Mais qu'allaient donc-t-ils faire dans cette galère ? Lorsque les policiers se rendent dans l'ex domicile de Mohammed Bouamatou à Nouakchott ce lundi 14 mai 2018 afin de procéder à une perquisition suite à la plainte pour «corruption» déposée par le parquet, il ne leur faudra pas plus de quelques minutes pour réaliser que la villa du milliardaire ressemble beaucoup plus à un chantier abandonné qu'au QG stratégique de celui qui est désormais devenu le meilleur ennemi du Président Aziz. Que viennent-ils chercher dans cette maison abandonnée ? Nul ne sait, mais cela n'empêche pas les forces de l'ordre de faire le tour du propriétaire et de consigner tout ce qu'ils peuvent trouver.
Selon des informations fiables obtenues par La Tribune Afrique, les éléments de la police mauritanienne ont tenté de convoquer le fils et l'officier du protocole du milliardaire afin qu'ils assistent à la perquisition, ce que ces derniers ont refusé formellement, avant d'être embarqués au poste de police pour remplir une déposition. Même scénario à la maison du numéro 2 du groupe Bouamatou, Mohammed Ould Debbagh, sous le coup d'un mandat d'arrêt international qu'aucune justice européenne ne semble prête à honorer pour l'instant.
«Il y pense tout le temps. Pour le Président Aziz, Bouamatou est devenu une obsession de tous les instants. Et plus l'élection approche, plus il y pense, car il sait que son cousin ne lui fera aucun cadeau et rendra coup pour coup» nous confie ce proche des premiers cercles mauritaniens, pour lequel il ne faut voir dans la double perquisition de lundi que la «continuation normale de la stratégie de dé-bouamatisation poursuivie par le général Aziz».
Pourtant, il ya bientôt dix ans, rien ne laissait présupposer qu'une telle guerre fratricide puisse survenir. Alors qu'il vient de s'emparer du pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat, et que son pays est mis au ban des nations africaines, le général Ould Abdelaziz tente par tous les moyens de légitimer son coup de force, et il s'appuiera pour cela sur un seul homme : son cousin, Mohammed Ould Bouamtaou, à la tête d'un conglomérat géant incluant la banque, les télécoms, ainsi que la distribution.
Accessoirement, Boumataou est l'homme le plus riche de Mauritanie, et de son propre aveu, il deviendra l'un des financiers les plus zélés de la campagne visant à faire de Mohammed Ould Abdelaziz un Président légitimé par les urnes.
La lune de miel entre les deux hommes sera pourtant de courte durée. Très proche de l'ancien Président Ely Ould Mohamed Vall, Bouamatou ronge son frein et assiste impuissant au «verrouillage» des postes clés dans la haute administration mauritanienne par le Président Ould Abdelaziz.
Peu à peu, son influence sur son cousin décline, et leurs rapports se tendent. En 2010, c'est l'exil vers Marrakech, au Maroc, et la découverte d'une nouvelle passion : la bonne gouvernance. De ce fait, le message véhiculé depuis huit ans par Bouamatou à travers ses multiples relais - sans toutefois jamais s'exprimer publiquement lui-même- est clair : la Mauritanie serait aux mains d'un quarteron dont l'objectif unique est la captation des richesses.
Et il semblerait que les faits lui donnent peu à peu raison, du moins sur le plan économique. Si elle arrive à enregistrer quelques succès sécuritaires, la Mauritanie s'est enferrée dans une certaine léthargie économique, aggravée par les contrôles fiscaux «punitifs» adressés à tous les opérateurs économiques qui ne rentreraient pas dans le rang. A l'été 2017, l'affrontement à fleurets mouchetés se fait direct, avec le camouflet essuyé par la tentative de réforme constitutionnelle portée par le Président Ould Abdelaziz.
Ce dernier doit faire face à une fronde des sénateurs, dont il tente de dissoudre la chambre, qui se transforme peu à peu en véritable crise politique.
Pour le Président mauritanien, il ne peut y avoir qu'un seul responsable de cette débâcle : son cousin honni, lequel se retrouvera rapidement sous le coup d'une enquête pour corruption, ainsi que son plus proche collaborateur, dont l'ordinateur portable est confisqué