Décidemment, entre Dakar et Nouakchott, les relations sont difficilement au beau fixe. La tenue d’une conférence de presse à Dakar par les droits-de-l’hommistes sénégalais, avec comme invité leur homologue mauritanien Biram Dah Abeid, fondateur et président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA-Mauritanie), et en présence d’autres personnalités, a encore été perçue par Nouakchott, comme une occasion d’emmerder le voisin.
Finalement, la conférence de presse n’a jamais eu lieu, pas plus d’ailleurs que celle prévue hier au siège d’Amnesty International où l’opposant et activiste mauritanien, selon des sources de Jeuneafrique, aurait envoyé un message vocal Whatsapp en regrettant que «l’État mauritanien en fait un problème d’État avec le Sénégal ».
La réalité est que, selon nos confrères, une pression « subtile » a été exercée sur les différents responsables sénégalais des droits de l’homme que sont l’avocat sénégalais Boucounta Diallo, Alioune Tine et Seydi Gassama.
Même le communiqué transmis par ces organisations à la presse et qui a été publié dans le site de l’Agence de presse sénégalaise a été perçu par l’Agence mauritanienne d’information comme un « casus belli ».
C’est dire que, du côté de Nouakchott, on n’a pas encore compris que le Sénégal fonctionne comme une démocratie. Le fait pour des organisations qui fonctionnent légalement organisent une conférence de presse n’est pas un acte contre le gouvernement encore moins de guerre. Il ne saurait être interdit par des pouvoirs publics. Et les pressions exercées, y compris contre le propriétaire du restaurant, étaient inappropriées et attentatoires à nos libertés.
Malheureusement, acculé, le Gouvernement d’Abdel Aziz adopte les réflexes autocratiques d’Ould Taya exilé au Qatar. La Mauritanie ploie de plus en plus sous le dirigisme d’Aziz qui empoisonne ses opposants, confisque les droits les plus élémentaires de citoyens, notamment celui de militer dans les organisations de droits de l’homme et d’organiser des manifestations.
A cette situation s’ajoutent les accusations de corruption formulées par l’avocat français William Bourdon, président de l’ONG Sherpa, qui vient de publier un rapport dans ce sens.
Les Sénégalais de Nouakchott, des « otages »
Mais le plus grave est la méthode utilisée par Ould Aziz contre le Sénégal. Le fait de considérer tous les Sénégalais en Mauritanie comme des sortes d’otages est une démarche maladroite et contre-productive. Car, d’après nos confrères de JA, les Ministres sénégalais qui ont fait pression, ont notamment évoqué les répercussions possibles sur les Sénégalais vivant dans ce pays.
La réalité est que l’axe Dakar-Nouakchott, depuis 1989, date des évènements tragiques où de nombreuses personnes ont trouvé la mort de part et d’autre, et où l’on a frôlé la guerre, les relations n’ont jamais été vraiment bonnes. Nous vivons une forme de guerre froide avec, en toile de fond, la menace à peine voilée de s’attaquer à nos compatriotes établis dans ce pays.
La Mauritanie de Aziz est comme la Gambie de Jammeh. Le Sénégal est un voisin inévitable, mais pas un ami. Les relations de bon voisinage nous imposent des initiatives communes comme l’OMVS, des patrouilles militaires mixtes, le partage de certaines ressources minières découvertes çà et là, mais Nouakchott ne se gêne jamais d’ouvrir les hostilités. Et toutes les occasions sont bonnes pour cela.
D’ailleurs, cela provoque parfois la colère de Mauritaniens établis au Sénégal dont les leaders appellent à la paix et surtout à la réciprocité dans le traitement des Sénégalais dans leur pays d’origine, étant entendu qu’ils se sentent chez eux, ici.
Et Aziz que les nombreux défis en interne étouffent ne sauraient trouver, en Dakar, une échappatoire. Nous sommes une terre d’accueil, de paix et surtout de liberté et entendons le rester. Nous n’avons aucune envie, ainsi, qu’un quelconque Etat, par je ne sais quelle pression, transfert ses réflexes autoritaires chez nous et nous imposent la conduite à tenir.
Nous attendons mieux de nos dirigeants. C’est pourquoi, nous pensons que notre diplomatie doit être repensée, réorganisée avec l’appui inestimable de tous les dinosaures en la matière qui se tournent les pouces chez eux. Nous avons besoin de réflexions approfondies pour redresser la barre car il y a trop d’erreurs et de pays qui croient que nous sommes des chasses-gardés ou des faire-valoir.