La multiplication des cas de COVID en Mauritanie inquiète au plus haut sommet de l’État. C’est du moins ce qu’il est apparu dans le dernier discours du président de la République, le 23 Mai, lors de la fête célébrant la fin du mois béni du Ramadan. En dépit des dispositions sanitaires, des mesures préventives et des moyens déployés, notre système de santé n’a pas réussi à prévenir le regain d’activité du virus, marqué par la prolifération des cas dans quasiment toutes les régions du pays. Il s’incruste un peu partout, avec, cette fois, un nombre inquiétant de morts. En moins d’une semaine, on en enregistre plusieurs et la contamination de certains de ces cas n’aurait été décelée qu’après le décès. La progression de la pandémie est surtout remarquée en quelques quartiers de la capitale. Une situation suffisamment préoccupante pour pousser le président de la République à sortir de sa réserve habituelle et mettre les Mauritaniens en garde. Considérée jusqu’ici sous contrôle, la situation devient grave, a-t-il dit en substance. Chacun doit prendre ses responsabilités car il y va autant de son propre avenir que celui de son pays. Face à une pandémie sans vaccin, les mesures-barrières constituent la seule voie de salut.
Avec la multiplication des cas, le gouvernement a mis en place un comité interministériel et convoqué l’armée. L’apport de la Grande Muette se décline en trois hôpitaux de campagne dans les trois wilayas de Nouakchott, dotés, nous affirme-t-on, de moyens humains et matériel adéquats. Une décision en réponse aux critiques sur la gestion de la première phase de la riposte. Car, préoccupant tous les Mauritaniens, la situation ne les interroge pas moins. De partout s’étaient élevées des voix pour dénoncer l’accueil et la prise en charge des malades, des personnes suspectées d’infection ou de leurs proches. Non seulement le centre spécialisé a montré ses limites mais aussi les hôpitaux traditionnels, prouvant combien mal étaient-ils outillés. Pire, ils ont cessé quasiment cessé leurs activités. Avec de graves problèmes dans la gestion des autres pathologies et une rupture en certains médicaments.
La situation des centres de quarantaine n’est pas meilleure. Ils traînent une mauvaise réputation. Des rumeurs et propos relayés par des proches de ceux les ont fréquentés donnent l’impression de ressembler à de véritables « purgatoires » et les propos du directeur général de la Santé, selon lesquels « toute personne qui y est conduite ne reverra plus ses proches », n’ont évidemment pas rassuré. Même si l’effet escompté était de provoquer un déclic chez les citoyens, ils auront probablement dissuadé nombre de citoyens de contacter le centre d’appel… qui fait, lui aussi, l’objet de beaucoup de critiques. Quant à la dernière annonce selon laquelle des patients pourraient être mis en quarantaine chez eux, elle inquiète tout autant, sinon plus. Rapporté sur les réseaux sociaux par des proches, le sort de deux malades a suscité l’indignation de l’opinion, même s’il faut prendre ces « infos » avec précaution. En tout cas, l’attente du désormais quotidien (à 18h) point de presse du directeur général de la Santé publique est devenue une véritable angoisse pour l’opinion qui s’attend chaque jour à pire que la veille.
Organisation déficiente ?
Mais comment diable en sommes-nous arrivés là, alors que nos autorités sanitaires laissaient entendre qu’on en était, il y a moins de quinze jours, à zéro cas dans tout le pays ? Assez vite suivie par la réouverture de certains marchés et commerces, cette annonce a-t-elle relâché la surveillance ? Qu’a-t-il manqué ? Comme partout ailleurs sur la planète Terre, la Mauritanie n’était certes pas prête à faire face à une telle pandémie et l’un des membres du personnel soignant, le neurochirurgien docteur Kleib, n’avait pas manqué de nous en alerter. Il faut éviter la tension des structures de santé, elles ne sont pas outillées, disait-il, une réalité particulièrement préoccupante pour toute structure d’accueil de patients du COVID. Quel est exactement le protocole suivi ? Avec quoi les malades du COVID sont-ils traités ? Le taux de guérison paraît faible : pourquoi ?
Il n’est un secret pour personne que les capacités de notre personnel ne sont pas fameuses. Nous ne manquons certes pas de professeurs, médecins et infirmiers mais rares sont ceux capables de gérer la situation que nous vivons depuis Mars dernier. Individuellement et surtout collectivement. L’accueil réservé dans les centres hospitaliers ou cliniques privées renseigne sur ces capacités. Et cela rehausse d’autant plus le courage de ceux d’entre eux qui se défoncent en première ligne. Saluons-le.
