L’hivernage 2017 aura été caractérisé, en Mauritanie, par une mauvaise répartition spatio-temporelle des pluies, sur l’ensemble du pays, et un déficit important, dans la plupart des stations suivies, par rapport à l’année dernière et à la normale. En effet, 52% de ces stations l’ont été, par rapport à l’année dernière et 39%, par rapport à la normale (1981-2010).
Face à ce constat alarmant, le Réseau des Ong sur la Sécurité Alimentaire (ROSA) alerte sur une crise pastorale explosive en Mauritanie : « Cette situation a engendré un déficit fourrager, dans les principales zones d’élevage du pays. A cela s’ajoutent les difficultés d’abreuvement, dues à la rareté des eaux de surface et le tarissement rapide des puits ».
« Déjà fin-Septembre », rappelle ROSA, «on constatait une forte pression, dans les rares zones bien fournies en pâturages, avec des conséquences sur la durée d’exploitation de ces zones mais également sur l’écosystème (dégradation causée par le surpeuplement). Par endroits, les pasteurs avaient même des difficultés d’abreuvement du cheptel, à cause du tarissement rapide des mares. Une transhumance précoce débuta, dès Octobre selon les zones. […] La situation, à la troisième décade de Septembre 2017, comparée à celle de Septembre 2016, montrait clairement un déficit réel, reflété par l’imagerie satellitaire NDVI des deux indices de végétation aux deux périodes. La situation pastorale ainsi exposée par cette imagerie satellitaire affichait un espace fourrager nettement en-deçà de celle de l’année dernière ».
Cette évaluation de la situation pastorale fut renforcée par le Rapport d’Action Contre la Faim (ACF), relatif à la situation de la biomasse, à travers l’analyse de la production de celle-ci, en Octobre 2017, mettant en exergue une production décroissante, du Nord vers le Sud. Cependant et contrairement à la normale, plusieurs zones de faibles productions (moins de 500 kg/ha) étaient même observées dans les zones bordant le fleuve Sénégal, jadis mieux fournies. Selon cette évaluation avisée d’ACF, la production de biomasse de chaque wilaya restait en-dessous de sa production moyenne historique, pour la plupart, et, parfois, comparable ou pire que celle de 2011.
Ces appréciations objectives de la situation et le flair des éleveurs ont conduit à une transhumance très précoce du cheptel, avec des mouvements importants relevés dès le mois d’Octobre, à l’intérieur du pays, du Nord vers les zones de refuge du Sud et, à l’extérieur, vers les pays limitrophes.
Retard et insuffisance des produits
Devant une telle situation, les autorités nationales ont anticipé, avec la mise en place du Programme d’Assistance au Cheptel (PAC), suivant l’arrêté N° 0825 du 28 Septembre 2017/PM/DGLTEJO. « Cependant, force est de constater », déplore ROSA, « le retard dans la mise en œuvre de ce plan et l’insuffisance des produits, selon les éleveurs, les contraignant à une ruée vers la wilaya du Guidimakha où l’on assiste à une très forte concentration d’animaux, avec des effets désastreux sur l’écosystème. La rareté de l’aliment de bétail, dans les magasins du CSA et les boutiques Emel, s’est couplée au renchérissement du produit. Les éleveurs de la wilaya rapportent : «Le sac, qui coûtait 300 N-UM (3.000 anciennes ouguiyas) en temps normal, est monté, à la mi-Mars, à 650 N-UM puis à 850 N-UM, ces derniers temps ».
Entre la rareté du couvert végétal, celle des aliments de bétail et la cherté du produit, les éleveurs se sont adonnés à l’exploitation des pâturages aériens, abattant abusivement les arbres (notamment les « Techtaya » ou acacia Sénégal), pour nourrir leur cheptel. Cette coupe n’est pas sans risques et contribue à la déforestation de cette wilaya, principale zone d’accueil du cheptel national aujourd’hui en détresse. Le ROSA exhorte les autorités à accélérer et concrétiser la mise en œuvre rapide du plan national de réponse pour : assister les populations en crise d’urgence alimentaire et nutritionnelle, avec une attention particulière envers les couches les plus vulnérables, notamment les enfants en bas âge et les femmes enceintes et allaitantes ; protéger les moyens d’existence des populations pastorales et agro-pastorales sous pression, en mettant l’accent sur l’approvisionnement en aliments pour le bétail et les autres instruments de gestion de la vulnérabilité pastorale ; combler le déficit de pâturages, en disponibilisant l’aliment de bétail et en densifiant les points de vente ; réapprovisionner les magasins du CSA et les boutiques Emel en aliments de bétail ; multiplier les points d’eau pastorale, dans les zones non encore pourvues, afin de diminuer la pression des animaux sur des écosystèmes déjà fragiles, éviter le recours à la coupe abusive des « techtaya » et parer aux éventuels conflits que pourrait engendrer une telle concentration d’animaux dans une wilaya agricole. Enfin, ROSA exige le renforcement de la surveillance épidémiologique, dans les zones de concentration, afin de prévenir d’éventuelles maladies animales contagieuses.
Synthèse KAAW THIERNO