Pour plus de clarté, et dans le but d’éclairer davantage le public, la déclaration de Madame La Ministre du Commerce, tenue après la réunion hebdomadaire du Conseil des Ministres, jeudi, le 07/07/2017, ne pouvait passer sans un commentaire.
En effet, suffit-il que notre honorable Ministre déclare l’obligation, désormais décrétée, pour toute société d’assurance de verser un montant de Trois cent millions d’ouguiya sur un compte ouvert auprès du Trésor public ; pour venir à bout de tous les problèmes posés au secteur des assurances dans notre pays? Pas du tout.
Il est vrai que le marché national est étroit et que le commun des mauritaniens n’a pratiquement pas de culture sur les assurances. Il est aussi vrai que les opérateurs sont devenus nombreux. Ils sont au nombre de quatorze sociétés opérant sur le marché d’un pays à peine peuplé de quatre millions d’individus. Tout ceci est vrai. Mais est ce à dire que le secteur des assurances dans notre pays ne souffre que de la saturation ou plus exactement de la multiplicité des ‘’Agréments’’ ? Agréments qui furent naguère, malheureusement accordés sur des critères de népotisme, de clientélisme et de trafic d’influence. Loin s’en faut.
Et nous savons tous que le secteur connaît des difficultés énormes et vit sous une crise multiforme, pluridimensionnelle. Il serait donc réducteur de vouloir prendre en considération le seul facteur du nombre des opérateurs. Il était plus judicieux, pour le Ministère de tutelle d’affronter en bloc toutes ces difficultés. Et même à admettre que c’est là l’ultime problème, la solution ici préconisée, est critiquable à bien des égards, comme nous le verrons ultérieurement.
Il y a à vrai dire plusieurs difficultés donc et non pas une seule. Il y a des réels disfonctionnements, dont la première victime est, malheureusement, le citoyen mauritanien. Un citoyen consacré aux différents stades d’une vaste opération d’escroquerie, à l’échelle nationale, se présentant sous forme d’une ‘’occasion’’, accordée de facto aux assureurs avides. Et ce sont les citoyens mauritaniens qui paient de leur vie, et de leurs biens, le prix de cette grande ‘’arnaque’’, qui permet aux assureurs de remplir tranquillement leurs poches, en vendant aux pauvres citoyens ‘’de l’encre sur papiers’’ au lieu de leur accorder des garanties réelles. Et en leur accordant, en cas de sinistres, des rendez-vous creux, pour enfin, les traîner, des années durant, devant la justice. Une situation qui a si empiré que, nous avons assisté à des cas de refus d’exécution de jugements ‘’définitifs’’ et rendus en dernier ressort ; entre les mains d’un huissier qui vient, accompagné par des éléments de la force public, pour une ‘’exécution forcée’’ ! Démonstration outrageuse à l’ordre public qui dénote de l’absence de toute forme d’état de droit, et qui dénote une absence totale de respect de l’autorité du pouvoir judiciaire dans notre pays.
C’est dire que personne ne contrôle ce que font les assureurs en Mauritanie, et que personne ne soucie pour ces atrocités dont est victime le citoyen mauritanien lambda.
Il revient ainsi à l’Etat de réviser tous les agréments qui ont été accordés, depuis la date de privatisation du secteur en 1993, jusqu’à présent. Un secteur qui, Dieu seul sait, a connu toutes sortes d’injustice, de fraude, d’arnaque, d’escroquerie et de pillage qui ont affecté les citoyens mauritaniens dans leurs vies et leurs biens.
Il est grand temps que l’Etat s’attaque à la situation lamentable que connaît un secteur vital pour l’économie nationale et qui touche quotidiennement les intérêts des citoyens ; il y va de leurs vies et de leurs biens. La régression fort regrettable, qui a concerné tout dernièrement l’abandon de la méthode ‘’pratique’’, de collecte des taxes de l’Etat par système de ‘’Quittances Sécurisées’’ n’est qu’une preuve patente de l’incurie et du cafouillage du Ministère de tutelle. L’abandon de cette importante mesure est une preuve de plus que le Ministère manque de sérieux dans ces efforts de réforme du secteur. Et malgré que cette décision en son moment-et nous l’avions souligné-ne constituait qu’une timide et partielle mesure, dans le bon sens, elle a fini par donner des bons résultats pour le Trésor d’une part, en terme de recettes de taxes collectées, et elle a surtout servi de ‘’contrainte’’, de moyen de ‘’suivi’’ et de ‘’contrôle’’ indirect de ce que font les sociétés d’assurance. Cependant, la férocité des lobbies de pression a fini, malheureusement encore, par jeter à l’eau cette importante mesure.
Il est donc grand temps pour que l’Etat comprenne que cette voie de spoliation, d’usurpation, d’escroquerie, bref de ‘’vol’’ des citoyens ne peut plus continuer. La situation est si grave à notre sens, que l’intervention du Président de la République en personne est vivement souhaitée.
