La société canadienne Kinross s’est empressée de communiquer avec un brin de satisfaction sur l’arrêt de l’enquête de la SEC (The Securities and Exchange Commission) qui la visait. Cependant le communiqué qu’elle a publié à cette occasion est on ne peut plus, ambigu et passe sous silence bien des aspects gênants de la transaction avec la SEC.
En effet entre les lignes on pourrait croire que la société a été lavée de tous soupçons alors qu’il n’en est rien, bien au contraire. Selon le communiqué de la SEC, Kinross a bien été épinglée et des faits répréhensibles précis sont avérés.
La SEC a notamment reproché à Kinross d’avoir mis presque trois ans pour mettre en place des procédures de contrôle et d’audit et même après leur mise en place de ne les avoir pas respectées. Ainsi Kinross aurait octroyé un contrat de logistique à une entreprise proche des officiels mauritaniens qui, en plus de son manque d’expérience dans le domaine, était beaucoup plus chère que ses concurrentes. De même Kinross a recruté un consultant de manière opaque et payé au-delà de la norme et dont la tache était de faciliter les contacts avec les hauts responsables gouvernementaux mauritaniens. La SEC a donné à Kinross un an de mise à l’épreuve pendant lequel elle devra rendre compte des mesures qu’elle a prise pour corriger cette situation.
Rappelons que la multinationale Kinross avait auparavant été accusée par certains actionnaires de fraude concernant l’investissement pour l’acquisition de la mine Tasiast en Mauritanie.
Kinross Gold Corp a accepté de payer 33 millions d’Us dollars pour mettre fin aux poursuites engagées par le fonds de pension du Texas qui accusait la compagnie d’avoir surévalué le gisement et d'avoir escroqué les investisseurs par le biais d’une acquisition inopportune de la mine en Mauritanie et qui a abouti à plus de 6 milliards de dollars en réductions de valeur.
Kinross avait essayé en vain de faire rejeter le recours pendant deux ans avant de se résoudre à la transaction mais les actionnaires, conduit par le fonds de pension du Texas avaient résisté à toutes les pressions pour montrer que Kinross avait sciemment gonflé le cours de son action afin de les induire en erreur sur la qualité de son acquisition de la mine de Tasiast auprès de Red Back Mining Inc pour la somme de 7,1 milliards en 2010.
Coté mauritanien, la plus grande opacité couvre encore cette transaction. Certains connaisseurs s’étonnent que la Mauritanie n’ait touché le moindre dollar à l’issue de ce transfert. Selon nos sources, une délégation conjointe de Red Back et de Kinross avait rencontré le président mauritanien le 31 Mai 2010 à Nice en marge du 25ème sommet Afrique France. Les mauritaniens auraient à cette occasion donné le feu vert à la transaction. Mais ce faisant, le Trésor public est le plus grand perdant.
Rappelons le litige soumis à l’arbitrage du Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux investissements (CIRDI) entre Total et le gouvernement ougandais, lorsque la compagnie pétrolière française avait acquis pour plus de deux milliards de dollars, les droits sur un champ pétrolier auprès de Tullow Oil. Le litige est lié l’imposition d’une taxe par l’Autorité fiscale de l’Ouganda (URA) sur l’acquisition de la part de Total dans la Zone d’Exploration 2. Finalement, Total paya une compensation à l’Etat ougandais.
Pour la Mauritanie le manque à gagner potentiel est immense. Normalement la plus value de 5 milliards réalisée par Red Back aurait du être taxée à 10% soit 500 millions de dollars si on y ajoute les droits d’enregistrement de TMLSA (qui est une entreprise de droit mauritanien) de 1% soit 71 millions de dollars ce qui fait un total de 571 millions de dollars perdus pour le trésor mauritanien. Cette manne a-t-elle été exclusivement partagée par les actionnaires de RedBack et Kinross ? Et, des mauritaniens ont-ils eu leur part de ce juteux gâteau.
Seule une enquête internationale indépendante, comme celle conduite par Steven A. Susswein et Maria Boodoo de la SEC, pourra faire la part des choses et mesurer à sa juste la valeur l’ampleur du dommage subi par le Trésor mauritanien.