La séance de mardi du procès de l’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, accusé de corruption et de blanchiment d’argent, a été dominée par un certain nombre de questions telles que sa menace de révéler des « secrets » et la libération d’un citoyen français d’origine togolaise accusé de trafic de drogue pendant son règne.
Ould Abdel Aziz, qui a dirigé la Mauritanie pendant 11 ans (2008-2019), a été reconnu coupable fin 2023 d’enrichissement illicite et de blanchiment d’argent et le tribunal de première instance l’a condamné à cinq ans de prison et à la confiscation de ses biens, un verdict dont son équipe de défense a fait appel devant la cour d’appel, un procès en appel depuis novembre dernier (2024), concernant également d’autres accusés qui ont travaillé avec lui à l’époque où il était au pouvoir en Mauritanie.
L’état de santé
Au début de la séance du mardi, le chef de l’équipe de défense de l’ancien président, l’avocat Mohameden Ould Ichidou, a présenté un exposé sur l’état de santé de l’ancien président, attestant que son client « s’est couché tard la nuit dernière en raison de fortes douleurs à l’estomac ».
L’avocat a ajouté qu’un médecin a examiné l’ancien président hier dans sa prison, et que celui-ci a déclaré que « son état nécessite des soins médicaux ».
En réponse à l’argument d’Ould Ichidou, le président du tribunal a déclaré que celui-ci ne traite que les documents et les rapports qui lui sont soumis, demandant aux avocats de la défense de présenter un rapport médical pour qu’il soit examiné.
In a réaffirmé que le tribunal est préoccupé par la santé de tous les accusés, notamment ceux qui ont déjà dirigé le pays et ont été président de la République ».
Pour sa part, le procureur général, commentant l’argument de l’avocat de l’ancien président, a réaffirmé qu’il «et que n’y a pas lieu de s’inquiéter, l’Etat étant responsable et qu’il s’avérait que la situation de l’accusé nécessitait son absence aux séances du procès, la décision qui s’impose sera prise ».
Le pôle de défense de l’ancien président avait demandé que celui-ci soit autorisé à se rendre à l’étranger pour se faire soigner, Ould Ichidou avait affirmé lors de la séance de lundi, que son client souffrait d’une « maladie grave lui ayant causé de sérieux problèmes de santé, notamment des difficultés à dormir et des vomissements avec des traces de sang ».
Secrets d’Etat
Quatre avocats ont posé des questions à l’ancien président Ould Abdel Aziz, l’avocat Fadhili Ould Rais, celui qui a posé le moins de question a cependant fait sensation dans la salle d’audience en commençant sa plaidoirie par un appel à un huis clos des séances du procès.
Ould Rais a déclaré qu’au cours de la séance du lundi, l’ancien président avait menacé de révéler des « secrets d’État », notant que pendant son pouvoir il « avait installé des systèmes d’écoute pour espionner tous ceux qui travaillaient avec lui », ignorant que l’État avait également « son propre système d’écoute sur les agissements de l’ancien président.
Ould Rais a déclaré : « Si Ould Abdel Aziz doit révéler des secrets d’État, les séances devraient se poursuivre à huis-clos.
Ould Abdel Aziz en colère a affirmé qu’il « ne révélera aucun secret d’Etat », ajoutant qu’il a quelques secrets qu’il révélera au moment opportun.
Lors de la séance du lundi, Ould Abdel Aziz s’est engagé à révéler les secrets de l’accord portant sur la remise d’Abdallah Senoussi, le chef des services de renseignement du régime de feu président libyen Mouammar Kadhafi, qui s’est réfugié en Mauritanie après la révolution et a été remis par Ould Abdel Aziz au régime en place en Libye.
Dossier des drogues
L’avocat Abdallah Ould Akah le plus prolifique en terme de questions s’est concentré sur les sources de la richesse de l’ancien président et sur la différence entre ce qu’il a déclaré en 2019 et ce que les enquêteurs ont trouvé au cours de l’enquête en 2020 et 2021.
L’avocat a posé des questions sur la représentation de l’organisation caritative Rahma dans le procès, sur le fait que l’ancien président se considère toujours comme un représentant de l’organisation ou de son fils, et sur la relation entre les fonds Rahma et la construction de sa maison au Ksar.
L’avocat Yerba Ould Mohamed Saleh s’est concentré sur l’affaire de la drogue et l’amnistie accordée à un citoyen français d’origine togolaise, qualifiant de « mystérieux » ce qui s’est passé à l’époque.
Amegan Walter, citoyen français d’origine togolaise, a été condamné par la justice mauritanienne pour trafic de drogue, avant d’être libéré quelque temps après.
Ould Mohamed Saleh a déclaré qu’en sa qualité d’avocat devant les tribunaux mauritaniens, il a été impliqué dans le cas du citoyen français d’origine togolaise, notant qu’« il a été hâtivement acquitté alors qu’il faisait l’objet d’un appel, ce qui est surprenant ».
Il a ajouté que le rapport du tribunal a été rédigé en arabe et n’a pas été traduit en français, se demandant si cela n’avait pas été fait à dessein pour empêcher se lecture par les organisations internationales.
L’avocat a conclu que le citoyen accusé dans l’affaire de drogue « a été acquitté dans des circonstances mystérieuses ».
La partie civile a soulevé à plusieurs reprises la question de la drogue au cours des dernières audiences, et l’avocat Lo Gourmo Abdoul l’a évoquée lors de la séance du lundi lorsqu’il a déclaré que la libération du citoyen français d’origine togolaise était intervenue à la suite d’une réunion entre Ould Abdel Aziz et le chef d’état-major de l’armée bissau-guinéenne.
Il a indiqué que le chef d’état-major de l’armée bissau-guinéenne avait été arrêté peu après par l’US Navy et accusé d’être impliqué dans un trafic de drogue.
Ould Abdel Aziz, qui a décrit cela comme une tentative de ternir sa réputation, a noté qu’un homme d’affaires bien connu avait précédemment essayé d’utiliser le dossier de la drogue contre lui, en se servant de ses relations et de son influence en France.
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