Les besoins d’argent, quasiment tout le monde en a. La question pendante, pour y faire face, reste : à quel prix ? Et la réponse navigue, souvent, entre modération de conscience et souci de respectabilité. Des paramètres particulièrement virulents, dans le domaine de la communication où la crédibilité est essentielle. C’est une lutte de tous les jours pour éviter le piège du peshmerguisme*, tombe classique des plumes et des titres. Alain Faujas, de Jeune Afrique, n’en disconviendra pas. Quels trésors d’ingéniosité ne déploie-t-il pas pour habiller une des plus prolifiques tirelires du journal, « Le Plus de JA », d’une malhfa (voile mauritanien) de sérieux ?
Malhfa, dis-je, car son édition N°2965, du 5 au 11 Novembre derniers, est justement consacrée à la Mauritanie. Sous le titre : « L’avenir en pointillé », juste assez ambigu pour paraître objectif ; voici l’envoyé spécial de « Jeune-à-fric » à Nouakchott commis à dresser un portait doucereux de notre situation nationale où « Aziz en position de force » grâce, notamment, à la « Renaissance d’une armée » – un argument frappant, c’est certain, pour des PTF tétanisés par la menace terroriste – disposerait « De bons augures pour battre le fer », en dépit d’une dette nationale ramenée miraculeusement à 70% du PIB, une fois escamotés, via petite note de bas de page, les 30% dûs aux koweitiens, alors que le président d’Algold resources s’enthousiasme des « excellents résultats » obtenus par sa grosse société et son petit partenaire mauritanien.
Bref, le contenu de ce « Plus » ne se gêne pas pour contredire son titre, en suggérant un avenir en… rose. Le pointillé se résumant, au final, à l’incertitude, quant au choix, par l’omnipotent chef de l’Etat, de son successeur. Un choix d’autant plus important que « l’opposant » de service retenu, par Alain Faujas, pour illustrer « l’impartialité » de son papier, ne se gêne pas de lui rappeler, que « nous nous opposons aux programmes, pas aux personnes ». Autre splendide ambiguïté, tout-à-fait dans la tournure d’esprit de cet éminent manieur de boubou en tout sens, dont on comprend aisément qu’elle ait pu subjuguer notre pauvre collègue enchaîné à sa galère d’apologie masquée.
Une apologie à usage international évidemment exclusif. Si ce n’est, bien sûr, les dithyrambistes attitrés du pouvoir, au demeurant beaucoup plus achalandés, eux, en verroteries complaisantes, nul, en Mauritanie, n’en serait dupe : l’harassant quotidien parle de lui-même et, comme je le disais en exergue, les besoins d’argent, quasiment tout le monde en a. Ici probablement plus rudement qu’ailleurs : c’est de la survie journalière qu’il s’agit, pas de beurre dans les nouilles ; très prosaïquement, les nouilles elles-mêmes. La transparence de la melhfa proposée par Alain Faujas tombe mal, à l’orée d’une saison froide qui s’annonce particulièrement pénible, cette année, après le déficit pluviométrique qu’on sait. Par chance, les populations qui seront les plus touchées n’ont pas accès à la littérature jeune-afriquée. Les lecteurs attitrés de J.A. n’en entendront donc pas les clameurs d’indignation, seule réelle objectivité, pourtant, du pointillé d’un très incertain avenir mauritanien…
Ahmed ould Cheikh
*Expression utilisée en Mauritanie pour évoquer ceux qui se disent journalistes (alors qu’ils n’ont rien à voir avec le métier) et se vendent au plus offrant
source lecalame.info