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"Le continent noir va déstabiliser le monde"

Lundi 5 Février 2018 - 00:53

La France eut Zola et Hugo qui ont pesté contre la misère dans les villes et l'hypocrisie des pouvoirs publics d'alors. Aujourd'hui, en Afrique subsaharienne, une écrivaine, Ken Bugul (photo) dénonce la responsabilité des dirigeants africains.


Ken Bugul (son nom est Marietou Mbaye Bileoma), Grand Prix de l’Afrique noire, officier des Arts et des lettres de la République française, nous prévient : « Le continent noir va déstabiliser le monde ! » Dans la Neue Zürcher Zeitung (1), elle voue aux gémonies les responsables africains qui sèment la misère dans leurs pays. Pour elle, il faut réduire l’aide au développement. Et mieux distribuer l’aide sur des projets bien identifiés.

Pour elle, la jeunesse ne peut pas s’en sortir. L’exemple que donnent les dirigeants corrompus et les Etats impuissants en face desquels ils ne peuvent rien, est catastrophique. Les jeunes Africains ont accès à une éducation médiocre, et les professions sont mal exercées. Ken Bugul a été à l’école, elle raconte que lorsqu’elle avait faim, elle se nourrissait… d‘un poème ou d’un paysage. Tout le monde n’a pas ces capacités mentales… Elle prévient l’Europe : « Les flots de migrants vont augmenter et personne ne pourra les retenir » (2).

Les guerres civiles africaines sont pour elles la conséquence d’une perte d’identité de la jeunesse. Une jeunesse déboussolée devant les nouveaux colons chinois, indiens, russes, qu’elle compare à ce que les Européens ont apporté. Un peu naïvement, elle oppose l’Europe à la Chine, mais que penser de l’attitude d’un Bolloré vivement critiqué sur le continent ? Pour elle, les Chinois sont indifférents aux exactions des dirigeants qu’ils encouragent par le financement d’infrastructures, de stades, d’écoles, de route « Mais en fait, ce qu’ils veulent, ce sont les richesses naturelles de notre sol » (2).

Certains pays d’Afrique hypothèquent leur avenir : Madagascar aurait vendu quasiment la moitié de ses terres. Près de 60 millions d’hectares en Afrique subsaharienne ont été confisquées entre 2000 et 2013. Ken Bugul s’étrangle de voir que l’énergie, les banques, les télécoms n’appartiennent pas aux Africains. Et les multinationales de l’agrochimie qu’on inquiète en Europe se replient en Afrique, menacent l’agriculture familiale qui procure dans certaines régions d’Afrique suffisamment de subsistance et des produits sains. Les ONG et les Eglises s’inquiètent de voir des Etats-continents comme le Canada ou le Brésil louer et acheter des milliers d’hectares dans des pays comme le Mozambique où la loi interdit la cession de terres… Les paysans ainsi déracinés migrent vers les villes.

Ken Bugul fulmine contre l’Etat sénégalais qui laisse des milliers d’enfants mendier dans les rues. Plusieurs géographes dont Marie Morelle ont décrit le sort de ces enfants (3). Ken Bugul demande que l’argent dédié aux projets soit contrôlé. Elle ne veut plus voir « de jeunes Africains gros et gras, avec leurs ors et leurs poches pleines d’argent. Les Européens ne sont plus notre problème. Ce sont les Africains qui le sont » (2).


Source
(1) 1er septembre 2017
(2) C. Von Garnier, Le Temps, 26 septembre 2017
(3) Marie Morelle, La rue des enfants, les enfants des rues

source geographienemouvement
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