Décidément, dans ce pays, tout semble permis et l’on ne recule devant rien. Les lois et instructions en vigueur sont bafouées par ceux-là mêmes qui les ont initiées et ceux qui ont en charge d’en faire respecter l’application. Mais quand il s’agit d’un intérêt particulier, il faut en bénéficier !
C’est le cas des instructions de la Banque centrale qui régissent le système bancaire, palliatif et utile pour notre économie. Les banques primaires les ignorent dans la pratique et en font fi, comme si elles n’existaient pas. Tandis que la BCM assiste passivement à l’effondrement de ces entreprises, l’une après l’autre comme un château de cartes ; où n’arrive à leur chevet qu’aux derniers moments d’agonie. Par ici, Maurisbank est passée, deux autres banques sont sur ses traces.
Ces retards d’intervention nous laissent supposer que prise de stupéfaction, la BCM n’a pas réagi, pour ne pas soutenir ce dont nous étions certains. Les banques en question ne sont-elles pas celles-là mêmes dont celle-ci autorisa l’ouverture, il y a à peine cinq ans ? Et qui avaient attiré notre attention critique, quant aux mobiles réels et la nécessité d’une telle offrande, signalant à raison qu’elles ne répondaient pas à un besoin du marché. Ce marché tant exigu.
BCM laxiste ?
Pourtant la BCM a tout à disposition pour remettre à l’ordre un système qui dépend d’elle, de l’accord d’agrément au retrait de celui-ci. Et tout aussi à sa disposition des textes, la force de la loi. Comme quoi, si elle n’est pas complice avérée de ces manquements, elle peut, tout de même être taxée de laxisme envers certaines pratiques, à défaut d’agir à bon escient et dans les délais.
Sinon, comment expliquer que des actionnaires et des dirigeants exploitants disposent de crédits colossaux, (des milliards, entend-on dire), contrairement à la réglementation ? (voir instruction n°008/GR/2012). Pourquoi les dépôts de la clientèle, censés être sécurisés, sont-ils indignement atteints ? (voir instruction n°004/GR/2008). Pourquoi ces déposants sont-ils contraints de poireauter, à la queue leu leu en file indienne, pour disposer de quoi assurer leurs dépenses quotidiennes ? Pauvres salariés, sans parler des déposants qui fructifient de petites affaires et qui se trouvent soudain privés de leur petit fonds de roulement ! À qui incombe la responsabilité de tels errements? Cette responsabilité dont l’absence frappe de plein fouet notre système bancaire fragilise notre économie et peut entamer nos relations avec nos partenaires.
Depuis quelque temps, des informations insistantes évoquent la faillite imminente de certaines de nos banques. Des rumeurs en droite ligne de la situation générale qui prévaut dans le pays, tant en matière économique que financière. Rappelons ici que le système bancaire est très sensible aux aléas d’un environnement instable, surtout lorsque la réglementation, souvent rigoureuse, n’est pas appliquée. Ce qui l’expose aux tentations de pratiques illicites, avec de néfastes conséquences sur son existence même.
Agréments tous azimuts
D’autant plus que la décennie écoulée s’est signalée par l’agrément tous azimuts de banques qui ne répondent pas à une nécessité du marché. Ce qui a exposé le secteur à l’entrée de nouveaux acteurs sans critères objectifs d’accession et outrepassant la réglementation en vigueur. Un tel vice de forme prédisposait déjà à des résultats négatifs prévisibles qui ne doivent donc pas surprendre. Clairs sont les textes régissant l’exercice de la profession, à savoir la loi bancaire « 74/021 du 21 Janvier 1974, les ordonnances N°82/034 du 24 Avril 1982, N°82/108 du 27 Août 1982 et les autres instructions » de la BCM qui ont suivi. En matière d’octroi d’agrément, de précis critères doivent être remplis, avant tout accord a fortiori. La loi N°02/GR/2008 exige ainsi : « la licité de l’origine des fonds, l’honorabilité des apporteurs de ces fonds, et leur non-engagement au niveau du système bancaire ».