Rappelons ici que Madame la Ministre avait annoncé, elle-même et tout récemment, que l’Etat mauritanien a l’intention de créer une Autorité de Régulation propre au secteur des assurances. C’est une mesure importante. Qu’en est-il de ce projet, et pourquoi nous n’avons pas encore assisté à la mise en place d’une autorité de régulation propre à ce secteur ? Souhaitons que cette mesure, si importante, ne soit pas, elle aussi, abandonnée sous la pression des lobbies de commerçants influents et avides.
D’autre part, et si le souci n’est que plus d’efficacité dans le contrôle et la régulation du secteur des assurances dans notre pays, pourquoi ne pas penser à prendre des mesures plus ‘’pratiques’’ plus ‘’opérationnelles’’, et qui sont de loin, beaucoup plus sérieuses et plus efficaces dans la lutte contre le non respect des lois par les assureurs ? Des mesures pourtant connues et adoptées dans beaucoup d’autres pays du monde. Ce sont les mesures de contrôle sur pièces, le suivi, le questionnement, l’avertissement, le blâme, la sanction, par des lourdes amendes, et le retrait pur et simple de l’Agrément, pour toute société qui refuse de se conformer aux règlement en vigueur et continue à enfreindre les lois. Cela est possible, en se concentrant sur les aspects suivants, par exemple :
-La moralité des propriétaires ou actionnaires et la compétence des dirigeants ou gérants des sociétés d’assurance.
-Le contrôle en amont, sur la nature juridique réelle de la société, pour s’assurer qu’elle est bien une société ‘’anonyme’’ et non pas une société propriété d’une ‘’seule personne’’ ou d’une ‘’seule famille’’, comme c’est souvent le cas chez nous.
-L’exigence de la libération totale du ‘’Capital social’’ lors de la constitution de la société d’assurance.
-L’exigence du respect de tout Tarif officiel, homologué, promulgué par l’autorité de tutelle, comme le Tarif Auto que nous avons chez nous, pour la RC Auto.
-Le suivi, par le contrôle continu, strict et rigoureux de la solvabilité des sociétés d’assurance. Solvabilité pour la détermination de laquelle, on se réfère aux biens, meubles et immeubles, appartenant à la société. Biens propres suffisants, qui permettent à une société d’assurance d’être reconnue comme en mesure de respecter ses engagements.
-Le respect des principes de base de l’assurance, dont le respect du grand ‘’PRINCIPE INDEMNITAIRE’’, qui doit être constamment présent à l’esprit d’un assureur car, faut-il le rappeler ici, ‘’la raison d’être d’un assureur est d’indemniser’’. Indemniser correctement, de manière juste te équitable, et dans les délais impartis.
-La constitution des réserves pour les primes non-acquises.
-Les provisions pour les sinistres en phase de liquidation.
-Les provisions pour sinistres survenus et non encore déclarés
-Les provisions mathématiques pour la branche Vie.
-Le respect rigoureux des règles prudentielles concernant les placements, c’est-à-dire l’utilisation des primes d’assurance, pour ne permettre qu’une ‘’utilisation’’ permise par la loi.
-Le respect d’une cadence ‘’raisonnable’’ et ‘’acceptable’’ dans le règlement définitif et satisfaisant de tous les dossiers de sinistres, surtout les dossiers d’accidents corporels de blessés graves ou les mortels, ceux connus chez nous sous l’appellation des dossiers de ‘’Diyas’’.
-Le respect des droits des employés chez les sociétés d’assurance, notamment le droit pour tout employé d’être recruté sur la base d’un ‘’Contrat de Travail’’, d’être payé, à la fin de chaque mois, par un ‘’bulletin de salaire’’ en bonne et due forme, de jouir de/et du décompte de son congé annuel, planifié à l’avance, d’être immatriculé à la CNSS, affilié à la CNAM, et de pouvoir profiter d’une formation continue.
Ce sont là quelques aspects beaucoup plus importants à contrôler et à suivre, et qui doivent constituer la priorité du Ministère de tutelle, au lieu de penser à une seule mesure, partielle et inefficace. Mesure qui suscite plusieurs lectures d’ailleurs, comme nous le verrons, et qui reste à élucider, car bien après l’honorable intervention de Son Excellence Madame la Ministre, nous ne sommes pas encore suffisamment édifiés sur la nature exacte de ce montant (Trois cent millions d’ouguiya) : est ce qu’il s’agit d’un ‘’Capital propre’’ ou d’un ‘’Capital social’’ ou d’une ‘’Caution’’ ?
Mais, en attendant de le savoir, nous sommes dans l’obligation de demander Madame la Ministre, de l’interpeller, de l’alerter, par les questions suivantes :
-Madame la Ministre, savez-vous que les sociétés d’assurances de chez nous, sont des sociétés ‘’d’individus’’ pour ne pas dire individuelles ou de famille, qui n’ont généralement pas de conseil d’administration effectif, et sont plus proches de ‘’boutique’’ gérés par des vendeurs ‘’d’encre sur papiers’’ ?
