison de l’amateurisme des autorités officielles, toujours incapables de maitriser la situation.
Savez-vous que l'ancien carton d'huile de cuisine a augmenté de 6000 ouguiyas anciennes d’un seul coup et qu’il tend maintenant vers une augmentation de 100 % ?
Il y avait une commission consultative qui n'a aujourd'hui aucun rôle de veille et de télédétection à jouer pour ce qui concerne l’anticipation et la précaution. Nous sommes en face d’un marché libéral sauvage, ne faisant l’objet d’aucun contrôle, alors que la loi autorise l’État d'intervenir lorsque des situations particulières se présentent, afin d’imposer l’équilibre et la stabilité... ce qui n’a pas eu lieu.
Une intervention rapide pour organiser le marché et le protéger des effets de la spéculation et du monopole quotidien sur le marché est indispensable.
Le prix du lait en poudre "INCO" a enregistré quant à lui une hausse considérable, grimpant de 54 000 à 60 000, le plateau d’œufs est passé à 19 500 anciennes ouguiyas, faisant passer le prix de l’œuf de 50 à 100 anciennes ouguiyas anciennes, soit le double.
Désormais, le principal problème n'est plus seulement les prix élevés, mais aussi l'approvisionnement en biens de consommation, surtout à la lumière de la menace de la crise alimentaire et énergétique, due à la guerre en Europe.
Le processus de dialogues ou de concertations avec le la majorité est presque en panne. A qui la faute ? Ne serez-vous pas prêts comme vous le reproche la majorité ?
Nous prêchons le dialogue comme en témoignent nos prises de position et nos déclarations. Nous avons émis depuis 2 ans un document politique intitulé « « notre vision de la réforme pour un changement consensuel » et établi le diagnostic de la situation du pays et notre vision des solutions à apporter.
Une feuille de route à laquelle avait été convoqué, à l’occasion de l’annonce, tout le spectre politique, afin de s’entendre sur une transition consensuelle.
Ce que nous voyons à Tawassoul et dans l'opposition en général, que nous avons régulièrement réitéré dans des communiqués conjoints avec des coalitions et des partis d'opposition, est que le pouvoir n’est pas sincère dans le dialogue qu’il arbore, puisque c’est lui qui a retardé la nomination de la partie chargée de sa supervision et qui entrave ses réunions. La balle est dans leur camp depuis des mois. Plus, nous les interpellons depuis leur arrivée au pouvoir sur le dialogue, mais ils s’en détournent de ces appels, sous différents motifs, disant parfois qu’on n'a pas une crise qui nécessite des concertations et tantôt, qu’ils veulent des pourparlers sur des thèmes excluant d’autres sujets. Comme vous le voyez, ils tranchent de manière unilatérale les sujets du dialogue, comme dans le découpage administratif, sur la question de l'éducation et enfin pour le dossier du passif humanitaire, soient des questions qui sont toutes au centre de l'agenda supposé du dialogue.
J'en profite au passage pour renouveler notre position au sein de Tawassoul, sur la question du dialogue. Nous trouvons que nous avons besoin d’un dialogue sérieux, n’excluant aucune partie ou sujet. Nous demeurerons attachés à ces doléances. Nous affirmons cela mais nous n’avons pas les outils pour l’imposer. C’est ce qui a fait naitre le doute et le désespoir avec le risque de se trouver face à une crise sécuritaire et sociale, que le dialogue serait incapable de rattraper.
Il ya quelques semaines, la justice a informé de la fin de la période de contrôle judiciaire des personnes impliquées dans le dossier dit de la décennie. Quel avenir envisagez-vous de ce dossier qui a suscité beaucoup de bruits ?
C'est un autre titre du manque de sérieux de l'autorité dans ses slogans. Nous avons été parmi les premiers à exiger une enquête sur la corruption de la décennie et la corruption de l'après-décennie, à sanctionner les corrupteurs et à arrêter leur recyclage.
Mais le résultat regrettable auquel les choses sont arrivées est celui que vous avez évoqué… un constat clair selon lequel l'autorité n'est pas sérieuse dans cette entreprise.
Ceci dit, nous réitérons notre appel sur la gravité de la poursuite de la corruption et l'impunité envers tous les prévaricateurs, nous mettons en garde contre la sélectivité dans la question de la corruption et dans toutes les questions liées à la justice, car cette dernière est une valeur absolue qui n'accepte pas la sélectivité.