Aussi pertinentes soient-elles, ces conditions sont à telle enseigne pointues qu’elles peuvent être rarement remplies. Surtout que l’autorisation de collecte des dépôts et de distribution de crédits (création monétaire) reste une responsabilité lourde de conséquences. Dans la mesure où la distribution de crédits doit se faire dans la limite du respect « des ratios prudentiels, de liquidité, de trésorerie, de division de risques et de possibilité d’engagement à moyens et long terme ».
Les banques ont un rôle économique et financier indéterminé dans le temps. Leur durée de vie est égale à celle des pays, en ce sens qu’elles se développent et prospèrent souvent dans un climat de stabilité. Elles ont le devoir et le rôle de jouer l’intermédiation entre les personnes physiques et/ou morales, les unes fortes de moyens financiers (collecte de dépôts), les autres de requêtes de financement (besoin de crédits). En bref, le rôle de financer les économies, faisant priorité aux secteurs porteurs. Les dépôts de la clientèle doivent être gérés suivant des normes de gestion saine qui permettent à la banque de générer des produits.
L’utilisation de ces dépôts à des fins douteuses, irrégulières, ne répondant pas aux normes d’usage professionnel et de transparence, reste à la responsabilité de la banque du client et de la BCM, conformément à l’instruction N°004/GR/2008, relative au « fonds de garantie des dépôts », pour indemniser les déposants en cas de faillite. La note-instruction N°08/GR/2012 régit les relations entre les banques, leurs dirigeants et leurs actionnaires. Elle rappelle notamment que ces organes dirigeants ont, entre autres charges, celle de veiller à l’évolution des ressources et emplois, afin d’éviter surtout de souscrire des engagements excessifs par rapport aux ressources.
Concurrence déloyale
Une instruction qui a l’avantage d’éviter que les crédits soient distribués de manière abusive à ceux qui ont en charge la gestion de la banque et aux actionnaires, profitant en lieu et place des véritables clients qui alimentent la banque par leurs dépôts. Évitant ainsi de susciter une concurrence déloyale à ces derniers et de recentrer les crédits au niveau des mêmes bénéficiaires, ce qui rend difficile leur recouvrement. Or quand ce sont les actionnaires, via l’organe de gestion, qui bafouent la réglementation en s’octroyant des crédits, ils mettent à mal, non seulement, la transparence dans la gestion mais établissent, aussi, un précédent injustifiable, au vu de la loi.
On comprend donc que les crédits accordés dans des conditions ne respectant pas les normes et instructions restent de la responsabilité conjointe de la banque et du bénéficiaire, dans la mesure où est avéré un laxisme dans la gestion : mauvaise étude de faisabilité, non-constitution de garanties suffisantes, dépassement de pouvoirs, etc. Mais ceci ne peut nullement échapper à la vigilance de la Banque centrale qui reçoit, à chaque fin de mois, les situations de toutes les banques a gréées, via la centrale des risques, dont notamment les crédits directs ou indirects inférieurs ou égaux à un million MRO. Les dysfonctionnements et incohérences dans le système d’informations doivent être systématiquement constatés et des mesures prises par la BCM qui a en charge la supervision du système bancaire. Une tâche essentielle visant à réguler le marché bancaire et monétaire dont la stabilité est entre autres impérative pour assurer celle des prix.
Il ressortde tout ceci qu’autant les banques primaires sont responsables, autant la BCM y a sa part, considérant son attribution des agréments à la source et de sa supervision du système, via les instruments juridiques et outils à sa disposition pour exiger la transparence et le respect des procédures. La responsabilité est clairement partagée : il faut l’assumer. Sans plus tarder. Faute de quoi, nous assisterons à la faillite, l’une après l’autre, des banques nouvellement fondées ; du fait qu’elles s’inscrivent dans une logique de concurrence déloyale, permettant une course effrénée vers un enrichissement illicite et rapide ; puis du système tout entier, au détriment du renforcement et de la stabilité d’une économie et marchés de capitaux nationaux solides.
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