La défense a toujours soulevé que le procès intenté à l’ancien président de la République ne visait pas à faire la lumière sur la gouvernance de la décennie, mais à priver l’ancien président de toute forme de liberté, même s’il fallait pour cela, que les institutions de la République soient mises à terre ; au fur et à mesure de l’évolution de la procédure, les violations des droits de Mohamed ould Abdel Aziz n’ont cessé de s’accumuler, pour devenir de véritables voies de fait ; il cumule à ce jour trois années de détention, bien que n’ayant jamais été condamné sur la base d’une quelconque décision judiciaire revêtue de l’autorité de la chose jugée.
Le caractère arbitraire de la détention de l’ancien président résulte suffisamment du fait qu’ayant interjeté appel de la décision rendue à ses dépens en première instance par la cour criminelle, on l’ait tout de même reconduit de céans dans son lieu de détention, alors que l’appel a un caractère suspensif au vu du prononcé de la décision intervenue, qui ne fait état de la délivrance d’aucun mandat de dépôt, contre l’intéressé.
Si une décision de condamnation intervient au premier degré en matière pénale, le tribunal a la faculté de prononcer un mandat de dépôt contre le condamné, et dans ces conditions, l’appel n’a pas d’effet suspensif ; si par contre la condamnation n’est pas assortie d’un mandat de dépôt, l’appel interjeté par le condamné a un effet suspensif, et dans ces conditions, la décision est considérée comme anéantie, en attendant que la cour d’appel se prononce ; or bien que la décision intervenue à ses dépens en première instance ne soit pas assortie d’un mandat de dépôt, et qu’elle ait fait l’objet d’un appel, l’ancien président a été tout de même reconduit dans son lieu de détention.
Isolement total
On ne cessera jamais de dénoncer, que dans son lieu de détention, il ne soit pas traité avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine, qu’il soit maintenu en isolement total, en violation de l’article 15 de l’ensemble des principes des Nations- Unies pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, qui stipule que « la communication de la personne détenue ou emprisonnée* avec le monde extérieur, en particulier avec sa famille ou son conseil, ne peut être refusée pendant plus de quelques jours » ; que reclus dans son lieu de détention, il y est privé de tout accès aux rayons du soleil , et d’autres droits fondamentaux dont notamment le droit aux soins.
Il s’ensuit une dégradation constante de son état physique, atteint qu’il est, comme le souligne le dernier rapport médical d’il y a six mois, d’une « arthrose du genou gauche invalidante en poussées rapprochées, nécessitant l’implantation d’une prothèse du genou indispensable à la prévention secondaire de sa pathologie coronarienne », pathologie coronarienne que les conditions inhumaines et dégradantes de sa détention ne font qu’aggraver, l’exposant à tout moment à des complications cardiaques, outre une thyroïde apparue après le rapport médical, et dont les effets sur son système respiratoire viennent aggraver son invalidité.
Sans égard pour son état de santé, et des douleurs nocturnes qui l’assaillent, et malgré les alertes répétées que n’a cessé de lancer sa défense à ce sujet, par toutes sortes de requêtes adressées aux autorités judiciaires et administratives, la cour d’appel lui a tout de même, sans jamais s’enquérir de sa santé, ordonné de comparaître pour se faire entendre sur les faits qui lui sont fallacieusement reprochés.
Un supplice ou une audition ?
A sa troisième comparution, en date du lundi 23 décembre, l’ancien président de la République expliqua que son état de santé s’était aggravé, et qu’il n’avait pu dormir la veille, ce à quoi, le président de la cour rétorqua avec une autorité teintée de mépris : « Répondez, répondez aux questions que je vous pose » ; c’est alors que la défense intervint pour mettre fin à ce qui ressemblait beaucoup plus à un supplice qu’à une audition, et devant l’indifférence de la cour à leurs argumentations, et son insistance à poursuivre l’audition de l’ancien président, les avocats se retirèrent de la salle d’audience.
Ils apprirent par la suite que l’audition de l’ancien président a été suspendue, avant sa reconduction à son lieu de détention, la cour d’appel ayant poursuivi l’instruction avec les autres prévenus, en son absence, violant de la sorte la règle du contradictoire, celle de l’équité et de l’équilibre des parties !
Il appartenait à la cour d’appel, au vu de la déclaration de l’ancien président de la République sur son état de santé, de suspendre l’audience, et de faire diligence pour lui prodiguer des soins plutôt que de le renvoyer en prison, en violation de l’obligation de lui porter assistance, violation prévue et incriminé par l’article 57 du code pénal qui punit d’un emprisonnement allant d’un mois à trois ans, quiconque s’abstient volontairement de porter assistance à une personne en péril, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.
La cour d’appel viole également l’article 58 du code de procédure pénale ainsi énoncé : « Toute personne privée de liberté en vertu d’une arrestation ou détention, ou toutes autres formes de privation de liberté, doit être traitée conformément à la dignité humaine. Il est interdit de la maltraiter moralement ou physiquement…… ».
La cour d’appel viole aussi l’article 376 du code de procédure pénale qui lui fait obligation de différer le jugement de l’affaire, chaque fois que le prévenu ne peut, en raison de son état de santé, comparaître, à moins qu’il n’existe des raisons graves de ne pas suspendre l’audience.
Le maintien en détention de l’ancien président est incompatible avec son état de santé ; il est impératif de lui accorder une liberté provisoire, et de le mettre en condition d’aller se faire soigner dans un centre de référence, en Europe, comme le suggère le rapport médical ci-dessus évoqué dans ses conclusions qui privilégient à toute autre solution : « le transfert du patient dans un Centre de référence dans la chirurgie du genou, idéalement en Europe pour bénéficier d’une prise en charge optimale, et dans les meilleurs délais » .
Toute autre mesure ne tendrait qu’à aggraver l’état de santé de l’ancien président de manière attentatoire à son intégrité physique, tout en constituant une violation supplémentaire de ses droits fondamentaux.
*Avocat à la Cour.
*Ancien membre du Conseil de l’Ordre.
*Membre du collectif de défense de l’ancien président Mohamed ould Abdel Aziz.
*Le maintien en détention est une privation de la liberté en dehors de toute décision judiciaire définitive.
*L’emprisonnement résulte d’une décision judiciaire définitive privative de liberté.
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