La Mauritanie a célébré le 57ème anniversaire de son indépendance ce mardi 28 novembre 2017 à Kaédi, capitale régionale du Gorgol, qui est une fête nationale pour certains et un deuil national pour d’autres. Le discours du Président n’a pas été en phase avec l’actualité du pays.
La région du fleuve a marqué le début de la nouvelle République Islamique de Mauritanie. Lors des festivités notées, le nouveau drapeau (l’ancien drapeau auquel on a ajouté deux bandes rouges horizontales de part et d’autre) a été hissé et le nouvel hymne national a été joué pour la première fois devant le Président et les membres du gouvernement de Yahya Ould Hademine.
Lors de la célébration de l’anniversaire, le discours du président n’a pas tenu toutes ses promesses.
Entre bilan positif, pour Aziz, basé sur les améliorations notées au niveau de la santé, de l’éducation et de la justice et promesses pour accompagner les familles les plus vulnérables, augmentation des primes pour les enseignants et la mise en place du système de paiement électronique, le discours s’est soldé sans apporter des réponses aux questions relatives à la politique, au chômage et au règlement du passif humanitaire et sans oublier la lutte cotre l’esclavage de IRA et les objectifs des partis de l’opposition.
En dépit des discours des leaders d’opinion de la communauté halpulaar, avec Samba Thiam, Ibrahima Moctar Sarr, les rappeurs, les manifestations des mouvements qui luttent contre l’esclavage et des préoccupations de la jeunesse qui ont de plus en plus une grande ampleur, les conseillers à la présidence n’ont accordé aucune importance à ses attentes et ont considéré ceux-ci comme élément obsolète qui ne mérite pas d’être débattus devant le public.
La jeunesse de la vallée zappée
Les régions de la vallée, avec une population active très importante (45% sur les 303413 en 2010), est caractérisée par une abondance en eau de fleuve et en terre arable (40580 Ha par ONS). L’élevage y est très développé.
Cependant toutes ces ressources n’ont jamais été exploitées ni par les autorités publiques par manque de considération et ni par les autochtones par maque de financement. En 2014 le ratio de la population pauvre en fonction du seuil de pauvreté national en pourcentage de la population totale est estimé par la Banque mondiale à 31%.
A part le commerce, aucune grande entreprise n’a été créée pour lutter contre le chômage et l’exode rural. Comme partout dans les pays, la jeunesse est obligée de se rendre soit à Nouakchott, soit à Nouadhibou ou à Zouerate pour gagner leur vie. Là encore, elle est confrontée à un problème d’insertion, car aucune formation qualifiante n’a été assurée auparavant pour elle.
Dans le Fouta, les jeunes ne peuvent pas travailler dans le secteur agricole, le commerce leur est inaccessible, car ils ne disposent pas de moyens d’exploitation, de financement, de la formation professionnelle et d’accompagnement moral pour mettre en place des activités génératrices de revenus.
Avec la célébration du 57ème anniversaire à Kaédi, la population devait recevoir des garanties de la part de l’État. Malheureusement, elle n’a rien eu comme solution à leur souci. C’est tout simplement parce que leurs députés et maires n’ont pas transmis le message au gouvernement et par conséquent, le président ignore la réalité du terrain.
La pendaison des 28 considérée comme révolue
Le 28 novembre 2017 est considéré comme le 27ème anniversaire de la pendaison des 28 soldats noirs et halpulaars pour fêter le 30ème anniversaire du pays à l’époque de Maouya Ould Sidi Ahmed Taya. Les mobiles de cet acte barbare, irréfléchi, inhumain et ignoble restent jusqu’à présent non justifiés et injustifiables. Depuis cette année, la Mauritanie célèbre cette date à deux sens : une partie dans la joie et l’autre dans le deuil.
Certains observateurs et victimes justifient ces faits comme une tentative de nettoyage des halpoulars de la RIM et d’autres les considèrent comme une façon d’éliminer les noirs parce qu’ils sont arrogants et aiment le pouvoir.
En mai 1993, une loi d’amnistie est votée pour interdire toute poursuite judiciaire à l’encontre des responsables des faits. Depuis lors, certaines personnes, comme les membres du FLAM, des FPC, de l’AJD/MR, de PLEJ et les associations mauritaniennes des droits de l’homme et des victimes des événements de 1989, n’ont ménagé aucun effort pour abroger cette loi.
Et tant que ceux qui ont participé aux faits ont des postes de grandes responsabilités et ont la possibilité de combattre ceux qui veulent les mettre en prison, le combat des victimes ne connaitra pas aussitôt son épilogue.
Lors de son discours à la nation, le Président de la République n’as pas fait allusion aux familles des victimes. Plus loin, les victimes n’ont même pas eu une minute de silence, ni des prières et encore moins des actes concrets pour ne pas les oublier.
Un mandat de plus en plus flou
Si la jeunesse attendait des projets phares pour lutter contre le chômage, les victimes des événements de 1989 des mesures pour condamner les tortionnaires, les politiciens, quant à eux, n’attendaient d’Aziz que « je prépare pour rendre le pouvoir en 2019 ».
Les politiciens, pour qui les questions de l’enrôlement biométrique, l’éducation, la stabilité et l’union des races ne sont pas une priorité, forment des alliances à l’approche des élections présidentielles dont leur seul but est de devenir Président de la République. Tous les moyens stratégiques et financiers sont réunis pour aller aux urnes en 2019.
La question qui se pose est de savoir pourquoi Aziz a ouvert une nouvelle page en changeant la constitution de 1991, avec la modification de drapeau national, de l’hymne national, de la suppression du Sénat et de la régionalisation sans oublier la création d’un parti politique pour son fils si on sait tous que l’objectif d’un parti est d’aller aux élections. Va-t-il aider son fils pour être son successeur ? Va-t-il faire un troisième mandat ? A-t-il d’autres projets ?
Pour l’instant il n’a fait que jeter tout le monde dans la farine, prolonger le débat sur un probable troisième mandat ou la monarchie du pouvoir et déstructurer l’opposition.
Une analyse de BA Oumar