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un grain de sable pour secouer la poussière...

Hiérarchisation des priorités : Doit-on revoir l’affectation des 50 milliards d’ouguiyas pour la modernisation de la capitale ? Par Moussa Hormat-Allah*

Vendredi 17 Janvier 2025 - 21:44

La mobilisation des 50 milliards d’ouguiyas pour la modernisation et l'embellissement de Nouakchott est une initiative fort louable. La capitale répondra ainsi aux standards des grandes métropoles modernes.

Toutefois, une question se pose : Ce vaste programme de rénovation de la capitale, revêtait-il un caractère d’urgence absolue ? Si on excepte la construction de quelques écoles et l’acheminement de l’eau potable dans certains quartiers périphériques, la réalisation de ce programme pourra être différée et le budget colossal qui lui est alloué, affecté ailleurs. On verra, plus loin, comment ?

Sans oublier que malgré la vigilance du président de la République, dont le souci premier est l'intérêt général, la transparence, notamment, dans l'attribution des marchés et la fiabilité technique de l'exécution des réalisations, à tous les échelons, ne seront pas, in fine, garanties.

 

1. Les différentes étapes du projet proposé

 

En revanche, cette énorme masse d’argent pourra être investie dans le cadre d’un montage financier dans des projets structurants qui, à plus ou moins court terme, pourront métamorphoser l'économie nationale. Avec à la clé d'énormes revenus financiers pour l’Etat, la création de beaucoup d’emplois directs et indirects et une nette et pérenne amélioration du niveau de vie de la population. De quoi s’agit-il ?

Il s’agit de créer un complexe sidérurgique de taille moyenne au port de Ndiago. Ce port stratégique est, pour le moment, largement sous-exploité. Ce complexe sidérurgique nécessite deux choses : un minerai de fer et une source d'énergie fiable. Or, notre pays dispose, désormais, de ces deux composantes : la quantité de fer nécessaire pourra être acheminée par bateau de Nouadhibou et le gaz acheminé de l'unité flottante qui traitera et liquéfiera le gaz avant son transport. Cette unité est située à 15 km du port de Ndiago.

 

De sérieuses hypothèques pèsent sur l’exportation du gaz

 

Le temps d’exporter les matières premières à l'état brut est révolu. Désormais, chaque fois que c'est possible, on les transforme sur place. Cette valeur ajoutée décuple leurs prix. Ce constat est valable pour le minerai de fer, comme pour le gaz.

Le gaz liquéfié est un moyen pour permettre son transport par les méthaniers. Que le gaz soit à l'état naturel ou liquéfié, il n’aura plus, dans un avenir proche, comme du reste les autres sources d'énergie fossile pétrole et charbon, l’importance qu’il avait naguère. Aujourd’hui l’offre est beaucoup plus importante que la demande. Les sources d'approvisionnement en gaz sont devenues très nombreuses : Etats-Unis (premier producteur mondial), Russie, Australie, Qatar, Iran, Kazakhstan, Algérie et bien d’autres producteurs en Afrique et en Asie.

Ce recul du marché du gaz est dû, notamment, à des contraintes environnementales devenues incontournables et son remplacement progressif par la profusion des énergies renouvelables qui représentent, désormais, près de 40% de la production mondiale d'énergie.

Dès lors, tout laisse penser que cette baisse constante du prix du gaz va continuer à décliner. D’autant que les grandes compagnies d’hydrocarbures sont de plus en plus réticentes aux forages off-shore. Cette exploitation en eau profonde (3000 mètres) pour les gisements gaziers mauritaniens est très compliquée et très coûteuse. Seules BP et Exxon mobil maîtrisent complètement cette technologie où seuls les robots font le travail à de telles profondeurs.

C’est dire que le gaz mauritanien devra, en toute bonne logique, servir d’abord à l'industrialisation du pays.

 

Créer un hub économique stratégique

 

Le complexe sidérurgique de Ndiago produira de l’acier avec, à côté, une unité pour le fer à béton.

Pour information, le prix de la tonne de fer varie, selon les fluctuations du marché, entre 80 et 100 dollars américains. En revanche, celui de la tonne d’acier coûte environ 10 fois plus. Son prix se situe entre 800 et 1000 dollars la tonne.

Un complexe sidérurgique de taille moyenne comme celui envisagé à Ndiago aura une production qui varie entre 1 et 3 millions de tonnes d’acier par an. La consommation de la Mauritanie en fer se décompose comme suit : acier : 60.000 t/an, fer à béton : 120.000 t/an. Or, au bas mot, le complexe sidérurgique de Ndiago produira 1.5 millions de tonnes d’acier par an. Notre pays pourra alors exporter le reste de la production, c’est-à-dire sa quasi-totalité.

Le coût de la construction du futur complexe sidérurgique de Ndiago varie entre 500 millions et 1.5 milliard de dollars américains. Ce coût inclut les équipements, les infrastructures et l’installation.

La durée de la construction de ce complexe est comprise entre 24 et 48 mois. Soit 2 à 4 ans. Entre la fourchette basse et la fourchette haute, on arrive à 36 mois, soit 3 ans.