Que vous inspire la situation actuelle de l’ancien président Aziz en détention préventive et sous contrôle médical chez lui ? N’avez-vous pas de craintes de voir ce dossier classé sans suite ? Quelles peuvent en être les implications dans la lutte contre la gabegie que le pouvoir agite ?
Notre position est celle que je vous ai détaillée dans la réponse précédente. Nous sommes pour une lutte sérieuse contre toute corruption et la sanction juste et non sélective de tous les responsables trempés dans la gabegie et la mauvaise gestion. Il faut souligner, qu’en parlant de punition équitable, nous savons ce que nous disons, à savoir un procès juste.
L’opposition a salué l’apaisement politique depuis l’élection du président Ghazwani au point qu’on l’a accusée d’en être le complice. Le communiqué publié il y a quelques semaines par l’opposition rejetant sur le pouvoir la responsabilité observée sur le processus du dialogue, de poursuite de la gabegie... est-il venu mettre fin au délai de grâce que l’opposition a accordé au président Ghazwani ?
Nous sommes au sein de Tawassoul, nous avons donné une opportunité. C’est naturel, que tous les partis le fassent, mais il ne s’agissait pas d’une occasion ouverte, ni un chèque en blanc. Nous avons organisé un meeting, 100 jours après l'arrivée du Président au pouvoir et choisi pour ce rassemblement le thème “la réforme qui ne permet plus le report". Nous avons pris des positions fortes et claires sur toutes les violations et disfonctionnements et condamné la répression à Tivirit, Chami, Nouadhibou, Ferallah, Ngawlé, M’Bagne, Néma, Tintane, Bassiknou et R’Kiz.
Nous avons organisé aussi un grand meeting ici à Nouakchott intitulé « la sonnette d’alarme », l’un des plus grands rassemblements tenus par l’opposition.
Nous avons organisé avant le mois béni du Ramadan, des regroupements et des rassemblements au niveau de toutes les capitales des wilayas, au cours desquels, nous avons haussé le ton contre la corruption, l'oppression, l'injustice et la marginalisation. J'ai personnellement fait partie de la mission du parti dans les wilayas du Gorgol et du Guidimakha. Nous avons constaté de nos propres yeux les souffrances des citoyens dans les divers domaines, en particulier la médiocrité des services et l'absence de politiques efficientes pour faire face à la soif et à la faim et dans le domaine de l'agriculture, de l’élevage, de l’état civil, la mainmise de certains influents sur les populations est toujours présente.
Les prochaines élections régionales, législatives et municipales se tiendront en 2023.Comment Tawassoul s’y prépare ? Comment se porte le parti, après le départ de certains de ses cadres depuis la dernière présidentielle ?
Un nombre très limité de personnalités a quitté Tawassoul au cours de différentes périodes. Ce n’est pas la première fois de son histoire que certains s’en vont. Nous respectons la décision des partants et leur souhaitons plein succès dans leurs parcours.
En tant que journalistes avertis très aux fins de l’actualité, vous n’êtes pas sans savoir les larges ralliements que le parti a connu par le passé et connaît actuellement et qui reflètent du coup, l’ampleur de l’affluence sur le projet tawassouliste de toutes les composantes du peuple mauritanien, de toutes les directions et de toutes les wilaya. Je vous rassure et vous informe ainsi que les partisans de Tawassoul, le public de l’opposition et tout le peuple mauritanien, que le parti se porte continuellement bien et ne désemplit guère, avance et ne recule pas, dotée d’une vision claire, une position stable, tout en poursuivant son plan de lutte, celui de la réforme et du changement.
Après le massacre de citoyens mauritaniens au Mali, pensez-vous que la récente visite d’une délégation malienne de haut niveau a réussi à désamorcer la tension entre les deux pays ? Notre pays doit-il s’inquiéter de ce qui se passe au Mali, surtout depuis la présence signalée des mercenaires de Wagner ?
Ce qui s'est passé et s'est reproduit au Mali est très dangereux. Nous l'avons condamné en son temps et attiré l’attention du gouvernement sur la nécessité de travailler avec le régime de Bamako, de sorte à garantir la crédibilité de l’enquête diligentée et de punir les responsables des tueries ainsi qu’à éviter que de telles exactions ne se répètent à l’avenir.
Nous avons déploré le retard pris pour prendre une position à la mesure de l'ampleur du crime, le fait de laisser les parents seuls dans l’expectative, face aux rumeurs sur le sort de leurs fils et souligné, que c’est le fait que les responsables sont préoccupés par la politique et du commerce, qu’ils sont détournés de leur premier devoir, à savoir assurer la sécurité des Mauritaniens et c’est à cause de cet état de fait que nous en sommes arrivés à ce drame.
