Au-delà de ses origines aristocratiques, issu d’une lignée princière ancestrale du Brakna (Mauritanie) Bakar Ould Ahmedou, honorable citoyen de son état, vient de nous quitter pour sa dernière demeure. Que Dieu ait son âme !
En effet, après s’être enrôlé de son jeune âge au cours des années 1935-1936 à l’école coloniale à l’époque dénommée « école des fils des chefs » en passant par l’Ecole Normale des Instituteurs de Sebakhoutane (Sénégal) où il sortit instituteur avec première affectation à Atar où il enfila son premier costume de serviteur de l’Etat en qualité d’enseignant où il eut pour élèves de nombreux futurs hauts cadres de ce pays dont entre autres : l’ex-président de la République Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya, Mohamed El Moctar Ould Zamel et autres cadres non moins importants ; il se lança plus tard en politique à l’avènement de l’indépendance 1959-1960 pour être élu 1961-1962 député d’Aleg.
On lui attribue l’une des célèbres résolutions de l’Assemblée Nationale lors de l’élaboration de la Constitution qui fait désormais doter le pays d’un régime présidentiel plutôt que d’un régime parlementaire.
Après ce bref séjour à l’Assemblée Nationale, son génie et son sens diplomatique ont été aussitôt remarqués par les autorités de l’époque, ce qui lui a valu d’être nommé premier ambassadeur de la Mauritanie en Tunisie à une période où la Mauritanie était sensiblement méconnue voire détestée et haïe par les pays arabes en soutien à la très efficace et dynamique campagne de la diplomatie marocaine de l’époque faisant de la Mauritanie une partie intégrante de son royaume.
Lors de ce séjour en Tunisie, la cause de la Mauritanie a été brillamment défendue par ce diplomate venant des profondeurs du désert et ce sans ménagement ; il arriva à conquérir le cœur des tunisiens en la personne de leur président de l’époque Habib Bourguiba qui l’auréola de toutes les vertus.
Après ce merveilleux passage en Tunisie, il a été nommé ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en France et au Royaume Uni avec résidence à Paris.
Diplomate hors pair
Là aussi, il déploya une diplomatie on ne peu plus magnifique nouant de nombreuses relations avec des hommes politiques de l’époque en France à leur tête le Général De Gaulle arrivé au pouvoir quelques années plus tôt après son discours de Bayeux.
Parmi ces autres personnalités, on pouvait citer entre autres François Mitterrand, René Pleven et l’incontournable Jacques Foccart et avec une inoubliable réception organisée en son honneur par la Reine d’Angleterre Elisabeth 2 lors de sa présentation de ses lettres de créance, lui offrant le privilège de monter à bord du chariot royal impressionnant la reine par sa haute stature et le costume traditionnel de Mauritanie qu’elle n’a jamais vu.
Ce séjour radieux en Europe a été récompensé par sa désignation comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en Afrique Occidentale Française (Sénégal, Guinée Conakry, Côte d’Ivoire, Haute Volta aujourd’hui Burkina Faso, Gambie) avec résidence à Dakar.
Là encore sa diplomatie a atteint tout simplement on apogée, nouant des amitiés avec les présidents de l’époque : Léopold Sédar Senghor, Ahmed Sékou Touré, Houphouët Boigny, Sangoulé Lamizana, Daouda Diawara.
Là-bas il arriva avec son sens élevé de la diplomatie à rehausser le statut du ‘’nar gannar’’ (appellation traditionnellement très péjorative au Sénégal envers les maures) au statut de ‘’nar toubab’’ au pays de la Téranga.
Très longtemps, les commerçants de bétail de Bargny, de Pikine, des marchés Sandaga, Tilene, Ngalaw (Sénégal), la cour de Sangue Thiam de l’avenue Clemenceau se souviendront de sa haute silhouette dominatrice toujours prompte à régler les tracasseries auxquelles se trouvent confrontés au quotidien ces commerçants perdus dans un milieu qui n’était pas très facile à intégrer.
Tout cela sans oublier ses sorties en politique à caractère très nationaliste, son passage à Air Afrique où il a été très remarqué par sa condescendance et sa générosité envers ses citoyens toutes communautés confondues quant aux attributions des billets d’avion qu’on lui a disponibilisés par le biais de la Société Air Afrique dont il était le représentant à Dakar pour les distribuer ensuite aux plus nécessiteux pour leur pèlerinage à la Mecque, sans vouloir limiter ce qu’il a fait de positif pour son pays et peut être pour l’humanité tout entière à ces observations sus-référencées.
Permettez-moi de vous dire que ce témoignage outre tombe sur le personnage que fut mon père et mon concitoyen Bakar Ould Ahmedou, vient des profondeurs des régions sublimes de mon cœur.
En résumé, les combats épiques à la Homère qu’il a menés durant sa vie ne laissent personne en Mauritanie indifférent.
Je suis parmi ceux qui l’ont vu en tant qu’homme politique, convaincu de ses idées, et j’en connais quelque chose pour avoir souvent été en désaccord sur nos lignes politiques respectives ; mais il a toujours défendu farouchement ses idées dans le respect de l’adversité sans jamais dépasser les règles de l’urbanité.
En fait, Bakar était un homme de cœur, le moins que l’on puisse dire sur la personne de ce haut personnage en couleur des oulad Abdallah est qu’il était une âme bien née.
Maître Moctar Ould Ely
Avocat à la Cour