Sursaut national
Au vu de ce qui se passe aujourd’hui dans le pays, on peut légitiment se demander si nous ne sommes pas en train de payer notre indiscipline citoyenne. En dépit des mesures sanitaires et sécuritaires prises par les pouvoirs publics, trop de concitoyens continuent à les braver : visites à domicile, aux bureaux, entassement dans les voitures de transport et les marchés qu’on a (trop ?) vite décidé de rouvrir, assistance aux mariages et autres cérémonies de famille… Les enterrements demeurent des occasions de rassemblement, sans aucune distanciation sociale, ni lavage de mains, ni port de masque. En dépit de l’obligation d’en porter, nombre de Mauritaniens s’y refusent, s’exposant et exposant leurs proches ; au sens large : tous ceux qu’ils approchent physiquement. C’est pour toutes ces raisons et risques auxquels est confronté le pays que le président de la République a mis tout le monde devant ses responsabilités. Espérons que son appel ne tombera pas en oreilles de sourds. Nous avons besoin d’un sursaut national ; le tapage des officiels, acteurs politiques et Société civile n’a pas servi à grand-chose. Allez voir ce que deviennent les lavabos installés dans la précipitation aux marchés et carrefours, par les mairies, associations et autres… Les banderoles et autres panneaux de sensibilisation sur nos grands axes n’ont pas résisté à l’incurie des populations. Idem dans nos établissements publics. On se demande comment le gouvernement entend s’y prendre pour la rentrée scolaire des classes d’examens, prévue début Juillet. Gare au laxisme et à l’opportunisme de ceux qui n’y verront qu’une nouvelle occasion de se remplir les poches ! Alors que certaines de nos forces de défense et sécurité ne se sont illustrées, hélas, que par le zèle outrancier et la gâchette facile...
L’heure est grave, les citoyens ne doivent plus tout attendre des pouvoirs publics dont les messages radios et télés n’ont pas porté de fruits. Les reportages, les directs sur les distributions de vivres, le lancement de divers programmes ou campagnes et même les sketchs semblent passer au-dessus de nos têtes. On cultive, dans quasiment tous les quartiers, l’illusion que le combat contre la pandémie serait une affaire exclusive de l’État, avec cette impression qu’on a tous été des oubliés d’un fonds spécial COVID dont on commence à ne plus se souvenir. Changeons donc la stratégie de communication et de sensibilisation ! On a beaucoup distribué : détergents, gels, savons, kits alimentaires… sans grands effets sur les populations qui ont surtout souffert de la fermeture des marchés. Mettons nos artistes, nos imams et notre jeunesse en avant ! Que chaque structure de jeunes et de femmes s’engage bénévolement à porter le message auprès des familles ! On sait que la communication officielle est ratée, elle a trop fait dans l’exhibitionnisme et se retrouve aujourd’hui dégonflée. Aidons l’État à nous aider, en nous appropriant le combat contre cet ennemi invisible qui rôde autour de nos maisons ! Il y va de notre intérêt. Et nous pouvons la gagner, cette guerre sanitaire ! Tout comme celle de l’économie… grâce à l’aide étrangère, comme toujours !
Masques, parade efficace
Le strict respect des mesures-barrières : lavage des mains, port du masque et distanciation sociale ; posent problème dans nos familles, bureaux et espaces publics. Il faut portant s’y faire. Comme dit tantôt et de l’avis de tous les spécialistes, elles constituent, en l’absence de vaccin, le seul moyen efficace de prévention. Accessible ? Si les masques et le gel ont manqué au début, le savon n’a cessé, lui, d’être partout présent. Aujourd’hui, les tailleurs produisent des masques à tour de bras et prix acceptable : entre 200 et 500 MRO. Leurs homologues chirurgicaux sont un peu plus chers. Les citoyens, qui attendaient une distribution gratuite par le ministère de la Santé, se sont ravisés et les achètent maintenant aux coins de la rue ou chez leur tailleur. Sur leur efficacité et manière de les porter ? Beaucoup de choses à dire et à faire. Nos médecins devraient les expliquer à tous. Comme s’y est employée l’ex-ministre de la Santé du Sénégal, madame Éva Marie Coll Seck, dans une vidéo devenue virale largement partagée sur les réseaux sociaux, expliquant de manière très didactique comment le porter et les précautions à prendre.
Oui, le port du masque dans les lieux publics et les transports, tant urbains qu’interurbains, doit être généralisé et rigoureusement appliqué. S’il le faut, le gouvernement doit les fournir gratuitement, en mobilisant l’usine d’habillement de l’armée, sise à El Mina. Des ONG et autres bonnes volontés peuvent y contribuer et c’est une opportunité non-négligeable de travail pour les nombreux tailleurs de nos grandes villes.
Dalay Lam
lecalame.info