Avec le complexe sidérurgique de Ndiago, la Mauritanie pourrait approvisionner en acier, en grande partie, les pays de l’Afrique de l’Ouest du Nigeria au Mali. Les besoins en acier de ces pays qui ne disposent pas de complexes sidérurgiques sont estimés à plus de 10 millions de tonnes d’acier par an. On verra, plus loin, le montage financier pour la construction, clé en main, de ce pôle industriel de Ndiago.

Une remarque : L'absence de toute énergie fiable, malgré l’abondance du minerai de fer, rend, pour le moment, quasi impossible la construction d’un complexe sidérurgique à Nouadhibou. Sauf, à vouloir acheminer par gazoduc, le gaz sur une distance de plusieurs centaines de kilomètres du gisement gazier de Grand Tortue/Ahmeyin à la capitale économique, ce qui, vu le coût exorbitant de cette opération, est totalement inenvisageable. C’est pourquoi, à défaut d'amener le gaz à Nouadhibou, on va amener le fer (par bateau) à Ndiago.

Comme on le verra dans les développements qui vont suivre, l’essentiel du financement du pôle industriel de Ndiago sera assuré par un financement national. Dès lors, l’Etat pourra bénéficier de retombées financières conséquentes, contrairement aux accords de partage de production du gaz où la Mauritanie à la portion congrue 7% : un pourcentage symbolique alors que les sociétés étrangères s’accaparent plus que la part du lion.

Ce type de contrat a un nom en droit : contrat d'adhésion dont toutes les clauses sont imposées d’avance par l’un des contractants, sans pouvoir être véritablement discutées par l’autre. À prendre ou à laisser. En prenant l’avion ou le train, on souscrit, tacitement, ce type de contrat avec le transporteur.

Non seulement, il s’agit de contrats léonins mais plus frustrant encore, BP, au moment de l’exploitation, a, comme par enchantement, réduit de façon drastique les modestes revenus financiers de la Mauritanie sous le prétexte fallacieux d’avoir triplé ses investissements dans le gisement gazier passant, selon elle, de 3 à 9 milliards de dollars.

Le président de la République s’est impliqué personnellement pour corriger les effets de ce qu’on peut, juridiquement, qualifier de dol. Le gouvernement mauritanien pourra signer un avenant au contrat de production pour permettre à la Mauritanie de puiser directement une partie du gaz qui lui revient pour disposer d’une source d'énergie pour son industrialisation, notamment, pour le complexe sidérurgique de Ndiago.

Cette parenthèse refermée, revenons à la production du complexe de Ndiago.

Pour illustrer cette nouvelle donne, si on considère la fourchette basse de la future production d’acier du complexe de Ndiago, la Mauritanie pourra exporter 1 million de tonnes d’acier, par an. Au prix plancher de 800 dollars américains la tonne, cela nous donne 800 millions de dollars.

Un autre volet du futur pôle industriel de Ndiago : l’exploitation des gisements de phosphate de Bofal, situés seulement à 25 km de Boghé. On pourra ainsi construire un complexe pour la production de produits dérivés des phosphates, notamment, les engrais dont la demande est très forte dans toute la sous-région. Ces engrais seront acheminés par cabotage le long du fleuve vers le port de Ndiago pour leur exportation.

Le prix d’une usine de production de produits dérivés des phosphates, notamment, d’engrais, avec une capacité variant entre 200.000 et 1 million de tonnes par an est estimé entre 160 à 300 millions de dollars américains.

Le prix mondial des engrais azotés avoisine les 400 dollars la tonne. Si on considère une fourchette moyenne de production de seulement 500.000 tonnes par an au prix de 400 dollars la tonne, cela donne 200 millions de dollars. Il faut préciser que cette fourchette ne concerne pas les autres produits dérivés des phosphates.

Pour compléter ce complexe industriel intégré de Ndiago, on pourra construire une centrale électrique de taille moyenne fonctionnant avec le gaz naturel qui pourra alimenter en électricité les régions enclavées.

 

* Capacité : 300 à 500 MW

* Cout total : 150 à 500 millions de dollars

* Avantage : faible coût initial, efficacité élevée

 

Les trois projets évoqués plus haut, à savoir le complexe sidérurgique de Ndiago, l’usine de production des produits dérivés des phosphates et la construction d’une centrale électrique fonctionnant avec le gaz naturel devront, le moment venu, faire l’objet d’un appel d’offres international.

Si ces projets venaient à voir le jour, ils constitueront le fer de lance d’une industrialisation de la Mauritanie.

 

Mise en valeur agricole optimale de la Vallée du fleuve

 

Enfin, un autre projet structurant d’une importance capitale dans la même région consiste à une mise en valeur agricole optimale de la vallée du fleuve (toute la vallée) avec le concours humain, technique et financier de la Chine.

