Eleveur amateur, fan de la faune et de la flore, je suis témoin depuis plus de 30 ans de la dégradation galopante du milieu naturel dans notre pays.
En effet, dans ce pays frappé de plein fouet par le fléau endémique de la sécheresse, et son corollaire la désertification envahissante, la protection de la nature doit être l’affaire de tous.
En somme, au rythme où vont les choses, la faune et la flore subissent dans leur dernier retranchement (sud-est du pays notamment: Trarza, Brakna, Gorgol, Guidimagha…) les assauts acharnés cyniques, et très souvent impunis des malfaiteurs.
Les animaux sauvages (lions, chacals, loups, hyènes, éléphants, léopards, Autruches, outardes, reptiles de toutes sortes…etc.) nombreux, il y à seulement quelques décennies, appartiennent désormais à un passé révolu : l’extinction d’une foultitude d’espèces animales et végétales est remarquable par les plus communs des profanes.
Forêts en danger
L’action des braconniers, conjuguée avec celle de la sécheresse, a eu raison de la dernière résistance des espèces les plus coriaces.
Les arbres arbustes, et buissons se volatilisent sous l’action dévastatrice de la hache et du feu (feux de brousse, campagne charbonnière….).
Même les forêts classées n’échappent pas à ce fiasco. En fait, des forêts classées du Gorgol, jadis au nombre de 5 et d’une superficie de 4462 ha (diordbivol : 750ha, dao : 958ha, yamen diaye : 530ha, ngo8+9ye : 1829ha, dindé : 395he), il ne reste plus que les noms dans quelques vieilles archives mal conservées.
Aussi, il est fort probable que les forêts classées des autres régions du pays aient subi le même sort.
L’abri, le brise-vent, cette ceinture verte naturelle, protégeant la vallée et ses cultures cède laissant nos champs et nos maigres potentialités hydrauliques à la merci des influences climatiques sévères et néfastes du sahara.
Ainsi, les irrésistibles rafales assourdissantes de l’harmattan, la nudité écœurante et la désolation absolue, ont supplanté les roucoulements vivifiants, lyriques, inspirateurs, voire poétiques des oiseaux, l’attrait et le charme hospitaliers et souriants des espaces verdoyants du milieu naturel d’un passé relativement récent.
Les lacs, marigots et oueds, jadis parsemés d’acacias ( Talh, Amour, rwars), Alysicarpus (Senkeli), Avicenna ( Eyzen), balanites (Teychet), combretum (Tikifit), Sclerocarya birrea (dembou), commiphora africana (adres), cordia (agjoul), Grewia bicolor (imijij), Faidherbia albida (Avrar), Pterocarpus lucens (lebara), Capparis decidua (Eygnin)… cèdent la place à d’effrayants amoncèlements de dunes de sable mouvants ou à d’immenses étendues d'argile lezardée.
La terre, affamée, bâille, exposant pitoyablement ses entrailles aux matraquages lancinants des influences désertiques sévères qui s’abattent implacablement sur les endroits déboisés.
Il est donc clair qu’il s’agit d’une calamité d’envergure dont l’ampleur ne peut laisser indifférent.
En fait, la destruction de notre environnement menace notre existence déjà très précaire.
Cri d’alarme
En tant que témoin, le devoir m’intime donc l’ordre de lancer un cri d’alarme pour appeler l’attention de tous (pouvoirs publics, citoyens, diverses opinions…) sur les dangers inéluctables qui nous guettent si nous laissons le peu qui reste de notre faune et flore se consumer sous nos yeux.
L’obligation d’inverser cette tendance destructrice s’impose comme une urgente et vitale nécessité.
Les actions balbutiantes n’ont plus de place devant l’étendue du désastre.
L’intérêt supérieur de la nation commande l’administration urgente d’une thérapie de choc qui comporterait, à coup sûr, des mesures contraignantes.
Parmi ces mesures on peut préconiser :
- Interdiction absolue de toutes formes de chasse pendant une période relativement longue (deux décennies par exemple) pour permettre la régénération du capital faunique.
Cette mesure doit s’accompagner d’un contrôle strict de la détention et de la circulation des armes à feu à canons lisses et rayés.
- Prohibition absolue de toute coupe ou combustion de ligneux verts. Cette interdiction doit être assortie d’une baisse sensible du prix du gaz domestique au moyen d’une subvention publique.
- Remise en état des pare-feux à la fin de chaque hivernage.
- Ensemencement et reboisement par repiquage à la veille de chaque saison de pluie par tous les moyens disponibles (armée de l’air, de terre, éleveurs, pâtres, volontaires …etc), des zones les plus touchées.
Les semences à épandre et les pépinières à transplanter doivent être issues de la végétation locale et tenir compte des spécificités zonales.
- Encadrement et sensibilisation des éleveurs pour prévenir les surcharges dommageables de pâturages, d’une part et d’autre part, rendre leur activité plus lucrative et moins contemplative.
La combinaison de ces mesures, du reste, complémentaires et la persévérance dans leur application sans faille demeurent des conditions préalables et sine qua none de tout projet de préserver la biodiversité et partant d’améliorer progressivement notre cadre de vie.
Med Baba Abd El Wedoud
Cadre des Douanes à la Retraite
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