Que pense Tawassoul de l’école républicaine qu’ambitionne de mettre en place le président Ghazwani ? Comment pourrait-elle contribuer au renforcement de l’unité nationale du pays ?
Nous profitons de l’opportunité qui nous est offerte par votre auguste tribune, pour vous demander où est cette école républicaine que "le pouvoir s'est engagé à créer pour remplacer l'école existante au cours de la première année de l’actuel mandat, alors que nous sommes maintenant à la fin de sa troisième année et personne d'entre eux ne parle plus de l'école républicaine !!" .
Comme je l'ai mentionné plus tôt et avec regret, le régime se dirige unilatéralement vers ce qu'il considère comme étant des réformes dans le domaine de l'éducation, et combien ce dernier a souffert des "réformes unilatérales". ?!!
A propos de l’unité nationale, c’est une question très prioritaire pour Tawassoul.
C'est l'un de nos points fondamentaux de départ et je n’ai pas connaissance, qu’un parti autre que Tawassoul, dispose d’un document détaillé sur la question de l'unité nationale comprenant un diagnostic complet et une vision équilibrée de la solution (Document : La vision de Tawassoul sur l’unité nationale). ! Nous pensons que l’unité nationale avait souffert et souffre encore et que la dernière chose dont elle a besoin est une "nouvelle voie" d'improvisation et d’achats de conscience !
Dans le processus de dialogue, l’institution de l’opposition démocratique présidée par votre parti est presque ignorée. Qu’en pensez-vous ?
Une fois de plus, vous soulevez une question dont la réponse appelle à tenter de comprendre juste d’où vient le défaut le plus important du pouvoir en place, à savoir l'écart entre rhétorique et réalité, entre les paroles et les actes. Savez-vous que sous un pouvoir considérant l'ouverture et la quête de l’apaisement ses caractéristiques les plus importantes, ce dernier n’a pas reçu le chef de file de l'opposition démocratique, une seule fois, alors que la loi stipule, qu’il soit reçu régulièrement tous les trois mois par le président. Ce qui traduit une volonté claire de marginalisation et de dépassement !
La volonté est claire et évidente de contourner et de marginaliser toute opposition, en premier l'institution d'opposition. Celui qui marginalise une institution chargée par le législateur de missions spécifiques ne s'occupera pas de moins qu’elle.
En dépit de la flambée des prix, de la précarité de nombreuses familles du chômage, du blocage du dialogue, l'opposition n'appelle plus à manifester. A-t-elle perdu la voix ?
L'opposition reprend des niveaux de coordination dont il faut reconnaître qu'ils sont encore en deçà du niveau requis par les défis. Nous au sein de Tawassoul, nous sommes soucieux d'accélérer la coordination et de la redynamiser afin de s’acquitter au mieux de notre devoir.
Nous l'avons dit à maintes reprises et nous le réaffirmons maintenant. Ce qui s'est passé ces derniers mois à Chami, Tintane, Bassiknou et R’Kiz est un message adressé à tous au pouvoir et à l'opposition dont la teneur : ne testez pas la fin de la patience des citoyens.
-Le président Ghazwani vient de former son troisième gouvernement. Que vous inspire cette nouvelle équipe?
Il est plus que normal, pour le président qui avait fait le procès de son équipe gouvernementale, l’indexant de fiasco, de procéder à son changement. Mais, la montagne a accouché d’une souris au terme de longs mois de gestation, aboutissant au renouvellement de confiance dans les éléments les plus importants de cette équipe etle lancement d'un bouquet de nouvelles promesses, auxquelles l’absence de l’environnement approprié enlève toute crédibilité a fortiori toute chance de devenir un jour une réalité vécue.
Les mauritaniens veulent que ce pouvoir fasse des pas réels et sérieux dans le domaine des réformes, qui font chaque fois l’objet de paris de certains citoyens, convaincus qu’elles n’interviendront pas, avant que les décisions et les politiques de mise en œuvre sur le terrain ne viennent renforcer leurs convictions et consolident la frustration.
Je ne risque rien en vous disant que le mot frustration a été le vocable le plus fréquent chez les mauritaniens au cours de ces derniers mois.
Nous implorons Allah de protéger notre pays et de lui accorder une bonne gouvernance érigeant l’équité en système.
Merci une nouvelle fois.
Propos recueillis par Dalay Lam
lecalame