-Madame la Ministre, savez-vous que les sociétés d’assurances de chez nous, n’ont jamais connu, sauf exceptions qui confirment la règle, la libération d’un dixième du capital exigé par le décret 026/2007 que vous avez cité, et même, bien avant, alors même que le capital n’était que de 80.000.000 UM. ?
-Madame la Ministre, savez-vous que les sociétés d’assurances de chez nous, ne connaissent même pas, sauf exceptions qui confirment la règle, ne connaissent pas et ne veulent même pas entendre parler de ‘’réserves’’ ou de ‘’provisions’’, et se fichent pas mal de tous les articles du Code des assurances qui exigent les différentes sortes de ‘’provisions’’, techniques, mathématiques, légales, spéciales, ou autres ?
-Madame la Ministre, savez-vous que les sociétés d’assurances de chez nous, à force de concurrence déloyale, ont poussé la pratique néfaste du ‘’dumping’’ dans l’assurance automobile, par exemple, jusqu’au seuil où elles se permettent, contrairement à toute logique, de vendre l’assurance d’une année (12 mois), pour un véhicule léger dit de tourisme, (moins de 750 Kg, à carrosserie fermé, à usage personnel, de puissance de 7 à 10 CV) à 10.000 UM, (dix mille ouguiya seulement )! ; au lieu de 31.006, (trente et un mille six ouguiya), comme l’exige le Tarif Officiel Auto, promulgué par votre propre Ministère ?
-Madame la Ministre, savez-vous que les sociétés d’assurances de chez nous, sauf exceptions qui confirment la règle, n’ont pas de siège social propre, à l’instar des sociétés de tailles modestes, dans les pays limitrophes, et qu’elles ne participent pas au développement économique du pays, en achetant les bons du Trésor, ne construisent pas d’écoles ni d’hôpitaux. ? Savez-vous, Madame la Ministre, que les ‘’propriétaires’’ de ces sociétés considèrent les primes d’assurance comme une liquidité destinée à remplir leurs poches, et ne se sentent même pas tenus, parfois, au simple versement de ces primes dans un compte bancaire ? Pire, savez-vous, Madame la Ministre que les primes d’assurance, ‘’liquidité’’ et manne providentielle intarissable !, leur servent comme deniers propres pour pourvoir aux besoins quotidiens du foyer, faire fonctionner les autres sociétés du groupe, entretenir les ‘’troupeaux’’ de chamelles, de vaches et de moutons, acheter le carburant pour leurs grosses cylindrés ; voire même se procurer des vacances en Europe, jouer au ‘’Bingo’’ ou fréquenter les casinos les plus chics de l’Europe ?
-Madame la Ministre, savez-vous que les sociétés d’assurances de chez nous, sauf exceptions qui confirment la règle, n’indemnisent pas correctement ? Savez-vous combien de dossiers sinistres de ‘’Diyas’’ traînent toujours dans les archives des services concernés de ces sociétés ? Savez-vous, Madame la Ministre, combien de dossiers sinistres de ‘’Diyas’’ sont pendants devant les tribunaux, alors que leur enrôlement est à chaque fois reporté ? Savez-vous, Madame la Ministre, que même en cas de jugements définitifs rendus, après un parcours de combattant, en faveur des ayants doits de l’une des victimes, ces derniers peuvent encore buter sur une impossibilité d’exécution de ces jugements !!!? ? Savez-vous, Madame la Ministre, que plusieurs années peuvent s’écouler sans qu’un simple dossier d’accident de la circulation puisse être réglé, pas même pour sa partie ‘’blessures’’, à plus forte raison pour sa ou ses parties ‘’décès’’?
De tout ce que nous venons de dire, une seule chose se confirme : le fait de rendre obligatoire, pour toute société d’assurances nouvelle, de verser un montant de Trois cent millions d’ouguiya sur un compte ouvert auprès du Trésor public, acte auquel elle est déjà astreinte par la force de la loi, peut être interprété comme une ‘’opportunité’’ de plus offerte gracieusement pour celles opérantes actuellement pour continuer à exercer leurs activités, ou plus exactement leurs ‘’atrocités’’ et ce pour 3 (trois) années à venir, c’est-à-dire d’ici à l’an 2020, sans accorder la même ‘’opportunité’’ à d’autres opérateurs qui veulent venir investir dans le secteur des assurances. Ce qui serait ‘’injuste’’ !!! Nous pouvons aussi dire le suivant : si le souci de cette mesure n’est autre que plus de régulation, de contrôle et de bon fonctionnement du secteur, on aurait exigé le versement immédiat, ou dans un délai de trois, ou six mois tout au plus, des trois cent millions au Trésor, à toutes les sociétés actuellement en service, pour plus d’efficacité. Ce sont là quelques unes des lectures ou remarques que l’on peut se faire de cette mesure, telle qu’elle a été annoncée.
Enfin, nous conseillons à Madame la Ministre, que nous estimons beaucoup, sur le plan personnel, de s’attaquer fermement et frontalement aux vrais problèmes du secteur, et de ne plus opter pour des solutions partielles, quelques soient les motifs immédiats pour les justifier, afin d’éviter de tomber dans le ‘’raccommodage’’.