Le parti SAWAB, d’obédience baathiste, et l’Initiative de Résurgence Anti-esclavagiste (IRA), du leader haratine Biram Dah Abeid, ont signé, le jeudi 31 Mai, une alliance électorale. Le choix de l’ancienne Maison des jeunes, pour parapher leur protocole d’accord, s’est révélé particulièrement judicieux, tant ce haut-lieu des rendez-vous politiques et culturels fut pris d’assaut par les militants des deux parties, accourus en force pour marquer l’évènement.
Dans leur discours respectif, Abdessalam Horma, président de Sawab, et Biram Dah Abeid, son homologue d’IRA, se sont ingéniés à mettre à jour les raisons profondes qui ont conduit leurs partis à nouer ce pacte stratégique. C’est dans l’intérêt de la Mauritanie, ont-ils dit en substance, que les lignes doivent bouger : il faut briser la glace, faire évoluer la scène politique. Et d’appeler, de concert, les autres formations et personnalités politiques à les rejoindre.
L’annonce puis l’interdiction et, enfin, l’autorisation, par les autorités, de la conférence de presse à ladite Maison des jeunes, ont suscité de nombreuses réactions, dans les salons, les bureaux de Nouakchott et sur les réseaux sociaux. Chacun y est allé de sa petite musique. Certains s’empressant de ressortir les anciennes déclarations des uns et des autres, pour tenter de déchiffrer la nature d’un accord si peu de nature, entre deux mouvements souvent qualifiés d’« extrémistes » et que tout semblait opposer jusqu’ici. SAWAB est un parti d’obédience Baath dont le maître à penser demeure Ould Breïdeleil et qui recrute essentiellement en milieu arabo-berbère. Les Négro-africains l’accusent d’avoir trempé dans les dérives du régime d’OuldTaya, lors des années de braise (89/91) où de nombreuses exactions furent commises contre eux, au sein de l’administration civile et de l’armée. Le parti est suspecté d’avoir prêché la dénégrification de la Mauritanie et l’on scrutera donc avec intérêt la réaction des négro-africains à cet accord.
SAWAB a-t-il réellement opté pour la rupture ? L’avenir nous le dira. En tout cas, son départ de la majorité présidentielle puis de la CPAD qui rassemblait APP et EL WIAM, suivi de son entrée au G8, auprès, justement, d’IRA et du FPC, préfigurait un tel changement de ligne politique. Quelques élus locaux et, pourquoi pas, une présence au sein de l’Assemblée nationale rendront certainement ce parti « fréquentable ». En attendant, il doit ménager et, probablement, supporter les caprices de l’Initiative abolitionniste, très critique, c’est le moins qu’on puisse dire, vis-à-vis de la composante maure du pays.
Côté IRA, l’accord ouvre les perspectives de participation aux prochaines élections. Ne disposant pas de parti officiel – son RAG est toujours refusé par le ministère de l’Intérieur –le mouvement de Biram Dah cherchait un point d’ancrage. Il va maintenant figurer sur les listes électorales. Ce n’est pas le moindre des avantages. Son président serait intéressé par un poste de député à l’Assemblée nationale. Avant une éventuelle plus haute marche, puisqu’il a déjà déclaré sa candidature à la présidentielle de 2019.
Personne ne niera son impact positif sur la question de l’esclavage, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays : tout le milieu conservateur et le clergé condamnent désormais cette abjecte pratique. Un succès qui le lance à la conquête des urnes, pour les élections locales. L’Assemblée nationale lui sera la meilleure des tribunes, pour parler aux Mauritaniens et peser sur les choix des questions nationales. Mais quelle place son allié est-il prêt à lui laisser ? L’homme, dit-on, est envahissant et omnipotent. C’est notamment pourquoi, semble-t-il, les négociations avec d’autres partis de la place ont échoué.