Pour nourrir sa population et pallier une grave pénurie de produits agricoles, Pékin a érigé en priorité nationale, l’acquisition et l’exploitation de terres agricoles à l’étranger. L’empire du Milieu possède, déjà, 10 (dix) millions d'hectares de terres cultivées hors de ses frontières.

Si ce projet venait à se réaliser, les chinois créeront, probablement, des méga-fermes avec quatre pôles de collecte à Sélibaby, Kaédi, Boghé et Rosso. Avec un objectif bien précis : créer des infrastructures pour récolter, trier, stocker et conditionner : fruits, légumes, céréales, farine, canne à sucre, viande et lait. Sans oublier les produits dérivés du lait : fromage, crème, lait en poudre, yaourts, etc.

Toutes ces marchandises seront, probablement, acheminées par voie fluviale vers les énormes entrepôts qu’ils construiront, vraisemblablement, au port de Ndiago avant leur transport par bateau vers la Chine.

Dans la pratique, les chinois exportent vers leur pays l’essentiel de leur production sur les terres cultivées à l’étranger. Toutefois, ils vendent une partie de cette production dans le pays d'accueil. La Mauritanie pourra ainsi faire l'économie des précieuses devises qui servent à importer des denrées alimentaires de première nécessité. Sans oublier les multiples autres retombées économiques, sociales et financières. Et, surtout, une quasi autosuffisance alimentaire.

 

 

2. Le financement du Projet

 

Une remarque préliminaire : Avec l’attribution par l’Etat d’un domaine foncier à la hauteur du projet au port de Ndiago et une solide étude de faisabilité, faite par un cabinet d’experts internationaux, tout analyste conviendra que ce sont là les deux conditions premières pour l’obtention d’un financement qu’il soit arabe, européen, américain ou autre. Le financement extérieur sera, le cas échéant, un appoint. Car une bonne partie de l’investissement sera mauritanien. Comment ? Les 50 milliards d’ouguiyas pour la modernisation de Nouakchott, soit l'équivalent de plus de 130 millions de dollars américains constitueront une cagnotte de base. S'ajoutera alors à ce montant, l’argent généré par une vaste opération de solidarité nationale.

En effet, tout mauritanien quel qu’il soit ressentira comme un honneur, une fierté et un devoir de se voir mis à contribution en fonction de ses moyens pour l’industrialisation de son pays. Cette opération se fera sur la base du volontariat. Elle concerne à la fois les salariés des secteurs public et privé. Les petites, moyennes et grandes entreprises nationales, les résidents mauritaniens à l'étranger et le budget de l’Etat. Ci-dessous, les tableaux des barèmes proposés.

 

Tableau no1

 

Barème proposé pour une contribution sur la base du volontariat pour les salariés des secteurs public et privé sur une période de deux ans, en ouguiyas MRO,

 
 

150.000

150.000 à 250.000

250.000 à 350.000

350.000 à 500.000

Plus de 500.000

1%

2,5%

5%

10%

15%

 

 

Tableau no2

 

Barème proposé pour une contribution sur la base du volontariat sur le chiffre d’affaires pour les différentes entreprises nationales pendant deux ans avec possibilité de déduction des impôts.

 
 

Petites unités artisanales

PME / PMI

Grandes entreprises

Grands groupes industriels et financiers

1%

2%

3%

4%

 

Tableau n3

 

Budget de l’Etat pendant deux ans.

 
 

Budget d'équipement

Budget de fonctionnement

2,5%

6.5%

 

N.B. Les citoyens contributeurs volontaires non-salariés pourront verser leurs dons sur un compte spécial ouvert à cet effet. De même pour les hommes d’affaires, en plus de la contribution de leurs entreprises. Un autre compte spécial sera réservé aux dons des résidents mauritaniens a l’étranger.

 

 

Qui pour piloter ce grand projet ?

 

Pour mener à bien ce gigantesque projet, il faudra à la barre un homme connu et reconnu pour sa compétence, son expérience, son sens du devoir, son intégrité morale et sa connaissance approfondie des différents rouages de l’Etat et des mécanismes financiers.

Un homme qui ne cherche pas à se remplir les poches, ne se laisse pas influencer et qui n’aura de compte à rendre qu’au président.

En passant en revue nombre de personnalités du microcosme politique, à la recherche d’un homme qui coche toutes ces cases, un nom m’est venu à l'esprit : Ahmed Ould Moulay Ahmed. Ancien ministre des finances, docteur en fiscalité, expert des montages financiers, il a pris du champ, loin de la cohue médiatique, pour se consacrer à son bureau d'études.

L'intéressé est un homme affable et courtois mais qui reste intransigeant quand l’essentiel est en jeu. Pour ceux qui le connaissent, cet homme est habité, dans tout ce qu’il entreprend, par une seule obsession : la crainte du courroux divin.

Soit dit en passant, il n’y a pas de fixation sur le nom de cette personne. Lui ou un autre, l’essentiel est d’avoir à la tête de cet important projet, quelqu’un dont la probité, l’expertise et la passion du bien commun soient indiscutables.

 

 

                                                                           

                                                                            *Professeur d'université - Laureat du Prix Chinguitt

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