Trois Mauritaniens perdus dans les rues abidjanaises à la recherche d’un café matinal, c’était comme des Extraterrestres perdus dans un coin de l’Afrique. Pas un cafétéria ouvert. Des centaines de mètres à déambuler dans les rues cabossées, à la merci de chauffards perdus dans cette jungle motorisée. A 8 heures déjà, c’est le grand embouteillage. De ceux qui font perdre aux plus sages leurs langages modérés. Pétarades, embardées, les chauffeurs d’Abidjan sont les plus indisciplinés du monde. Et dire qu’on se plaignait de la pagaille des «Tout-droits Nouakchottois » qui nous semblaient être les diablotins de la circulation routière. On se rend compte qu’ils devront descendre ici à Abidjan pour des stages de formation pour un «certificat de dernière degré de chauffarisme ». Presque tous les resto avaient baissé les rideaux. A croire qu’à Abidjan, on ne déjeune pas. Les trois Mauritaniens vont d’une indication à une autre. «Non messieurs, on ne vend pas de café, seulement des croissants » entonne d’une voix mielleuse une jeune fille derrière le comptoir d’une pâtisserie. «Allez voir chez le Roi du Poulet ». Encore, quelques centaines de mètres plus loin, dans une ruelle encore plus cahoteuse et dégradée que toutes celles déjà empruntées. Ici et là des flaques d’eau, vestiges de la forte pluie qui s’était abattue la nuit. Dire qu’en Mauritanie, l’on rêve d’une seule goutte alors qu’ici le ciel semble si clément.
Au «Roi du Poulet », la place semble vide. Un jeune arabe se cache derrière un comptoir barricadé. «Non, nous n’avons pas de petit déjeuner à vendre ». Nos petits chasseurs de «café-chaud-le-matin » roulent des yeux pour repérer ne serait-ce qu’une gargotte. Ils reniflèrent l’air à la recherche d’une providentielle odeur de café. Ils n’humèrent que l’odeur fétide du sol trempé d’eau fade. Ils piquèrent vers une boutique à côté, histoire de se payer n’importe quoi pour se mettre dans la panse. «On n’a pas de lait frais » susurre le boutiquier, qui tendait trois bouteilles de lait tiré d’une caisse. N’en pouvant plus, l’un des Mauritaniens lui lança «et pourquoi tu ne gardes pas du lait frais dans ton frigo ? » «Ca ne se vend pas » lui répondit le vendeur. «Alors pourquoi acheter alors du lait si ça ne se vend pas ? » Sans attendre la réponse, les trois Mauritaniens lui laissèrent ses trois bouteilles de lait sur le comptoir. Puis ils décidèrent d’aller prospecter ailleurs. Toujours à la recherche du petit déjeuner qui semblait aussi rare que la silhouette d’une sirène. Une jeune fille venait d’ouvrir sa petite échoppe. Devant, c’était écrit «Resto du coin, café chaud » avec le dessin d’une grosse tasse fumante à l’entrée. Le sourire apparut sur le visage de nos trois chasseurs de «Petit Dej ».
«Vous avez du café ? » s’enquirent-ils, en prenant déjà place comme si la réponse était évidente. «Oui » répondit-elle. Le visage de nos amateurs de chaud se fendit de larges sourires. «Vous avez quelque chose de prêt ? » demandèrent-ils de nouveau. «Non, malheureusement, cela va prendre un peu de temps, je viens d’ouvrir » leur rétorqua-t-elle. Le temps pressait et nos trois «amateurs de café matinal » avaient déjà perdu plusieurs minutes sur leur rendez-vous. La circulation, déjà trop embouteillée ne leur laissait nullement le choix. Décidément à Abidjan, en tout cas dans ce coin-ci de Cocody, vaut mieux s’abonner à la diète matinale.
Cheikh Aîdara
source aidara.mondoblog.org